Quand la maladie d’Alzheimer s’annonce, c’est pour de bon car elle est incurable. Insidieuse, elle s’installe souvent de manière progressive. Dévastatrice, elle s’attaque à la personne et à tout son entourage. Exigeante, elle est difficile à cerner. En plus de voir dépérir un être cher, on doit tout apprendre : comment évolue la maladie, comment l’accepter, comment réagir quand l’agressivité se manifeste, comment assurer une surveillance adéquate et respectueuse, comment aider pour les soins d’hygiène, comment faire face à l’appauvrissement qui, trop souvent, découle de cette situation. Comment, quand l’inaptitude l’exigera, se préparer à un éventuel placement en milieu d’hébergement ? Comment vivre avec la culpabilité de ne pas être toujours adéquat ?
Des services de stimulation, de répit et de conseils dans notre région
Le jeudi matin, Yves Lamoureux, de Bedford, conduit Madeleine, sa conjointe, à un atelier de stimulation qui vise à maintenir le plus longtemps possible ses aptitudes cognitives. Accompagnée de bénévoles, une animatrice qualifiée prend le relais pour la journée, laissant ainsi à Yves Lamoureux un répit afin qu’il puisse vaquer sans inquiétude à ses occupations ou profiter d’une belle journée ensoleillée pour aller bûcher et se distraire un peu.
C’est une question d’équilibre pour cet homme qui, par la force des choses, s’est retrouvé aidant naturel : « Ma conjointe est atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis trois ans. J’ai réalisé petit à petit ce qui nous arrivait. Marié depuis cinquante ans avec Madeleine, j’ai aujourd’hui l’impression que je suis un étranger pour elle et moi, de mon côté, je reconnais de moins en moins la femme douce que j’ai épousée, qui aimait tant la vie, son travail, les fleurs. Elle a 70 ans, elle dépérit, plus rien ne l’intéresse et cela ne s’améliorera pas avec le temps. »
Pour traverser cette épreuve qui bouleverse complètement sa vie, il peut heureusement compter sur des services de répit de même que sur des soins à domicile. Sans oublier la présence de ses voisins : « Leur appui est tellement rassurant pour moi », confie-t-il.
En plus du service de stimulation-répit dont le couple bénéficie, la Société Alzheimer de Granby et région (SAGR) propose également un service pour soutenir et conseiller les proches aidants. Il est offert le jeudi dans les locaux du CLSC de Bedford ; on peut l’obtenir sur rendez-vous en composant le 579-433-8910.
Des services de proximité essentiels pour affronter l’épreuve
Ces services si essentiels, qui n’existaient pas dans notre région il y a neuf ans, survivent grâce à l’implication de citoyennes engagées et dévouées comme Lise Gnocchini.
Originaire de Bedford, cette infirmière retraitée a été un jour approchée par la SAGR afin d’organiser une marche visant à sensibiliser la population et à recueillir des fonds en vue d’offrir des services aux personnes atteintes et à leurs proches. Elle s’y est engagée à fond de train avec d’autres bénévoles convaincues de l’importance de cette cause. Pour une huitième année consécutive, cette activité aura lieu à Bedford à une date à déterminer, compte tenu de la situation liée à la COVID-19.
Lise Gnocchini collabore également aux ateliers de stimulation du jeudi, en plus d’être responsable de recruter les bénévoles et de préparer le calendrier. « Pour moi, les services de proximité sont primordiaux, explique-t-elle. Tu ne peux pas demander à des gens qui sont obligés de mettre leur vie de côté pour soutenir un conjoint, une sœur, une amie… de faire des kilomètres pour aller chercher de l’aide. C’est le moins du monde que les services soient proches et que tu ne sois pas mis dans l’obligation de forcer une personne déjà désorientée à sortir d’un environnement connu qui la rassure. Et je ne le fais pas juste par grandeur d’âme. Si jamais cela m’arrivait, j’aimerais pouvoir profiter de ces services. À 75 ans bientôt, j’y pense et je suis bien placée pour voir à quel point les pertes cognitives sont énormes et font des ravages dans une vie. »
Elle insiste pour souligner l’importance du rôle des médecins de famille et des infirmières cliniciennes dans la détection précoce de la maladie. Grâce à des tests simples, il est possible d’amorcer le dépistage et, éventuellement, de prescrire des médicaments qui ralentiront la progression des symptômes ou contribueront à atténuer l’agressivité qui peut se manifester chez les personnes atteintes.
En constante progression
Pour en savoir davantage sur la maladie d’Alzheimer, les maladies cognitives apparentées, les mythes, les préjugés, les signes avant-coureurs, la progression et plusieurs autres questions qui vous interpellent, visitez les sites suivants : https://www.alzheimergranby.ca/ https://alzheimer.ca/fr |
Avec le vieillissement de la population, le nombre de personnes ayant reçu un diagnostic de maladie cognitive de type Alzheimer augmente constamment. C’est une importante cause d’invalidité qui coûte cher humainement et économiquement. Inutile de s’inonder de chiffres : c’est la triste réalité dans le monde, au Canada et au Québec.
Dans Brome-Missisquoi, les ressources dont nous disposons ne nous permettent pas de tenir compte de la ruralité du milieu, de la grande étendue du territoire et des besoins particuliers de la population anglophone.
Selon madame Sophie Foisy, directrice générale de la SAGR, « dans l’ensemble du territoire de Brome-Mississquoi, les besoins sont grandissants et, malgré tous les efforts déployés, nos ressources financières ne nous permettent pas d’offrir tout le soutien nécessaire aux personnes atteintes de la maladie et à leurs proches. C’est pourquoi nous comptons sur la participation des citoyens et citoyennes, des commerçants, des entrepreneurs et des élus à nos activités de financement et de sensibilisation. Nous devons être une communauté mobilisée et bienveillante pour soutenir les personnes qui vivent avec la maladie Alzheimer ! »
D’hier à aujourd’hui : un peu d’espoir, de grands besoins !
Du temps où ma propre mère était atteinte de cette souffrante maladie, on n’entendait pas parler de services de répit pas plus que d’approches de dépistage. La maladie nous tombait dessus et nous l’affrontions, ignorants et impuissants. En ce temps-là, j’aurais volontiers participé à des collectes de fonds pour obtenir le soutien des Lise Gnocchini de ce monde.
Chose certaine, ces femmes rendent des services inestimables qu’il faut protéger et bonifier. Cependant, les services portés à bout de bras par des organismes communautaires souvent en état de précarité suffiront-ils pour faire face à l’accroissement de l’incidence de la maladie et à toutes ses conséquences ? Toutes les belles idées émises par nos gouvernements seront-elles un jour concrétisées sous forme de services publics de proximité ?
La maladie d’Alzheimer, c’est une tourmente qui ne prend fin qu’avec le décès de la personne qu’on aime. Et encore… restent les souvenirs de souffrance qui reviennent nous hanter. Voilà pourquoi il est si important d’être bien accompagné dans cette épreuve.