Peut-être que la peinture tiendra ces vieux poteaux debout encore quelque temps…
En octobre 2019, le ministère de l’Économie et de l’Innovation lançait un appel à soumissions dans le cadre du programme Québec Branché. IHR Télécom déposait alors trois soumissions dans le but de compléter les secteurs de la MRC du Haut-Richelieu encore mal desservis. Rappelons que c’est IHR, un organisme à but non lucratif (OBNL), qui a déployé le réseau de fibre optique qui dessert actuellement la presque totalité de la MRC du Haut-Richelieu et que c’est la même firme qui, en décembre 2017, obtenait des gouvernements québécois et canadien le mandat de faire de même dans la MRC de Brome-Missisquoi.
En mai 2020, en pleine pandémie, on apprenait que les trois mandats avaient été accordés à Bell Canada. Intrigué, je demandais alors, en vertu de la loi d’accès à l’information, à voir les soumissions déposées par cette entreprise. On m’a refusé leur accès sous prétexte qu’il s’agit de documents confidentiels, bien que cela concerne des fonds publics destinés à répondre à un service jugé essentiel.
En 2020, et à plus forte raison en temps de pandémie, l’accès à un réseau de connexion Internet robuste et abordable constitue véritablement un bien de première nécessité. Nous savons que les soumissions déposées par IHR prévoyaient le déploiement de la fibre optique jusqu’aux domiciles, aux fermes et autres entreprises du territoire. Nous souhaitons donc savoir si c’est ce que fera Bell Canada dans les trois secteurs visés par les mandats qui lui ont été attribués en mai ou si les résidents de ces secteurs se verront offrir un autre service, moins robuste, moins efficace et éventuellement plus onéreux (voir l’encadré à la page 3).
On a découvert le pot aux roses
Les plans de Bell à cet égard sont encore inconnus à l’heure actuelle. Au début de septembre, nous apprenions de source sûre que son projet concernant ces mandats n’avait pas encore été rédigé et que les détails n’en seraient connus qu’à la fin du mois. Se pourrait-il que la firme les ait obtenus sans même avoir eu à déposer une soumission ? Serait-ce la véritable raison du rejet de ma demande d’accès à cette soumission qui, au fond, n’existait peut-être pas ?
Il semble pourtant raisonnable de penser que le choix d’un fournisseur de service public, dans le cadre d’un programme « normé », soit fondé sur la valeur des soumissions déposées. Pourquoi les choses se sont-elles passées différemment dans ce cas ?
Le ministre Fitzgibbon a vraisemblablement décidé d’emblée que le mandat devait aller à Bell Canada. Nous souhaiterions qu’il s’en explique. Remarquons qu’il l’a déjà fait en quelque sorte, en expliquant publiquement ses motifs à une journaliste de La Presse : « Je peux vous dire qu’il n’y aura plus aucune société OBNL qui va être créée pour offrir les services de télécoms. Je ne crois pas à ce modèle-là. (…) Je pense qu’il faut absolument travailler avec les télécommunicateurs (sic). » *
Certes, le ministre se trompe et, dans cette affaire, les OBNL sont innovatrices alors que Bell et ses semblables ont fait clairement la preuve de leur incompétence et de leur mauvaise foi. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le professeur Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité de l’école des Hautes études commerciales (HEC) de Montréal, qui enseigne depuis quelques dizaines d’années les méthodes de gestion des entreprises et organismes de services publics.
Robert Gagné, qui est également citoyen de Brome-Missisquoi, est témoin comme nous tous de l’obstruction systématique de Bell Canada au déploiement de la fibre optique dans la MRC. « La demande est là, l’argent est là, les entrepreneurs sont sur le terrain et prêts à agir, nous a-t-il dit récemment en entrevue. Il faut maintenant imposer aux propriétaires de poteaux de faire ce qu’il faut. Qu’ils réparent leurs vieux poteaux pour qu’on puisse aller de l’avant. Ce n’est pourtant pas compliqué ! C’est du niaisage, ce qui se passe en ce moment ! Et tant que ça dure, les gens de Bell sont morts de rire : ils savent que ça ne peut pas durer, mais ils vont tout faire pour étirer la sauce et faire encore un peu d’argent. Ce serait dommage que les politiciens se laissent prendre à ce jeu. »**
Fin de la récréation
Vous avez compris les élus, à Québec et Ottawa ? Il faut mettre fin à la mascarade : forcez Bell et Hydro-Québec à faire leur travail, maintenant et sans délai, car ils bloquent impunément le déploiement d’un réseau de fibre optique qui est financé par nos impôts. Vous disposez du pouvoir de les mettre au pas. Pour quelle raison ne le faites-vous pas ?
Oui, le poteau problématique à Saint-Armand, dont on a fait tout un plat dans ce journal, a finalement été remplacé il y a quelques jours, au bout d’environ quinze mois de retard. Cependant, dans Brome-Missisquoi, il reste plusieurs dizaines de poteaux dans le même cas (à peu près 80 selon nos sources). Pendant combien d’années nos élus tolèreront-ils encore cette sinistre farce qui se joue aux dépends des citoyens de Brome-Missisquoi ?
Pour que les choses bougent, faudra-t-il vraiment que des citoyens se décident à déposer un recours collectif contre ces sociétés et les gouvernements qui ont, pourtant, le pouvoir de les contraindre ? Mesdames et messieurs les élus, vous êtes réellement imputables.
*https://www.lapresse.ca/actualites/2020-07-25/internet-haute-vitesse-la-guerre-des-poteaux.php
**https://journalstarmand.com/dossier-fibre-optique/