Photo : Christian Bartomeuf
On pourrait qualifier ce vignoble d’unique en son genre. Le couple de propriétaires, Louise Dupuis et Christian Bartomeuf, a fait une merveille de ce lieu situé sur le flanc sud-ouest du mont Pinacle. Aujourd’hui, Louise, présentatrice impeccable, dévoile avec verve tous les petits détails qui font que nous, les incultes de l’art de la fabrication du cidre de glace, devenons instruits et, par la magie qui est la sienne, presque aussi passionnés par le sujet. C’est sûrement l’étincelle dans son regard et sa chaleur humaine.
Les produits du Clos Saragnat sont uniques pour une foule de raisons, la première étant sans doute la passion avec laquelle ils sont fabriqués. L’authenticité et le souci de dévoiler les saveurs insoupçonnées que dissimulent des pommes issues d’espèces rares, voire ancestrales ou oubliées, revêtent des airs de mission secrète. On peut dire que chaque bouteille est assemblée à la main, ce qui en fait un joyau que l’on peut présenter fièrement à ses convives et amis. C’est aussi ce qui explique que le vignoble n’en produise que de petites quantités.
Mon cher voisin, toujours aussi présent chez les producteurs des alentours, m’a fait remarquer que le travail de Louise Dupuis et Christian Bartomeuf a été reconnu par les plus hautes instances du monde viticole, que ce soit par le critique de vins François Chartier, qui semble les avoir tout près de son cœur, ou en se méritant « la grosse médaille du gouverneur général », avec en prime une audience avec nul autre que le prince Charles. « Va voir sur le site Internet. Il y a des infos intéressantes sur les honneurs que Christian et Louise ont remportés. »
L’un des cidres de glace les plus fins et complexes du Québec est fait entièrement de pommes cueillies à -10o C. Plus important encore, tout est fait avec le moins d’intervention humaine possible.
Le voisin me confie qu’il craque pour l’apéritif L’amer. « C’est pas pour toutes les bouches. Mais si t’aimes l’endive ou la roquette, tu vas aimer l’amertume étonnante de ce p’tit boire pas piqué des vers. » J’ai un penchant pour le Vin de paille, au sujet duquel il faut entendre l’explication de Louise, aussi remarquable que la délicatesse en bouche de cette boisson. Dans son Guide du vin de 2010, Michel Phaneuf dit ceci du Vin de paille 2007 : « …le nectar qui en résulte déploie une concentration incomparable et un relief de saveurs florales très complexes. »
Le coup de cœur de François Chartier, c’est L’Avalanche, dont il a écrit ce qui suit : « Pureté, profondeur et fraîcheur, où s’entremêlent des notes complexes de pomme mûre, de compote, de cassonade, d’abricot et de poire chaude. Belle liqueur, onctueuse à souhait, mais immense finale à l’acidité vibrante et aux saveurs prenantes, d’une vibration unique et d’une grande ampleur. »
Et puis, Pâques est à nos portes et les maîtres du Clos Saragat ont préparé pour l’occasion un cidre fermenté bouché, selon la méthode champenoise traditionnelle, fait avec des pommes sauvages et des variétés d’Angleterre cultivées dans leur verger. Ils l’ont nommé Le préambule. Cela vaudra sûrement le détour. J’allais oublier de mentionner que les quantités de ce Préambule sont extrêmement limitées, qu’on le trouve uniquement au vignoble et qu’il sera prêt à temps pour ce jour de fête.
Pour ce qui est de l’harmonie vins et mets, vu la complexité en bouche de ces élixirs, il vaut mieux s’en tenir à des plats tels que de simples pâtés. On recommande aussi grandement les fromages du Québec, un bon chèvre en particulier, ou Le Bleu d’Élizabeth de la Fromagerie du presbytère.
Avec un L’original 2007 en main, je vais aller voir ce que mon ami Alphonse fabrique ces jours-ci dans son 10e rang.