Certaines formes de désinformation sont plus dommageables que d’autres. C’est notamment le cas de celle qui résulte de l’action concertée de grands lobbies industriels qui s’attachent à jeter le doute sur les données susceptibles de nuire à leurs affaires. Cette nouvelle chronique vise à contrer ce négationnisme en révélant simplement et clairement ce que l’on sait de source sûre. Dans ce numéro, nous exposons ce qui est objectivement connu sur le glyphosate, herbicide mieux connu sous le nom de RoundupÒ.
Le glyphosate est un herbicide agricole total, ce qui signifie qu’il détruit virtuellement toutes les espèces de plantes. C’est l’herbicide le plus utilisé dans le monde. En fait, son usage agricole a doublé chaque année depuis vingt ans, c’est-à-dire depuis l’introduction des variétés de maïs et de soya génétiquement modifiées (GM) pour résister au glyphosate (Roundup Ready), ce qui permet d’épandre massivement un herbicide qui détruit toute végétation, sauf le maïs ou le soya modifié pour y résister. De 2000 à 2018, la superficie des terres du Québec consacrées à la culture du maïs GM a triplé tandis que celle des surfaces dévolues à la culture du soya GM a décuplé, totalisant 600 000 hectares pour la province. Remarquons au passage que l’inventeur des plantes ainsi modifiées pour résister au glyphosate est la compagnie Monsanto, celle-là même qui avait préalablement mis au point l’herbicide.
On épand également du glyphosate sur des cultures non GM, juste avant la récolte, afin d’accélérer la maturation (l’assèchement des plantes) et détruire les mauvaises herbes. Au Canada, cette méthode de dessiccation au glyphosate est pratiquée sur la lentille, le canola, le blé, le lin, le pois, le haricot sec, le soya, l’orge, l’avoine et les cultures fourragères (destinées à l’alimentation animale).
Du glyphosate dans notre assiette
Il n’est donc pas étonnant que plus du tiers des échantillons testés par l’Agence canadienne d’inspection des aliments entre 2015 et 2018 contenaient des résidus de glyphosate. Ces résultats ne proviennent pas d’un groupe de « terroristes environnementaux », mais bien du gouvernement du Canada, qu’on ne peut certes pas qualifier d’agitateur écologiste. On a même retrouvé du glyphosate dans des aliments pour bébés et dans des aliments issus de l’agriculture biologique. Non pas que les producteurs bio emploient cet herbicide, mais parce qu’il est désormais omniprésent dans l’environnement.
Faut-il s’inquiéter du fait que nos aliments renferment une certaine quantité de glyphosate ? Depuis 2015, l’Organisation mondiale de la Santé considère que cet herbicide est « probablement cancérogène » chez l’être humain. Depuis 2012, on sait qu’il cause des mutations génétiques chez les amphibiens et depuis 2008, on sait qu’il peut tuer des poissons. De son côté, l’industrie des pesticides estime que ce n’est pas si grave et que, de toute façon, il n’existe pas vraiment de solution de rechange. Selon ce lobby, on n’a pas d’autre choix que d’encourager les agriculteurs à continuer d’épandre du glyphosate.
Par ailleurs, des chercheurs ont découvert l’an dernier que cet herbicide avait de puissants effets antibiotiques et que sa présence dans l’environnement avait pour résultat de détruire diverses bactéries utiles tout en favorisant la présence de bactéries opportunistes comme les salmonelles et les clostridies. Les chercheurs ont observé ces effets dans le sol et dans l’organisme des animaux exposés au glyphosate.
Glyphosate = phosphore
Marie-Pier Hébert, chercheuse qui poursuit des études doctorales en sciences de l’environnement à l’université McGill, a récemment révélé que la molécule de glyphosate renfermait environ 18 % de phosphore. Selon elle, compte tenu de l’augmentation fulgurante de son emploi en agriculture, cela équivaut à des apports en phosphore comparables à ceux qui avaient justifié l’élimination massive de cet élément chimique dans les détergents, mesure prise à l’époque dans le but de protéger la qualité de l’eau.
Rappelons que le phosphore répandu dans l’environnement se retrouve généralement dans les cours d’eau, entraînant la prolifération de cyanobactéries (algues bleu-vert) et l’eutrophisation des plans d’eau.