Partir : se mettre en mouvement pour quitter un lieu, s’éloigner1
Partir. Tout d’abord il s’agit d’aller-retour, ensuite de visites, puis finalement de souvenirs. Partir : aller ailleurs. Être parti : vivre ailleurs. Revenir : se sentir ailleurs.
La distance. Au début, c’est des kilomètres accumulés. Après c’est du temps qui passe. Ensuite c’est un état d’esprit. On a beau revenir, on est de plus en plus loin.
Ainsi, aujourd’hui je suis aux prises avec le sentiment de n’avoir plus rien à dire. Plus rien qui vaille. Faire semblant serait facile, mais je n’y vois pas d’intérêt autre que d’entretenir une illusion. Illusion d’une appartenance ou illusion d’un retour, c’est pareil.
Il reste l’attachement. Toutefois, parler de nostalgie serait peut-être plus juste. Le royaume de l’enfance. La petite école. Le secondaire. Les arbres qui nous ont vus grandir. Partir, c’est en quelque sorte laisser sa jeunesse derrière soi. On peut parler de racines, certes. Mais les racines de l’homme sont plongées dans le passé. Et le passé n’existe plus que dans la mémoire.
Je me sens loin, je suis loin de Saint-Armand. Je le constate à chaque retour. Un monde devient rapidement un autre monde. Il change. Et bientôt il devient étranger. Un miroir dans lequel on ne se reconnaît plus.
Alors que les contrastes entre les différents contextes se font de plus en plus sentir, je comprends que vieillir a quelque chose de la dérive des continents.
Et quand les métaphores ne suffisent plus pour expliquer le désarroi de celui qui s’éloigne sans se retourner, c’est que l’écart entre une réalité et une autre est devenu indéniable. En ce qui me concerne, je pense aux coûts croissants des études universitaires et aux prix des maisons à vendre dans le coin.
Saint-Armand ? Bien sûr, j’y rêve depuis toujours … Mais juste avant la retraite, comme la plupart des gens …
De l’amertume ? Peut-être, mais pas plus que la bière ou le café.
1-Le Nouveau Petit Robert, 1994, p.1597