En vous proposant cette nouvelle chronique et en me plongeant dans les recherches, je ne savais pas que j’ouvrais une boite de Pandore ! Ma naïveté d’historien amateur est mise à rude épreuve car les informations solides et vérifiables sont rares. Alors, je me retrouve devant un casse-tête de dix mille morceaux pour tenter de vous raconter l’histoire de cette vieille maison, « La Licorne bleue », située au 869, chemin de Saint-Armand, acquise par Josiane et moi en 1999.
Remontons le temps : la chaîne des titres du lot 106 est très claire jusqu’en 1893. À cette époque, la maison et les terres sont la propriété de la famille Burley, dont les membres se sont succédés de 1881 à 1970. Auparavant, il est probable que c’est la lignée Krans qui était maîtresse des lieux, mais c’est à vérifier. Et à qui Peter Krans aurait-il acheté la maison ? À un certain Calvin May, si on se fie à un acte de vente daté du 16 septembre 1800. Si tel est le cas, la maison aurait été construite avant 1800.
Pour le moment, plus de questions que de réponses. À l’index des immeubles de la paroisse de Saint-Armand-Ouest, on trouve une foison d’actes de vente plus récents de la maison elle-même ou de parties de terre vendues, cédées, léguées au gré des successions ou des besoins financiers des propriétaires (la loi sur le zonage agricole n’arrive qu’après 1976). On note dans ces transactions, en 1907, la vente par Jane Krans, épouse de Robert Burley, d’un terrain de trois acres (payé comptant) à la fabrique Notre-Dame-de-Lourdes. Était-ce pour y établir le cimetière actuel, pas très loin de la maison ? On découvre aussi l’achat de la maison par un certain Daniel Lebournot, qui y installera un restaurant, de 1978 à 1985, et donnera le nom à la maison, que nous avons conservé. Au fil des ans, d’après la petite histoire, elle fut une ferme, brièvement un relais de poste pour la diligence Montréal-Boston avec taverne, une école, un bureau de poste et autres vocations, mais tout cela reste à vérifier. Il y a aussi des légendes savoureuses, dont la suivante à la fin des années 1800, il y eut une attaque de la diligence au relais qui se trouvait à l’époque à Mitchell’s Corner (en face du garage Chevalier). Les bandits s ? emparèrent d’une somme d’argent indéterminée et s’enfuirent vers Saint-Armand. Poursuivis par la milice, ils furent arrêtés près du chemin Pelletier nord, sauf l’un deux qui se serait caché à la ferme Burley et aurait jeté son magot dans le puits. Ce puits existe encore mais point de trésor ; j’y ai juste découvert une moufette crevée. Autre anecdote : dans son testament, Luther Burley (1850) demande de prendre soin du cimetière familial adossé à un mur de pierre et entouré d’une clôture. On dit qu’il n’y a pas si longtemps, un petit cimetière aurait été rasé et les pierres tombales enfouies le long du chemin de Saint-Armand, non loin du cimetière actuel. Serait-le lieu de sépulture des Burley, dont on a perdu la trace ?
Quant à la maison elle-même, c’est un bâtiment très simple dont le premier carré daterait de 1789. La structure générale est faite de poutres fixées en tenons et mortaises chevillées (comme les granges). Au début des années 1800, un deuxième bâtiment avec galerie y fut annexé ainsi qu’une cuisine d’été attenante à un garage à charrettes. La toiture était couverte de bardeaux de cèdre (il en reste sous la lucarne, bien cachés sous la tôle actuelle). Les murs étaient recouverts de clins de cèdre remplacés depuis par du pin, sauf sous la galerie qui est restée en l’état original. Sur le plan architectural, elle n’a pas le cachet des maisons loyalistes mais reste digne dans sa simplicité, car n’oublions pas qu’il s’agit d’une maison de ferme et non d’une demeure bourgeoise.
Les bâtiments de la fin du 18· siècle sont rarissimes et témoignent de l’installation des fondateurs de Saint-Armand. C’est donc un travail de mémoire collective qu’il nous faut entreprendre. Pour savoir où l’on s’en va, il est indispensable de savoir d’où on vient.
Si ma pêche aux documents est fructueuse, je vous parlerai dans ma prochaine chronique des gens qui ont vécu à La Licorne bleue avant qu’elle porte son nom ainsi que de son constructeur qui, pour le moment, reste anonyme.
Si vous possédez des informations, témoignages ou documents sur cette maison, n’hésitez pas à m’appeler au 450-248-2102.