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- Gens d'ici -

Le numismate

Éric Madsen

Penny de 1837 (photo : M Foude Lamonnaie)

Pour des raisons évidentes de sécurité, l’Armandois numismate s’appelle Foude Lamonnaie. Tout ce qu’on peut dire de lui, c’est qu’il est natif d’ici, qu’il se porte bien, qu’il est marié et qu’il approche inexorablement de la cinquantaine.

Un numismate est un spécialiste, connaisseur des médailles et monnaies anciennes.

La passion des monnaies lui vient de sa mère qui, pour avoir la paix et faire tranquillement ses besognes, lui donnait quelques pièces qu’il faisait rouler sur le plancher de la cuisine, obnubilé par la brillance des sous. Sa grand-mère paternelle n’était pas en reste puisqu’elle aussi ramassait souvent de vieilles pièces. Mais ce qui fascine principalement Foude, c’est la date de la pièce de monnaie. Évidemment, plus c’est vieux et rare, et plus le numismate s’excite.

M. Lamonnaie ne collectionne que les pièces canadiennes en remontant jusqu’à l’époque de la conquête britannique. Il en possède plus de mille. Depuis 1858, le Canada et ses provinces ont produit des pièces de monnaie faciliter les échanges commerciaux. Il est intéressant de noter que l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve et la Colombie-Britannique ont tous frappé de la monnaie au courant de leur histoire. Avant, diverses monnaies circulaient tels que le dollar espagnol provenant du sud, le shilling anglais ou l’écu français, dans un méli-mélo tintant au fond des poches. Les Britanniques introduisirent le penny en 1837, la plus vieille monnaie au Canada, produite et fabriquée en Angleterre exclusivement pour les colonies. À l’époque, un penny du Bas-Canada représentait environ 100 $ d’aujourd’hui. Assez pour l’achat de la farine, du

Le gros et le petit 1 cent (photo : M Foude Lamonnaie)

Parmi les pièces qui ont été frappées, certaines peuvent va- loir une fortune. Selon leur qualité et leur rareté, elles peuvent êtres très recherchées par les collectionneurs.

Pour produire une pièce de monnaie, il suffit d’insérer un morceau de métal (appelé flan) entre deux autres pièces d’un métal encore plus dur (appelé coin) et d’exercer une pression sur le flan. L’image négative du coin est alors imprimée sur le flan, et la pièce de monnaie est ainsi frappée. À l’époque, les coins se détériorent rapidement après avoir frappé quelques milliers de pièces, de nouveaux coins doivent être utilisés. Tout comme le coin, le poinçon qui a servi à sa fabrication se détériore après quelques milliers de coins frappés. Les poinçons sont encore créés par pression d’un autre métal (appelé cette fois matrice). Les matrices sont créées par un maître graveur qui dessine les différents avers et revers des pièces. Parfois, le graveur oublie certains détails en essayant de reproduire une matrice qui devait être identique à une autre. Une variété est alors créée, et le numismate jubile.

Aujourd’hui, la matrice est dessinée au laser, éliminant toute reproduction imparfaite. D’ailleurs, l’intérêt de M. Lamonnaie pour les pièces frappées après 1953 s’atténue de beaucoup. Notons que c’est l’année où la reine Élisabeth II y apparaît.

Les collectionneurs et marchands de monnaie cataloguent  la qualité des pièces selon un système décimal de 1 à 70. Une pièce de monnaie complètement usée où aucun dessin ni écriture  n’est visible tant elle a circulée  est classée 1 tandis qu’une pièce parfaite est classée 70. Très peu  de collectionneurs s’intéressent aux pièces dont la cote est inférieure à 3, et rares sont les pièces  cotées au-delà de 65. De plus,  le système de gradation de la monnaie par les numismates est accompagné d’un terme représenté par une à trois lettres. Une pièce de qualité 3 et moins est considérée comme Passable (AG), de 4 à 7 comme Bonne (G), de 8 à 10 comme Très Bonne (VG), de 11 à 16 comme Belle (F), de 17 à 30 comme Très Belle (VF), de 31 à 45 comme Excellente (EF), de 46 à 55 comme Pratiquement Incirculée (AU) et de 56 et plus comme Incirculée (MS).

Selon M. Lamonnaie, le numismate collectionne ce que le commun des mortels ne voit pas. Des détails presque exclusivement visibles au microscope sur les cheveux d’une reine, sur une feuille de vigne ou sur la couronne d’un roi mal frappés ou modifiés deviennent source de recherches intensives afin de trouver ces pièces uniques.

Les monnaies incirculées ne sont pas rares, mais valent plus chères. Sachez que si, par une chance inouïe, vous trouvez dans l’écrin de votre vieille grand-mère Séraphine, une pièce de 5 cents de 1921, vous venez de tomber sur un petit trésor. Cette pièce incirculée était donnée aux visiteurs du musée de la Monnaie royale du Canada à Ottawa cette année-là. Elle fut frappée à 2,5 millions d’exemplaires, et elle vaut aujourd’hui environ 60 000 $. Et si oncle Séraphin vous a légué ses vieilles cennes, et que vous trouvez un 20 cents de 1858 (la seule année ou il fut frappé) pas trop magané (disons un 38 EF), ce sou vaut aujourd’hui environ 1500 $.

Mais le Graal du numismate armandois est le 50 cents de 1921 incirculé, qu’il cherche encore. Elle serait la pièce de monnaie la plus chère en ce moment au Canada, avoisinant les 85 000 $. D’ailleurs, selon Foude, le 50 cents avant 1901 est introuvable.

D’autres pièces de monnaie valent leur pesant d’or, le 5 cents et le 10 cents de 1858, ainsi que le 25 et le 50 cents de 1870.

Le dollar en argent est apparu en 1935 et a duré jusqu’en 1967. Ensuite il a été frappé en acier inoxydable, pour finir aujourd’hui en cuivre.

Le 5 cents de 1858 (photo : M Foude Lamonnaie)

L’histoire du 1 cent est intéressante. À une époque, il y avait deux sortes de 1 cent. La grosse et la petite cenne noire. Le gros cent noir à été frappé de 1858 à 1920. La première pièce de 1 cent frappée avait pour avers (face) l’effigie de la reine Victoria avec une couronne de lauriers et pour revers (pile) une branche de vigne avec 16 feuilles. Elle fut frappée à 421 000 exemplaires. À titre de comparaison, la petite cenne noire de l’année de ma naissance, en 1959, a été frappée 83 600 000 fois. En 1920, afin d’économiser le cuivre et de se conformer à la pièce de 1 cent des États-Unis, la pièce a été réduite. Le cent des années 1922 à 1925 est plus rare, car il a été moins produit en raison de la grande crise économique. La production a aussi été diminuée lors de la Seconde Guerre mondiale, les métaux servant plus à la fabrication des canons qu’à celle de la monnaie.

Le cent que l’on ne fabrique plus depuis cette année était fait d’un alliage de cuivre, d’étain et de zinc.

Les 1 cent les plus recherchés : celui de 1929, car le 9 de la date a été modifié à quelques reprises, celui de 1936, avec un surplus de métal sous la date, très rare, dont on connaît seulement cinq. Sa dernière vente en janvier 2010 rapportait 402 500 $. Un cinq cents de 1937 en laiton, un SP-66 (toutes premières pièces frappées) vendu en octobre 2010 : 8260 $. Et ainsi de suite. J’ai sous les yeux un catalogue de 700 pages : Le livre des monnaies canadiennes et leurs variétés, par Pierre Charest, édition 2013. Une sorte de bible pour numismate.

M. Lamonnaie ne collectionne que les métaux. La monnaie en papier l’intéresse moins car elle est trop fragile et endommageable. D’autant plus que les faux innondent le marché, ce qui est plus rare avec les métaux, mais pas inexistant. En effet, les Ukrainiens et les Chinois sont passés maîtres dans le faux monnayage de pièces de monnaie. La GRC enquête toujours et recherche même des 1 dollar de 1967 contrefaits.

Aujourd’hui, avec Internet et des sites de recherche à la fine pointe, les numismates professionnels ou amateurs trouvent une kyrielle d’informations pour les aider à connaître la valeur d’une collection. Depuis quelques années, les Américains se sont ouverts au marché canadien, découvrant la valeur de nos anciennes monnaies.

Il y a donc des trésors cachés dans les vieilles monnaies. Il suffit d’en trouver. Pas facile, me direz-vous, surtout quand un numismate armandois est aux aguets, mais qui sait, peut-être vous fera-t-il une offre ?

Pour ceux que cela intéresse et qui voudraient prendre contact avec Foude Lamonnaie : lepetit-numismate@hotmail.ca.

Ah oui ! J’oubliais. La Monnaie royale a déjà frappé une pièce d’un million de dollars. La pièce fait deux pieds de diamètre, mais ne la cherchez pas, elle a été frappée à seulement deux exemplaires