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- Gens d'ici -

Le temps des sucres : une visite chez Luc Pelletier, acériculteur

Gens de la terre
Jean-Pierre Fourez

Luc Pelletier et Sylvie Gagné devant la cabane qui fourmillera d’activité très bientôt.  (Photo : Jean-Pierre Fourez)

Il est bien difficile de se retrouver parmi les Pelletier de Saint-Armand, car il y a bien une vingtaine de familles de ce nom sur notre territoire, sans compter ceux des villages environnants. On sait que ces familles furent prolifiques, aussi quand se forme une nouvelle dynastie de Pelletier-Pelletier, comme dans le cas de Luc, c’est la confusion totale. Car il faut savoir qu’il y a deux branches souches de Pelletier, celle d’Hector (dont Luc descend du côté paternel) et celle de Raoul (dont il descend du côté maternel). Bref, tous les Pelletier sont cousins à des degrés divers. Mais enfin, j’y arrive. Aujourd’hui on parle des sucres.

Dans les années 50, Irénée (père de Luc) achète une érablière de 55 acres proche de la ferme qu’il exploite sur le chemin Pelletier nord et se met à produire du sirop qu’il vend à la famille, aux amis et amis des amis, se constituant ainsi une clientèle fidèle qui écoule année après année la totalité de sa production.

En 1978, Luc rachète l’érablière de son père après la construction d’une nouvelle cabane à sucre (1977) sur le bord du chemin. Exploiter 3000 entailles n’est pas de tout repos. Aussi, modernité oblige, Luc s’équipe d’un système tubulaire pour 2300 entailles. Les 700 autres restent exploitées de manière traditionnelle : des seaux accrochés au chalumeau dont on recueille le contenu avec le tracteur et la citerne.

Pour les profanes, le système tubulaire consiste en un vaste réseau de tuyaux de plastique (petit diamètre) qui part du tronc pour rejoindre une ligne latérale (diamètre moyen), qui ira à son tour rejoindre une des sept lignes maîtresses (gros diamètre) qui courent sur toute la longueur de l’érablière. Ces sept lignes maîtresses aboutissent à un réservoir de 600 gallons. L’écoulement se fait en grande partie par gravité, bien qu’il soit facilité par une pompe aspirante. Précisons que, pour pouvoir y faire une entaille, un érable doit avoir au moins 10 à 12 po de diamètre, pour y ménager deux entailles, il doit en avoir au moins 20, sinon on risque de l’épuiser. Quant à la cicatrisation de l’orifice de l’entaille, Luc s’en remet à la nature qui fait très bien les choses. Nul besoin de produits chimiques à cette fin.

Maintenant qu’on a l’eau d’érable, la recette du sirop est simple (en théorie !) : faire évaporer l’eau dans une proportion de 40 volumes pour 1 volume de sucre.

Pour économiser temps et bois de chauffage, Luc a choisi d’utiliser un système d’osmose inversée, appareil formé d’un filtre semi-perméable et d’une centrifugeuse qui a pour fonction de séparer une partie du sucre de l’eau. Ainsi, des 600 gallons, il restera 200 gallons d’eau sucrée, tandis que 400 gallons d’eau « désucrée » seront rejetés après avoir servi au nettoyage du système.

Ce n’est pas encore du nectar mais ça s’en vient. (Précisons au passage que le taux de sucre contenu dans l’eau varie de 40 à 30 pour 1 selon la quantité de feuillage. Un gros érable isolé donnera une eau plus sucrée.)

Ces 200 gallons d’eau concentrée arrivent au réservoir de la cabane où ils sont bouillis pour en évaporer la majeure partie.

Luc a deux bouilloires d’évaporation : un poêle à bois de 16 pi de long sur 52 po de large et un poêle de finition de 8 pi sur 2 pi équipé d’un thermomètre dans lequel se joue la partie finale : lorsque l’eau devenue sirop atteint la température précise de 219º F, c’est prêt. Un degré avant, le sirop est trop liquide et risque de ne pas se conserver, un degré trop tard, il est trop cuit et risque de cristalliser.

Une fois arrivé à son stade final, un beau sirop couleur ambre, c’est l’opération « cannage » (mise en boîte de conserve). Sylvie Gagné, l’amie de Luc, s’occupe alors de la partie commerciale et de la clientèle. Elle fait aussi du beurre d’érable.

Les acheteurs peuvent se procurer le sirop en boîtes, en gallons ou en vrac. Actuellement le sirop se vend environ 36 $ le gallon. On peut parler de clientèle fidèle puisque, dans bien des cas, il s’agit des enfants ou petits-enfants des anciens clients d’Irénée ! ! !

Luc produit environ 350 gallons de sirop par année qu’il arrive à écouler en (presque) totalité. Il est très fier de cette production qui perpétue une tradition ancestrale mais, comme il le dit : « On fait ça juste par amour car, sur le plan économique, ça ne fait pas vivre son monde. » D’ailleurs, Luc n’est acériculteur qu’un mois par an.

Chaque année, il prend congé au mois de mars pour se consacrer aux sucres. Le reste de l’année, il est camionneur pour la compagnie Glen-Tay, qui transporte de la poussière de roche de la carrière OMYA.

À Saint-Armand, il y a quatre autres acériculteurs : la famille Léopold Choquette, la famille Robinson, Jean Pelletier, ainsi que la famille Denis Édoin qui offre des repas traditionnels de cabane à sucre..

Alors ne manquez surtout pas cette belle tradition du « temps des sucres ». Une visite à la cabane s’impose… Sucrez-vous bien le bec !