Durant les années 1990, les agents de Bell Canada m’assuraient que la venue de la fibre optique était imminente dans notre région. Quelque 25 ans plus tard, je n’y ai toujours pas accès, comme la plupart d’entre nous. Nous en avons pourtant réellement besoin. Une connexion Internet haute vitesse et à large bande est, de nos jours, un service indispensable qui ne peut être réservé qu’aux seuls habitants des grandes villes.
Pour se développer adéquatement, les régions rurales comme la nôtre doivent pouvoir attirer de jeunes familles. On le sait bien et tous le reconnaissent, notamment dans les plans stratégiques de développement dont viennent de se doter toutes les municipalités du coin. Ces jeunes familles s’attendent à disposer d’une connexion Internet efficace et à prix abordable. La majorité d’entre elles ne peuvent même pas envisager de s’installer ici sans la garantie d’un tel service fiable et à prix concurrentiel. Ils n’accepteront pas de payer quatre à cinq fois plus cher qu’ailleurs pour une connexion deux à quatre fois moins rapide et une bande passante vingt fois moins large. D’autant plus que, aujourd’hui, il n’y a pas que les ordinateurs qui sont branchés sur les réseaux numériques : la télévision et la téléphonie passent désormais par les réseaux de fibre optique.
Il faut bouger
Il est urgent de sortir de notre sous-développement numérique ! Réal Pelletier, maire de Saint-Armand, le sait très bien. « Ça fait des années que je tente de faire venir la fibre optique dans notre municipalité, rappelle-t-il, mais je me heurte chaque fois à l’inertie des grands fournisseurs de connexion. Malgré les promesses répétées, ils ne semblent pas avoir vraiment l’intention de nous brancher, même si nous sommes prêts à payer le prix ! ». Denis Paradis, député de Brome-Missisquoi à Ottawa, n’arrive pas à s’expliquer « qu’à moins d’une heure de Montréal, on puisse encore être aussi mal desservi ». À ses collègues du gouvernement canadien, il dit « s’il faut y mettre un milliard ou plus pour installer la fibre optique partout, faisons-le ! C’est un investissement qui en vaut la peine ».
Quels sont donc les obstacles ? Pourquoi attendons-nous encore, au bout de 25 années d’interminables palabres et de promesses jamais tenues ?
Pour l’Armandois Étienne Gingras, l’explication est simple : « Les grands fournisseurs de connexion n’ont aucunement l’intention d’installer la fibre optique en milieu rural, parce que la densité de population ne permet pas de rentabiliser rapidement les réseaux. Leurs actionnaires insistent pour que les investissements en cette matière produisent des bénéfices au bout de trois ans ». C’est pourquoi le 21 juin dernier, il appelait les gens à une assemblée publique, comme nous l’annoncions dans notre dernier numéro, afin d’explorer d’autres modèles de financement d’un réseau de fibre optique à Saint-Armand. Lors de cette assemblée, un conseil d’administration a été formé afin de réactiver la Société de développement de Saint-Armand (SDSA), un organisme à but non lucratif (OBNL) qui était inactif depuis environ un an. « Un OBNL ou une coopérative, contrairement à une corporation privée, peut envisager de financer un réseau de fibre optique sur 15 ou 20 ans, parce qu’il n’y a pas d’actionnaires qui exigent des rendements faramineux à court terme », explique Étienne Gingras, qui est désormais vice-président du conseil d’administration (CA) de la SDSA.
François Boulianne, le nouveau président de l’OBNL, explique que « les cinq membres du nouveau CA ont résolu d’assumer le leadership d’un projet visant à installer un réseau de fibre optique sur l’ensemble du territoire peu ou pas desservi de Brome-Missisquoi ». Pourquoi ne pas s’en tenir exclusivement à Saint-Armand lui avons-nous demandé ? « Parce que des gens d’autres municipalités que Saint-Armand sont venus à l’assemblée publique du 21 juin dernier et que d’autres nous ont contactés par la page Facebook qu’Étienne Gingras avait créée. Une personne de Dunham est même impliquée au sein de notre nouveau CA. Ces gens nous ont fait savoir que le besoin est aussi criant dans plusieurs autres municipalités de la MRC. Par ailleurs, Denis Paradis, qui réside à Saint-Armand, nous a clairement signifié que, si on veut avoir accès à une partie des 500 millions de dollars que le gouvernement canadien a promis d’investir, il serait bien de ratisser à la grandeur du comté qu’il représente à Ottawa. Un coup de fil au directeur général de la MRC nous a laissé entendre que les autorités de Brome-Missisquoi verraient d’un bon œil une telle initiative ».
Une première phase au printemps prochain ?
Les membres du CA ont donc multiplié les rencontres pour étudier la situation et développer une stratégie. Ils ont consulté Internet Haut-Richelieu (IHR), un OBNL de la MRC voisine qui, grâce à une subvention fédérale de 2 millions de dollars, vient d’installer la fibre optique dans toutes les résidences de Noyan, une petite municipalité rurale qui possède un couvert forestier et une typographie comparables à ce qu’on trouve à Saint-Armand. Après avoir aussi discuté avec quelques autres experts, ainsi qu’avec Corinne Charrette, sous-ministre adjointe du ministère Innovation, Sciences et Développement économique Canada, l’équipe de la SDSA a mis au point, en collaboration avec IHR, un projet de première phase visant à câbler en fibre optique les municipalités de Pike River, Notre-Dame-de-Stanbridge, Stanbridge-Station, Saint-Armand et Frelighsburg. Des rencontres ont déjà eu lieu avec les élus de Saint-Armand et le CA entend présenter prochainement son projet aux autres municipalités concernées.
« Il n’est évidemment pas question d’imposer le projet à qui que ce soit précise François Boulianne. Notre objectif est de répondre aux besoins, pas d’imposer un service dont les gens ne voudraient pas ». En bon journaliste, j’ai consulté le site Web d’IHR (https://internet-haut-richelieu.com/internet-haute-vitesse-a-fibre-optique/) pour voir le genre de service qu’on offre aux citoyens de Noyan et des autres municipalités câblées par cet organisme : j’ai calculé que, si tout se passe comme le prévoient les membres du CA de la SDSA, ma facture d’Internet serait divisée par 4 ou 5 pour un service environ 20 fois plus important et efficace que celui dont je dispose en ce moment. Allez explorer leur site, vous verrez que la fibre optique en milieu rural, c’est loin d’être impensable !
Au cours des prochains mois, nous vous tiendrons informés des développements de ce projet. Je vous suggère aussi de consulter la page Facebook de la SDSA. À noter que, depuis le dernier numéro du Saint-Armand, son nom a changé afin de mieux refléter l’étendue territoriale du projet : www.facebook.com/fibre.optique.bm
(anciennement : www.facebook. com/internet.saint.armand)