La grange dodécagonale Waldbrige, caractérisée par son plancher pivotant (photo : Antoine Bressani)
(Reproduit avec la gracieuse autorisation du journal Le Devoir)
On passe devant, on roule dessus, on s’y rend tous les jours : ces places, ces rues, ces villages ont des noms parfois charmants qui cachent une histoire souvent insoupçonnée. Tout l’été, nous partons à la découverte non pas des lieux, mais de leur toponyme.
L’auberge L’Œuf avoisine un charmant cimetière, au cœur de la pittoresque bourgade de Mystic. Des histoires circulent d’hôtes qui n’ont pu y dormir la nuit, pour cause de visites importunes de fantômes. Des rumeurs qui, du reste, ne datent pas toutes d’antan. Mais qu’a donc de si « mystique » ce village, sinon cette atmosphère particulièrement charmante et cet air champêtre qui évoque une autre époque ?
Selon le recueil Missisquoi — A Store of Memories (publié par la Société d’histoire de Missisquoi), les premiers résidants, qui remplacèrent des « Indiens », appartenaient à la famille Clapper. D’où le nom premier de l’endroit, Clapperton. Ce n’est qu’après avoir obtenu l’établissement d’un bureau de poste, en 1863, après une pétition envoyée à Québec, qu’il a fallu attribuer à la localité un nom officiel. Puis, sur l’ensemble des propositions soumises, le ministre des Postes aurait retenu celle de Mystic. Jusqu’ici, rien d’éminemment inusité, outre que le nom choisi ne commence pas par « Saint » ni ne se termine par « burg » ou « ville ». Pourquoi Mystic et pas autre chose ? Les archives de la Commission de toponymie du Québec mentionnent, au-delà de la possibilité que Mystic soit d’origine amérindienne, que « les Clapper étaient honnêtes et particulièrement superstitieux. Leur croyance aux revenants et aux sorcières ainsi que certains rites particuliers de leur vie quotidienne ont pu inspirer le choix de Mystic ». Hardy Craft, président de la Walbridge Conservation Area Foundation (WCAF), raconte que, avant Mystic (et après Clapperton), le village était connu sous le nom de Stanbridge Center. C’est donc pour éviter la confusion avec les autres localités des environs qui portaient le nom de Stanbridge que les autorités des postes auraient exigé un nouveau baptême.
La WCAF a pour mission de préserver le domaine Walbridge, joyau de la localité ; son vice-président n’est nul autre que Stephen Walbridge, le descendant de Solomon Walbridge, qui aurait institué le village en 1822.
M. Craft croit que Witch Hill, colline qui ferme le village, lieu occulte que les chevaux refusaient de gravir, aurait peut-être inspiré le nom de Mystic. Le Missisquoi — A Store of Memories affirme que la croyance voulait que se réunissaient là les sorcières avant de transformer « un malheureux en cheval, chien, renard, lièvre ou un autre animal selon leur convenance ».
Cependant, M. Craft rappelle qu’il existe également un Mystic au Connecticut, à l’ouest de la ville de Bedford, dans l’État de New York, et qu’il y en aurait encore un autre en Angleterre, dans le Bedfordshire. Il se trouve justement que notre Mystic est situé à trois kilomètres au nord du Bedford québécois. Le nom de Mystic ne serait-il qu’une banale répétition ? Pourtant, la « Mystic River » du Connecticut tirerait son nom de « muhs-uhtuq », qui signifiait « grande rivière » pour la tribu amérindienne des Wampanoags. Par ailleurs, « Missi-Tuk », en algonquin, se rapporte à « une grande rivière dont les eaux sont entraînées par les vagues ».
Une recherche qui, en soi, a quelque chose de mystérieux. Encore peut-on préférer l’anecdote que soutient Pierre Normandeau, l’illustre chocolatier-aubergiste de L’Œuf : en réponse au concours du bureau de poste, en 1863, un résidant aurait écrit candidement, « It’s so mystic, I can’t find a name ! » Et de là le toponyme !