Photo : Marc Zimmler
Dans l’atelier
Lorsqu’on entre dans son atelier, une joyeuse file de figurines colorées nous accueille ; chaque personnage baigne dans un univers serein et ensoleillé. Ici une fillette assise sur une balançoire rêve de toucher le ciel du bout de ses pieds, là un garçon revient de la pêche, radieux de bonheur. Juste à côté, une jeune famille prend le temps de se balader et de jouer. Ces moments précieux passés à la campagne, empreints de la douce saveur de l’insouciance, Isabelle D’Hauterive nous les offre avec son âme, son talent et ses mains agiles de sculpteure.
L’enfance, l’inspiration
Isabelle a grandi dans la campagne de Frelighsburg, où elle vit toujours : une région qui l’anime et l’inspire. Très jeune, elle apprend ce que représente la valeur du travail. À 5 ans, elle conduit déjà le tracteur de la ferme familiale. Une ferme acquise par son père après de dures épreuves. Nés en France, ses parents se retrouvèrent — comme tant d’Européens — les mains vides à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. C’est avec le rêve d’élever des moutons et de vivre de la terre que son père quitte le vieux pays, avec sa femme, ses trois enfants et trois valises pour s’établir au pied du mont Pinacle. Puis, un autre enfant naîtra une fois arrivé au Québec. Et c’est ainsi que, pour une famille si nombreuse, tous se doivent de mettre la main à la pâte… On éleva des moutons, produisit du fromage de chèvre, et reçut en pension, chaque été, une douzaine d’enfants venus y apprendre le « bon français ». Pendant ces années, la jeune Isabelle travaille sans cesse pour aider ses parents. Malgré cela, elle saura conserver jusqu’à aujourd’hui une vision romantique et légère de la vie champêtre… Les animaux d’alors et les jeux d’enfant imprégneront son imaginaire. Mais aussi les imposantes statues en bronze des places publiques admirées pendant de courtes visites à Montréal. Elle est particulièrement intriguée par la représentation fidèle des plis et drapés du tissu. Tous les détails des vêtements la fascinent ! Pas étonnant de voir avec quelle minutie elle habille désormais ses figurines. Que de détails enchanteurs !
L’apprentissage
À quinze ans, Isabelle d’Hauterive goûte aux plaisirs du voyage et visite Paris. De retour à la maison, elle rêve d’autres voyages et d’encore plus de liberté. Comme elle veut lâcher l’école, son père lui trouve un travail d’apprentie céramiste chez Mme Ross, une voisine de la ferme familiale ; ce qui ne l’enchante pas de prime abord… Mais cette expérience s’avère finalement très formatrice. Aux côtés de cette dame, céramiste et sculpteure de renom, elle apprend tout sur les multiples techniques de la céramique. Les matinées sont réservées à la production de Mme Ross, et les après-midi à ses propres créations. Et c’est précisément à cette période que, de ses mains de jeune apprentie, jaillissent de joyeux petits animaux en argile… À 18 ans, Isabelle retournera en France pour y suivre un stage de perfectionnement en céramique. La passion et l’expérience confirmeront qu’elle a bel et bien trouvé sa voie !
Le destin…
Un moment marque particulièrement le parcours d’Isabelle. Alors jeune adulte en quête de plus d’autonomie, elle se rend périodiquement au centre-ville de Montréal, sur la rue Sainte-Catherine, où, comme d’autres vendeurs, elle présente ses créations aux passants. Ses petits animaux en céramique obtiennent rapidement un succès fou ! Mais un jour, elle est arrêtée et amenée au poste où elle doit payer une amande salée. Le règlement municipal interdit la vente dans la rue.
Découragée, elle arpente tristement la rue Sainte-Catherine. Puis, tout d’un coup, le destin !… Une vitrine attire son attention : celle du Rouet des Métiers d’Art. Timide, les poches vides, elle entre dans la boutique. Elle étale ses créations sous les yeux enthousiastes du gérant, qui lui passe immédiatement une grosse commande ! S’ensuit une deuxième commande… puis une troisième… Cela dure deux ans !
De la céramique à la pâte polymère
Avec la venue de ses enfants, Magalie et Alexis, Isabelle investit son énergie et son temps autrement. Les années passent… Elle occupe un emploi au gouvernement, puis devient professeure et rencontre sa douce moitié, Norman, qui partage sa vie depuis… Mais un jour, sa voix intérieure refait surface et la ramène sur le chemin de la création. Elle découvre une nouvelle matière qui l’inspire, le polymère, une sorte de pâte colorée malléable qui, comme l’argile, nécessite une cuisson pour durcir, quoiqu’à plus basse température. Le choix des couleurs disponibles étant limité, l’artisane crée ses propres mélanges de pâtes. Elle développe ainsi des couleurs nuancées et des motifs variés. Grâce à cette expérience de modelage, Isabelle renoue avec ses petits canards et autres figurines qui font sa marque. Elle obtient un succès immédiat.
De retour à l’atelier, les nouvelles explorations
Au fil des ans, Isabelle perfectionne ses figurines, raffine leur expression et leur invente des mises en scène. Elle participe à de nombreux salons, ses créations se retrouvent dans plusieurs boutiques et expositions. Tout lui réussit. Parmi les faits marquants récents : le festival Festiv’Art de Frelighsburg, ainsi que les journées portes ouvertes de La tournée des 20, où elle accueille dans son atelier les nombreux amateurs désirant êtres initiés aux techniques de son art. En ce qui concerne ses plus récents projets, Isabelle entreprend, parallèlement à sa production, des sculptures plus imposantes qui représentent des personnages adoptant de nouvelles poses. Elle explore une variété de matériaux, comme la cire et le plâtre, qui pourraient lui permettre de couler des œuvres en bronze. Chaque nouvelle matière amène son lot de défis au niveau de la structuration et du travail des textures. Ce qui l’amène à explorer de nouvelles façons de faire, hors des paramètres et des possibilités du travail du polymère. Elle rêve notamment de créer des sculptures qui habiteront les jardins.
Une sage conclusion
Stimulée par son besoin de création, Isabelle poursuit son cheminement, à l’écoute d’elle-même. « Ce qui est primordial, confie-t-elle, c’est l’humilité ! Ne pas écouter l’égo, le paraître… Ça permet de lâcher prise et d’être libre au niveau créatif »
Vous pouvez voir ses œuvres sur son site www.isabelledhauterive.com.