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- Gens d'ici -

Guy Dufresne, le poète de Frelighsburg

Troisième et dernière partie
Jef Asnong

Guy Dufresne (photo : Kèro)

« Il avait l’air jeune, bien éveillé, il paraissait bien vingt ans plus jeune que son âge. Il avait les yeux souriants, doux, une belle voix. » 1

Guy Dufresne ne s’exprimait pas uniquement par le biais de son écriture. Les personnes qui l’ont connu, ses proches, ses amis, ne tarissent pas d’éloges envers l’homme et son implication sociale.

Le 9 juillet 1951, il est élu commissaire de la commission scolaire Saint-François-d’Assise de Frelighsburg et, le 16 juillet suivant, il est assermenté à titre de président, fonction qu’il assumera durant 10 ans. Le 8 octobre 1952, avec des concitoyens de Frelighsburg, il est présent à l’assemblée de fondation de la Société historique de la Vallée-du-Richelieu dont il assumera, durant quelques années, le poste de bibliothécaire. En 1957, après avoir occupé un poste de conseiller municipal, il est élu maire de la municipalité de Saint-Armand-Est, également connue comme la municipalité de la paroisse de Frelighsburg, pour un mandat qui se terminera en novembre 1961.2

« À l’époque, raconte Madeleine Dufresne, l’enseignement à Frelighsburg était assuré par plusieurs petites écoles de rang ; mon père œuvra pour que le tout soit centralisé au village. Il avait également constaté que, faute de transport, plusieurs enfants n’allaient tout simplement pas à l’école. Il obtint alors que les autobus scolaires fassent un détour pour aller cueillir les enfants d’Abercorn. Il était un “client” fréquent de M. Jean-Jacques Bertrand, alors député du comté, qui lui disait : Toi, quand tu viens me demander quelque chose, ce n’est jamais pour toi, c’est toujours pour les autres ! »

Guy Dufresne adorait Frelighsburg et s’intéressait de près à l’histoire d’Abbott’s Corner, où il avait créé, de concert avec ses amis Serge et Carole Blondeau, un immense potager qu’il prenait grand plaisir à faire visiter. Il en allait de même d’un petit lac qu’il fit creuser avec des amis. C’était un excellent nageur ainsi qu’un passionné de la vie, de la culture, des relations humaines.

Il s’intéressa ardemment aux activités agricoles d’un autre ami et voisin, M. Ulysse Bernier, médaillé d’or du Mérite agricole du Québec et conteur plein de verve qui apportera un témoignage touchant lors des funérailles de son ami. Guy Dufresne s’impliquera à fond dans la préservation du pont couvert qui, à cette époque, se trouvait au carrefour de la route 237 et du chemin de Richford, pont qui était régulièrement défoncé par les camions assurant le transport des pommes. On l’avait même rebaptisé « SON pont couvert ».

Finalement, ne restera que l’amertume. Et ce fut le même sentiment qui s’empara de lui lorsque les splendides érables du chemin de Richford furent abattus. « Ces jours-là, raconte Madeleine Dufresne, mon père avait choisi de partir vers Montréal afin de ne pas avoir à être témoin du massacre. »3

Serge D’Amour, son voisin et ami, rappellera que Guy Dufresne fut également membre-fondateur de la Coopérative pomicole de Frelighsburg et qu’il siégeait à son conseil d’administration. Monsieur D’Amour évoquera tout particulièrement l’implication de l’auteur dans le mouvement de défense du mont Pinacle. Guy Dufresne fut l’initiateur et l’un des membres-fondateurs de l’Association pour la conservation du mont Pinacle ainsi que de la Fiducie foncière du mont Pinacle, deux organismes voués à la sauvegarde de cette superbe montagne et qui s’opposaient à son lotissement. « Quand il y avait des assemblées dans le but de contrer son “développement”, raconte Serge D’Amour, il laissait parler tout le monde et attendait en tout dernier avant de prendre la parole… Et là, c’était songé. » L’auteur était également un supporteur ardent et impliqué dans les opérations du camp Garagona, une colonie de vacances pour enfants handicapés située dans un décor majestueux.

Les proches et les amis de Guy Dufresne racontent que les dernières années de l’auteur furent teintées d’une certaine amertume. À cet innovateur de talent qui avait prouvé sa valeur, la société Radio-Canada préférait désormais les idées « plus modernes » des auteurs de la nouvelle vague montante. Lui qui avait si ardemment souhaité les réformes de la révolution tranquille semblait dépassé par elles, et ses œuvres essuyaient désormais de nombreuses critiques, trop souvent sévères et injustes.

À la demande de trois réalisateurs successifs, il écrira et réécrira plusieurs versions du scénario du film Le frère André, pour lequel il n’essuiera que des blâmes malgré le succès remporté par le film… Mais, le sujet n’était pas à la mode.

En 1992, Guy Dufresne apprend qu’il est atteint d’un cancer et, durant près d’une année, il luttera contre la maladie avant de s’éteindre le 29 juillet 1993. Fidèle jusqu’à la fin à la cause qu’il avait passionnément défendue, son dernier texte, un poème, sera consacré au mont Pinacle. Grâce à sa fille Madeleine, ce beau texte est publié ici pour la première fois.

Ceux qui l’ont bien connu soulignent que, bien qu’il se soit beaucoup exprimé sur une large variété de sujets, Guy Dufresne était un homme profondément secret. À ses funérailles, Pierre-Jean Cuillerrier, réalisateur à Radio-Canada, dira en s’adressant aux comédiens : « Il vous adorait ».

Et c’était réciproque. Monique Miller, qui lui portait une fervente admiration, s’est dite très reconnaissante du fait que l’auteur ait créé, en pensant spécifiquement à elle, plusieurs personnages importants : « De très beaux rôles. Oui, j’ai pour lui beaucoup de gratitude. » Quant à sa fille Madeleine, elle confiera : « Si l’on devait choisir un seul mot pour caractériser mon père, ce serait le mot intégrité ».

Le travail de Guy Dufresne aura été largement diffusé sur les ondes de la radio et de la télévision, mais mal conservé. Je ne connais de lui que cinq livres édités sur papier : un recueil de neufs épisodes de la télésérie Cap-aux-Sorciers ainsi que les pièces de théâtre Le Cri de l’Engoulevent, Les Traitants, Ce maudit Lardier et Docile, tous publiés par les Éditions Leméac.

Une partie des enregistrements télévisuels n’a pas été conservée, ces œuvres n’existant plus que sous forme d’archives. Tous les documents de l’auteur ont été versés, avant et après son décès, à Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Le Fonds Guy Dufresne de la BAnQ comprend trois sections (MSS279, MSS371 et MSS398), soit l’équivalent de 11,36 mètres linéaires de documents écrits. Le Fonds comprend également des documents iconographiques, des documents sonores, des images en mouvement et des objets relatifs à des honneurs que l’auteur s’est mérité, tels un doctorat honoris causa de l’université de Sherbrooke et le prix Anik de la meilleure série d’information, lequel lui a été décerné en 1978 par Radio-Canada pour le téléfilm Johanne et ses vieux.

Soulignons que ce fonds est volumineux ; un trésor qui n’attend que l’étudiant ou le chercheur afin d’être mis en lumière, surtout, dans bien des cas, pour être rendu disponible au public amateur de belles-lettres.

À l’instar de sa mère et de sa sœur Andrée maintenant décédées, Madeleine Dufresne s’emploie désormais à protéger l’héritage de son père et se préoccupe de l’avenir de son œuvre. Un jour où elle avait eu l’occasion de croiser Jean-Paul Fugère, réalisateur d’une centaine de télé-théâtres à Radio-Canada, Madeleine lui avait posé la question :

–       Que peut-on faire pour que l’œuvre de Guy soit connue ?

–       Il n’y a rien à faire, avait répondu monsieur Fugère. Son œuvre va ressortir par elle-même.

1 Marthe Lanctôt et Michelle Roy-Tougas

2 Nicole Poulin, Société d’histoire du Haut-Richelieu (Registres de la commission scolaire de Frelighsburg, Livres de délibérations de la municipalité de paroisse de Frelighsburg.)

3 Madeleine Dufresne.

4 Fonds Guy Dufresne, http://pistard.banq.qc.ca/unite_chercheurs/portail_recherche?p_terme1=fonds+Guy+Dufresne