Image : Chaïrich Abdenbi-Tétouan
Après être allé donner une conférence en Armandie à l’occasion d’une assemblée générale des membres du journal Le Saint-Armand, j’ai pris l’habitude de jeter un coup d’œil à chaque numéro de ce média communautaire. Je dis jeter un coup d’œil, mais dans les faits, je me retrouve toujours à lire plusieurs articles, sinon tout le journal. Je trouve cela intéressant. Les dossiers sur l’évolution de l’agriculture écologique, les problématiques régionales de toutes sortes, et que dire de l’excellent dossier sur l’utilisation de l’eau dans le dernier numéro.
Je me souviens avoir fait la remarque à ma Douce que ce numéro présentait, encore une fois, une perspective régionale, mais de qualité nationale. Dans notre conversation, je faisais remarquer que les gens de la région pouvaient ainsi s’interpeler et discuter de choses qui leur importent. Comme défenseur de l’information depuis des décennies, je voyais là l’illustration d’une nécessité sociale et d’une contribution à l’épanouissement d’une région dans toutes ses dimensions, communautaires, économiques, culturelles, etc.
Mon allégresse allait sombrer en apprenant que, comme bien d’autres journaux, Le Saint-Armand éprouve des difficultés et que sa pérennité est loin d’être assurée. La pandémie, la baisse marquée des ventes de publicité, le vieillissement et la fatigue de ses principaux artisans, la difficulté à recruter une relève…
La première chose qui m’est venue à l’esprit est que la communauté remarquerait rapidement le manque que la disparition du journal entraînerait. C’est dans l’absence que l’on mesure l’importance du manque. Redémarrer un journal, c’est beaucoup plus compliqué que d’appuyer celui qui existe déjà.
En réalité, c’est la notion de liberté qui me tracasse le plus. La liberté, c’est quelque chose qui ne peut exister sans échange, sans communication, sans médiation. La liberté, c’est décider de ses choix, mais pour cela, il faut les connaître, en être informé. Sans information digne de ce nom, vous ne vous appartenez plus. On vous vend comme une marchandise à des repreneurs de métadonnées. Vos visions, vos désirs, votre imagination sont canalisés, orientés.
Le journal communautaire est tout le contraire, c’est le milieu qui se parle à lui-même pour mieux envisager son propre développement et trouver des solutions à ses problèmes. Avec le journal communautaire, on peut articuler ses choix et penser son propre présent comme son futur. Il m’est difficile de concevoir qu’une région renoncerait à sa liberté.
* Raymond Corriveau a présidé le Conseil de Presse du Québec et il est également professeur associé au département de Lettres et Communication sociale de l’Université du Québec à Trois-Rivières où il a été un intervenant clé dans l’instauration des divers programmes en communication. Acteur de terrain sur plusieurs continents aussi bien que chercheur, il est membre du Centre de recherche interuniversitaire sur la communication, l’information et la société (CRISIS). Il vient de publier Un conseil de presse est-il encore possible ? Les misères de l’autoréglementation aux Presses de l’Université du Québec :
https://www.puq.ca/catalogue/livres/conseil-presse-est-encore-possible-4384.html