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Frelighsburg vend l’un des immeubles de son parc immobilier

La rédaction

 

Construit en 1870, le bâtiment sis au 46, rue Principale, a d’abord servi de résidence à la famille Reynalds, puis de banque (une succursale de la CIBC) avant d’être racheté par la Compagnie d’Assurances Missisquoi, qui l’a longtemps employé en complément de ses bureaux alors installés au coeur du village de Frelighsburg. En 2008, suite à des fusions et restructurations entraînant la fermeture des bureaux de la Compagnie, celle-ci cède gratuitement l’édifice à la municipalité, qui y installe des organismes communautaires locaux, notamment la Société d’Histoire et de Patrimoine de Frelighsburg (SHPF), la Fiducie foncière du mont Pinacle, le groupeTourisme, Art, Commerce (TAC),Vitalité Frelighsburg et L’Écolovillage.

Extrait du projet formulé par Charles Crawford et le maire Chabot présenté à The Missisquoi Insurance Company en décembre 2005
Extrait du projet formulé par Charles Crawford et le maire Chabot présenté à The Missisquoi Insurance Company en décembre 2005

Or, en août, les responsables de ces organismes apprennent avec consternation qu’ils devront déménager leurs pénates puisque la municipalité, qui a mis le bâtiment en vente en juillet, a accepté une offre d’achat déposée par un acheteur privé.

L’histoire reconstituée

La reconstitution qui suit est fondée sur des documents provenant des archives personnelles de Charles Crawford, propriétaire du Domaine Pinacle et conseiller municipal au moment de la donation de l’édifice, ainsi que de celles de la municipalité de Frelighsburg, qui ont été obtenues en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

Dès la fin de 2005, on sait que la Compagnie d’Assurances Missisquoi ferme ses portes et que cet édifice, qui fait partie du patrimoine local, sera mis en vente, loué ou cédé. En décembre 2005, le maire de l’époque, Gilles Chabot, et le conseiller municipal Charles Crawford demandent à la Compagnie de céder le bâtiment à la municipalité dans le but d’y installer un centre communautaire qui porterait le nom de « Centre communautaire Missisquoi » (Extrait 1). Extrait d’une résolution du conseil municipal du 23 avril 2008 En septembre 2006, le conseil municipal relance le projet en adoptant une résolution en ce sens, reprenant l’idée formulée l’année précédente (Extrait 2).

Extrait d’une résolution du conseil municipal tenue le 6 septembre 2006
Extrait d’une résolution du conseil municipal tenue le 6 septembre 2006

Charles Crawford s’en souvient très bien puisqu’il était, à l’époque, le conseiller municipal mandaté pour faire avancer le dossier auprès de la Compagnie. Le 21 du même mois, dans une lettre adressée par la mairie à monsieur Ronald Pavelack, viceprésident exécutif et chef de l’exploitation de La Missisquoi, la même idée est reprise, la même demande est présentée, pour les mêmes motifs (Extrait 3). Le 7 août 2007, Ronald Pavelack écrit au maire pour lui confirmer que l’édifice sera cédé à la municipalité par la Compagnie (Extrait 4). L’acte de donation sera signé devant notaire le 24 avril 2008. Il n’y est fait aucune mention de l’usage qu’en fera la municipalité. Cependant, la veille de la signature de l’acte, le conseil municipal adopte une résolution voulant que l’édifice porte le nom de « Centre communautaire Missisquoi » (Extrait 5).

Les organismes

Lors de l’assemblée municipale du 8 septembre dernier, des membres des organismes concernés exprimaient leur consternation, parlant de « revirement inattendu » et se disant « pris les culottes à terre ». « Le conseil municipal nous place dans une situation précaire » dit Andrée Poulin-Potter, présidente de la SHPF.

Extrait d’une lettre de la mairie à la compagnie Missisquoi, qui a alors changé de nom pour Economical-Missisquoi (adressée à Ronald Pavelac, vice-président exécutif, chef de l’exploitation), le 21 septembre 2006
Extrait d’une lettre de la mairie à la compagnie Missisquoi, qui a alors changé de nom pour Economical-Missisquoi (adressée à Ronald Pavelac, vice-président exécutif, chef de l’exploitation), le 21 septembre 2006

Pierre Jobin, de Vitalité Frelighsburg, estime qu’« une meilleure communication avec les organismes aurait simplifié les choses. Ce n’est pas la première fois que cela se produit. Je peux comprendre qu’un élu commette des erreurs ; je reconnais que leur travail n’est pas facile et je suis prêt à accepter des excuses et à être indulgent, mais je ne suis pas convaincu que ce conseil est résolu à apprendre de ses erreurs et à consulter davantage sa population. Je crois qu’il doit le faire et j’espère qu’il le fera. Je pense que toute organisation a un devoir de mémoire et que, dans le cas présent, ce devoir a été négligé. Peut-être que ce qui était bon en 2008 ne l’est plus aujourd’hui, mais je crois qu’il faudrait en parler avant de prendre des décisions qui modifient la démarche historique d’une communauté. »

De son côté, Charles Crawford est convaincu qu’il aurait été préférable d’évaluer d’abord les besoins des organismes et de la communauté et de se pencher sur des « pistes de financement “créatif” afin de conserver la vocation sociale et communautaire de l’édifice ».  De son côté, Danielle Dansereau, de la Fiducie foncière du mont Pinacle, estime « qu’il n’est pas trop tard pour revoir toute l’affaire. À moins que je fasse erreur, cette bâtisse avait été donnée à la municipalité afin de servir la vie communautaire. Même s’il s’agissait d’un gentleman’s agreement et non d’une condition inscrite dans la transaction notariée, il reste qu’il y avait une entente verbale claire à ce sujet et que le processus enclenché actuellement va à son encontre. »

Le maire Ducharme

En entrevue avec la rédaction du journal Le Saint-Armand (menée le 7 octobre), monsieur Jacques Ducharme, maire de Frelighsburg, affirme que le conseil municipal a pris la décision de se départir du 46, rue Principale pour des raisons d’« efficience de la gestion ». Il explique que, « la taille du parc immobilier de la municipalité est trop importante pour une petite population de quelque 1200 âmes. Bien que la santé financière de Frelighsburg soit excellente, nous avons la responsabilité, en tant qu’élus, de maximiser l’efficience de la gestion des biens et des fonds publics ».

Lettre de Ronald Pavelack au maire, le 7 août 2007
Lettre de Ronald Pavelack au maire, le 7 août 2007

Le produit de la vente sera-t-il affecté à un projet ou à un poste budgétaire spécifique ? « Non, a-t-il répondu, il sera versé au fond général de la municipalité ».

Interrogé au sujet de la vocation « communautaire » de cet édifice, le maire soutient que le conseil municipal n’a trouvé aucun document à cet effet. « Je sais que certaines personnes croient le contraire, mais les actes de donation ne renferment rien de tel ».

Dans l’esprit du maire et des conseillers, la situation semble claire : « nous n’avons trouvé aucune condition attachée dans les documents dont nous disposons. Nous avons par conséquent tout à fait le droit de disposer de l’édifice de la manière qui nous semble la plus appropriée pour le bien de la communauté ».

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Extrait d’une résolution du conseil municipal du 23 avril 2008

Et qu’avez-vous à répondre à ceux et celles qui manifestent des inquiétudes quant à la relocalisation des organismes communautaires qui occupent actuellement le 46, rue Principale ? « Je tiens à souligner que nous sommes parfaitement conscients que ces organismes,et tous les bénévoles qui y oeuvrent ont une importance capitale pour notre municipalité, et que nous avons mûrement réfléchi et considéré toutes les possibilités avant de prendre notre décision. Nous nous sommes assurés que nous pourrions relocaliser tous ces organismes, c’est impératif pour nous. Nous avons actuellement un plan à l’étude, mais il reste encore des ficelles à attacher avant que nous puissions en parler. Les responsables des organismes concernés seront contactés dès que le plan sera au point. Pour l’immédiat, ils n’ont rien à craindre puisque, dès la finalisation de la vente, le 1er décembre, la municipalité prendra, à ses frais, un bail avec l’acheteur de manière à ce que les organismes puissent continuer d’occuper leurs locaux au 46, rue Principale durant l’hiver qui vient. Nous avons donc le temps de finaliser le plan de relocalisation ».

Ce n’est, par ailleurs, que le 1er décembre que le nom de l’acheteur privé pourra être révélé.