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- Communiqué -

Le prolongement de la 35 et la municipalité : « oui, mais… »

Guy Paquin (Deuxième d’une série de trois articles)

La Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) devra prendre son mal en patience. Elle était pressée de faire approuver par la municipalité de Saint-Armand le projet d’une halte routière avec services, du côté est de la 35 telle que projetée par le ministère des Transports. Ce projet aurait tout bonnement supprimé le garage Lebeuf Ultramar et le restaurant chez Bernadette tout en rasant complètement un million de pieds carrés de forêt à maturité. Disparaissait aussi une des entreprises de camionnage de Saint-Armand. La CPTAQ s’est fait répondre vers le milieu de mars dernier que la Municipalité ne voyait pas d’urgence à approuver un projet sur lequel le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) ne s’était pas encore prononcé. En entrevue avec le Saint-Armand, le maire Réal Pelletier a rappelé ce qu’il a affirmé dans le mémoire déposé par la Municipalité devant le BAPE.

« Nous nous opposons fermement au projet de halte routière à moins d’un kilomètre de l’échangeur Saint-Armand Nord. D’abord il y a là des entreprises (garage, casse-croûte, postes pour poids lourds, etc.) qui font vivre nos gens. Si par « halte routière » on entend offrir ces services, c’est inutile, c’est déjà fait !

« Ensuite, détruire un grand boisé centenaire dont l’actuel propriétaire prend un soin jaloux me semble choquant. Le seul résultat de cette destruction serait d’enlever le profond rideau d’arbres et d’exposer à la vue des voyageurs qui profiteraient de la halte la zone d’extraction de la carrière. Pittoresque paysage ! On enlève le beau boisé et on vous offre une carrière à regarder ! « Finalement, la carrière travaille tous les jours à la dynamite et le boisé représente une belle zone tampon qui évite aux automobilistes de se prendre un gros caillou sur le crâne. »

Dans son mémoire de décembre dernier, la Municipalité souligne l’étonnant projet d’implanter une halte routière juste vis-à-vis du « site de traitement des eaux usées de Philipsburg puisque les vents dominants provenant de l’Ouest soufflent exactement à cet endroit ». Peut-être qu’avec plus de cinquante litres d’essence, on aura droit à une pince à linge gratuite en prime pour se la mettre sur le nez…

Réal Pelletier a résidé dans les Maritimes et se souvient d’un projet plus heureux qui avait vu le jour à proximité du pont de la Confédération. « On avait créé un centre d’interprétation de la Baie, de ses marées, des courants, des formes biologiques particulières qu’on y trouvait, etc. Au lieu d’une halte routière, pourquoi pas un tel centre d’interprétation, plus près de la frontière ? On y donnerait des informations sur le refuge d’oiseaux migrateurs, les espèces rares (mésange bicolore) ou fragiles (petit Blongio), sur l’étang Streit, bref sur l’importance de Saint-Armand comme lieu de préservation de la nature. »

Et une passerelle piétonnière pour se rendre du centre d’interprétation vers le site ? « Ah ça, non ! » s’exclamera le maire avec un geste qu’on ne peut que traduire par « Vous imaginez le troupeau de malappris qui viendraient envahir ce lieu tranquille ? » So much for that.

Quant aux deux échangeurs projetés, la Municipalité n’y trouve guère à redire. Les édifices et structures à proximité de l’échangeur Sud (la Légion, le meeting hall de l’Église Unie, le terrain de balle et la piste de ski de fond) ne seraient pas touchés. Leur accès serait garanti par le fait que le tronçon de l’autoroute serait enfoui dans un tunnel avec passage d’automobiles par-dessus, du chemin Saint-Armand vers l’avenue Montgomery. Suppression de l’intersection avec le clignotant.

L’enfouissement représente pour la Municipalité une garantie contre les deux sources potentielles de perte de qualité de vie, la pollution du paysage et le bruit. La configuration de l’échangeur supprimerait la traversée actuelle de l’autoroute. « Pensez aux pompiers arrivant de Philipsburg et qui doivent s’engager d’urgence dans l’intersection actuelle vers le chemin Saint-Armand. Je trouve plus sécuritaire d’enfouir ce tronçon d’autoroute. »

Quant à l’échangeur Nord, il simplifierait l’accès à l’autoroute en direction Nord (vers Montréal). Lors de refoulements au poste frontalier américain (ex : les vacances de la construction), le boulevard de la Falaise et le chemin Stanley resteraient accessibles.

Il y a tout de même un hic. Le projet de l’échangeur Sud, dans sa configuration actuelle, y va allègrement de l’expropriation de plusieurs terrains et bâtiments (boutiques, résidences, bureau de courtage, etc.). La Municipalité propose au BAPE de gruger plutôt sur le terre-plein pour faire la voie en direction Sud (vers le Vermont), d’y aménager un muret de ciment et des lampadaires et de transporter la voie d’accès sur une partie de l’actuelle voie Sud. On temporiserait alors la frénésie d’expropriation.

Reste une inquiétude : l’enclavement des terres agricoles et l’impossibilité par leur propriétaires d’y accéder directement. Le mémoire de la Municipalité en fait état et souligne que ce problème ne peut rester sans solution.

Il rappelle aussi qu’en cas de rétrocession (remise en vente de terres agricoles expropriées et ensuite déclarées inutiles quant au tracé final de l’autoroute) des terres expropriées suivant l’un ou l’autre des deux tracés proposés, les propriétaires voisins des emprises à rétrocéder devraient être les premiers à avoir le choix de reprendre ou non ces parcelles. Ce serait une façon de compenser le morcellement entraîné par le nouveau tracé.