Les espèces exotiques envahissantes (EEE) constituent un important enjeu de gestion environnementale en Amérique du Nord. Qu’il s’agisse d’espèces fauniques comme la moule zébrée, le cladocère épineux, l’écrevisse à taches rouges, la puce d’eau en hameçon… ou floristiques telles la châtaigne d’eau, le myriophylle à épi, le potamot crépu, l’hydrocharide grenouillette… la propagation des EEE constitue une menace pour la biodiversité indigène, les activités récréotouristiques et certaines infrastructures publiques.
Une législation sans mordant
Le lac Champlain, est un vaste plan d’eau de 1269 km2 à la frontière entre les États de New-York, du Vermont et de la province du Québec. L’aspect transfrontalier et le chevauchement administratif compliquent la gestion de ces eaux.
Des lois interdisant le transport de plantes aquatiques exotiques envahissantes ont été adoptées au Canada (2015) et au Vermont (2010). Le Québec et l’État de New-York n’ont pas de règlementation spécifique à cet égard. Toutefois, sur les rives new-yorkaises du lac Champlain, ce sont les villes et comtés qui ont le pouvoir de réguler. C’est ainsi, notamment, que le comté de Warren (État de New-York) a choisi d’en interdire le transport. Seule la portion québécoise du lac se retrouve donc sans règlement spécifique.
Cependant, interdire le transport des EEE n’empêche pas les plaisanciers d’en transporter, généralement à leur insu. Au Vermont, ainsi que dans les villes et comtés de New-York, les législations adoptées s’accompagnent de diverses mesures concrètes dans le but d’en prévenir l’introduction. Bien que, au Canada, la loi en interdise le transport, aucun règlement ne prévoit des mesures coercitives en cas d’infraction. Ainsi, un simple interdit légal sans action sur le terrain ne permet pas de freiner la propagation, alors que, au sud de la frontière, les plaisanciers s’exposent à des amendes salées.
Les municipalités peuvent agir concrètement
C’est à l’échelle locale qu’on peut agir de manière efficace, ce que plusieurs acteurs autour du lac Champlain ont compris. La portion du lac située aux États-Unis fait l’objet d’une importante campagne de sensibilisation, notamment partout où il y a des descentes de bateau. De plus, le personnel de nombreux lave-auto offre aux plaisanciers un service de lavage des embarcations. Au Vermont, il existe aussi un programme de patrouille visant à signaler la présence d’espèces envahissantes.
Pour l’instant, la portion québécoise du lac Champlain ne fait l’objet d’aucune règlementation spécifique en la matière, même si la problématique nous concerne autant que de l’autre côté de la frontière. Bien que l’Organisme de bassin versant de la baie Missisquoi (OBVBM) mène, depuis 2017, une campagne de sensibilisation et d’inspection des embarcations à la baie Missisquoi durant l’été, la lutte à la propagation des EEE repose uniquement sur la bonne volonté des citoyens. L’absence de directives spécifiques contribue à minimiser le problème aux yeux de la population.
Le lac Memphrémagog : un modèle
Le lac Memphrémagog, qui chevauche lui aussi le Québec et le Vermont, pourrait servir d’exemple aux municipalités riveraines du lac Champlain. Toutes les municipalités qui le bordent se sont concertées pour exiger le lavage des embarcations avant leur mise à l’eau, ce qui a permis d’éviter le vide juridique qu’on observe autour du lac Champlain.
À cet égard, l’Organisme de bassin versant collabore avec les municipalités riveraines de la baie Missisquoi pour la mise en place de mesures de protection qui pourraient mener à une règlementation commune et à la mise en place de stations de lavage. Les activités nautiques sur le lac étant vitales pour elles, un règlement sur le lavage des embarcations permettrait de s’assurer que les activités nautiques se fassent dans le respect de l’environnement et de la lutte intégrée à la propagation des espèces envahissantes.
Chaque été, depuis maintenant trois ans, deux agents de sensibilisation procèdent à l’inspection des embarcations et remorques aux rampes de mise à l’eau du quai de Philipsburg à Saint-Armand et de la pourvoirie Courchesne à Venise-en-Québec. Cette démarche permet de localiser, identifier et retirer les EEE accrochées aux bateaux, motomarines, voiliers, chaloupes et kayaks, et ainsi prévenir la propagation dans la baie Missisquoi (lors de leur entrée au lac Champlain) ou vers les autres plans d’eau du nord de l’Amérique (lors de leur sortie du lac Champlain).
Quelques espèces exotiques envahissantes présentes au lac Champlain