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Exodus

Édith Cambrini

Je me nomme Édith Cambrini, et je suis âgée de 23 ans. Il y a maintenant six ans que j’ai quitté Saint-Armand pour vivre à Montréal. Pourquoi ? À l’époque, deux raisons avaient motivé ce choix. Premièrement, je voulais entamer des études en relation d’aide, et le chemin le plus court était alors de m’inscrire en Travail social au cégep, un programme qui ne se donnait alors qu’à Montréal. Deuxièmement, à 17 ans, la vie urbaine était pour moi synonyme de liberté, me permettait d’ouvrir mes horizons.

Au début, j’étais très excitée de déménager à Montréal et d’habiter mon premier appartement. J’ai rapidement saisi que la population urbaine était en général stressée … Aussi, j’ai compris qu’elle était indifférente aux gens qui l’entourent. Cela m’a beaucoup blessée. À Saint-Armand, la plupart des habitants se connaissent et se saluent.

J’ai adoré mon expérience au cégep. À 17 ans, je suivais mon premier stage en travail social à la Maison du Père, un refuge pour hommes itinérants. Ces hommes m’ont enseigné plusieurs choses. D’abord, ils portent le lot des problèmes de notre société ; voilà pourquoi ils dérangent et plus souvent qu’autrement, nous préférons les ignorer. Ensuite, ils vivent pour la plupart une dure lutte pour la survie. Au-delà des problèmes de santé mentale, de toxicomanie, d’alcoolisme, de jeu, etc., il y a derrière chacun d’entre eux une histoire qui lui est propre et surtout beau- coup de souffrance. À cet endroit, j’ai senti plus que jamais que la compassion était la clé à bien des maux.

J’ai terminé mes études par un stage au Centre des femmes de Montréal. La plupart des femmes étaient de nouvelles arrivantes, ce qui m’a permis de goûter au multiculturalisme. J’ai eu l’impression de voyager à travers elles. Puis, j’ai eu la possibilité d’intervenir auprès des femmes vivant de la violence conjugale. Cette problématique est alors devenue pour moi un cheval de bataille. J’ai accompagné des femmes lors de procès au tribunal, donné des conférences sur la violence conjugale, etc.

J’ai ensuite travaillé pour un organisme en santé mentale. Encore une fois, j’ai beaucoup aimé l’expérience, mais il me semblait que je n’en faisais jamais assez. Cela m’a poussée à retourner aux études. Je termine maintenant mes études au baccalauréat en Communication, politique et société. Ces études me permettent de saisir les grands enjeux de notre société et de mieux analyser la politique et les médias. J’aspire, l’année prochaine, à être admise à la maîtrise en Travail social et organisation communautaire. Pourquoi ? Tout simplement parce que je souhaite revenir dans la région et m’y établir. Y revenir pour apporter ma contribution à la communauté. Parce que la vie montréalaise, on la vit l’espace d’un moment pour s’enrichir … mais non pas pour s’y établir.

Les médias parlent de l’exode des jeunes pratiquement comme d’un fléau, cependant les jeunes sont fortement attachés à leur coin de pays natal. Bref, nous quittons Saint-Armand, mais nous nous en ennuyons… Nous quittons Saint-Armand pour mieux le réhabiter. Ne pas y vivre présentement me permet de saisir et de sentir à quel point le village m’habite, et qu’il est un endroit formidable où demeurer.