Le 22 avril prochain, nous célébrerons collectivement le Jour de la Terre. Reconnu comme tel en 2009 par l’Organisation des Nations Unies, il s’agit de l’événement participatif le plus important à l’échelle mondiale, mobilisant environ un milliard de personnes autour de la cause environnementale et ce, dans 192 pays. Alors que les phénomènes d’écoanxiété et de fatigue climatique prennent de l’ampleur, il est plus important que jamais de nous rassembler pour célébrer cette chance inouïe d’habiter notre planète et de nous encourager à assurer sa protection, à notre échelle et à travers nos gestes quotidiens.
Un événement populaire depuis 54 ans
Fondé aux États-Unis en 1970, le Jour de la Terre marque la naissance du mouvement environnemental américain. Gaylord Nelson, alors sénateur du Wisconsin, et Denis Hayes, étudiant en droit et Pete McCloskey de même que représentant républicain progressiste, en étaient les instigateurs. L’objectif était alors d’inciter les étudiants américains à mener des projets de sensibilisation à l’environnement au sein de leurs communautés. C’est dans un contexte de contestation sociale portée par la jeunesse et marquée notamment par le mouvement d’opposition à la guerre du Vietnam, que s’est inscrite la première édition, soit le 22 avril 1970. Elle a alors rassemblé 20 millions d’Américains qui ont participé à de nombreux ateliers, conférences et corvées de nettoyage à travers le pays. Des milliers de personnes ont manifesté à New York dans le but de rappeler aux autorités l’importance d’inscrire les questions environnementales dans les politiques nationales. Des manifestations ont également eu lieu dans de plus petites villes. Cette mobilisation donnera l’élan nécessaire à la création de l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA), puis à la promulgation du Clean Air Act, du Clean Water Act et de l’Endangered Species Act, les premières lois environnementales américaines portat sur la pollution de l’air, de l’eau et sur la protection des espèces menacées d’extinction.
En 1990, Denis Hayes profitait du 20e anniversaire de l’événement pour ralier davantage d’intervenants et réussissait à faire du Jour de la Terre un événement célébré à l’échelle de la planète. On parle alors de 200 millions de participants, dans 141 pays, dont le Canada. Deux ans plus tard, le Sommet de la Terre aura lieu à Rio de Janeiro au cours duquel on reconnaîtra pour la première fois qu’il est urgent de concilier le développement économique et social, de même que la protection de l’environnement. Cette 3e conférence des Nations Unies pour l’environnement mènera à l’adoption de la Convention sur la diversité biologique et à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, lesquels ouvriront la porte en 1997, à la ratification du protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre. Depuis, les conférences mondiales sur le climat s’enchainent, allongeant chaque fois un peu plus la liste des objectifs fixés pour lutter contre les changements climatiques, non sans alimenter, faute de résultats concrets, un certain cynisme au sein de la population.
Écoanxiété et fatigue climatique
Alors que les mauvaises nouvelles s’enchainent et que nous sommes constamment bombardés d’informations alarmistes, on peut facilement se laisser décourager et baisser les bras. La 5e édition du baromètre de l’action climatique, un projet piloté par des chercheurs de l’Université Laval, révèle que 86 % de la population québécoise est fortement préoccupée par le climat et que 68 % des personnes sondées ressentent de l’impuissance face au défi climatique (une augmentation de 6 points depuis 2021). Près d’une personne sur trois déclare « être fatiguée d’entendre parler des changements climatiques ». Le climato-scepticisme gagne du terrain Tandis que l’optimisme de la population québécoise baissait de 7 points par rapport à 2021 (66 %). Dans son rapport de 2022, le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indiquait pourtant que le scénario climatique le plus catastrophique pourrait être évité si l’on mettait en œuvre dès à présent les solutions identifiées par la communauté scientifique. Cela exige cependant un changement radical de nos comportements et de nos modes de vie.
Alors que pouvons-nous faire ? Une des solutions réside peut-être dans la reprise d’une forme de pouvoir sur notre environnement direct et sur nous-mêmes, en nous questionnant sur ce que nous considérons comme essentiel, sur ce qui nous rend réellement heureux et heureuses, et en acceptant de déconstruire les croyances qui nous empêchent de passer à l’action. Si nous cessions d’attendre que le changement vienne des autres ? Le phénomène par lequel chaque partie impliquée (citoyens et citoyennes, entreprises, décideurs et décideuses) estime qu’il ne sert à rien d’agir tant que les autres ne le font pas est illustré par le triangle de l’inaction : les citoyens et citoyennes estiment que ce sont les industriels qui freinent les initiatives écologiques et que les décideurs et décideuses agissent dans leur intérêt personnel plutôt que dans l’intérêt collectif. Les industriels se dédouanent en arguant qu’ils ne font que répondre à la demande des consommateurs et attendent que l’État impose de nouvelles règlementations pour changer leurs pratiques, tandis que les décideurs et décideuses avancent que les ressources sont aux mains des entreprises et que la responsabilité du changement incombe aux citoyens et citoyennes laquelle responsabilité ils et elles expriment par leur vote.
Les actions individuelles sont pourtant aussi importantes que les actions collectives, tant dans la sphère personnelle que professionnelle ainsi que dans la vie citoyenne. Des gestes individuels tels que le fait de réduire notre consommation d’eau et de viande, de repenser notre façon de nous déplacer et de nous divertir, de changer nos comportements d’achats, de limiter la quantité de déchets que nous produisons, ont un réel impact. Ce n’est certes pas suffisant, mais cela prouve que le changement est possible. Nous avons tous un rôle à jouer quand il s’agit d’assumer notre responsabilité collective. En nous impliquant dans nos quatiers, dans nos villages, dans nos communautés, dans nos familles, à quelque niveau que ce soit, nous nous redonnons un pouvoir d’action et nous nous débarrassons, en partie du moins, de notre sentiment d’impuissance.
Le Jour de la Terre est une excellente occasion de nous rassembler et de relever ensemble le défi qui se présente à nous. On dit que l’union fait la force. Elle nous donne aussi le courage d’avancer. Le 22 avril, prenons le temps de nous demander ce que nous pouvons faire dans notre vie de tous les jours de sorte que nos actions soient plus en accord avec nos valeurs et afin de retrouver notre pouvoir d’action.
Bon Jour de la Terre à tous et à toutes !
* OBVBM : Organisme de bassin versant de la baie Missisquoi, https://obvbm.org/