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Éoliennes de Stanbridge, prise 2

Projet communautaire ?
Guy Paquin

Parc d’éoliennes du type CE 1,5 MW en milieu agricole (Photo : gracieuseté du groupe sm international inc.)

Après l’échec du projet d’éoliennes de SM International en 2007, voici qu’un nouveau projet fait surface. Il s’agirait d’un parc plus modeste (12 éoliennes au maximum qui fourniraient 20 à 24 MW), localisé au même endroit que le projet précédent, soit entre Stanbridge Station, Pike River et Notre-Dame-de-Stanbridge.

Le projet est piloté par M. André Pion, résident de Bedford et ancien ingénieur industriel. « Il nous faut 60 M$ au total pour financer le projet, explique-t-il. Il s’agit de créer une société à trois actionnaires principaux : SM International, à hauteur de 5 %, l’éventuel opérateur du parc d’éoliennes, à 65 % (donc, pas SM cette fois-ci) et, pour les derniers 30 %, une coopérative de citoyens, la Coop Vents Rivière aux Brochets. » On se rappellera que SM International fut le promoteur du projet de 2007, projet finalement écarté par Hydro-Québec pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons dans un moment. M. Pion représentait alors ceux des agriculteurs qui étaient favorables au projet.

Et qui donc sera l’opérateur et actionnaire majoritaire ? « Nous discutons actuellement avec trois opérateurs potentiels, qui possèdent tous une solide expérience dans le domaine éolien. » Il s’agit d’abord de Northland Power, opérateur des parcs de Saint-Ulric et de Mont-Louis. Puis, il y a Innergex, une firme de Longueuil qui opère le parc de Baie-des-Sables. Enfin, on discute aussi avec Boralex, très impliquée dans la production d’énergie au Canada. Soulignons qu’Innergex et Boralex sont inscrites en Bourse de Toronto et que les deux, à en juger par leurs récents rapports trimestriels, sont financièrement solides.

Pourquoi sera-ce un de ces trois qui deviendra l’actionnaire fortement majoritaire, avec ses 65 % des actions, et non la Coop ? « Nous avons besoin d’un opérateur aguerri, compétent, répond André Pion, et les opérateurs n’investissent pas sans avoir le contrôle de la compagnie propriétaire du parc d’éoliennes. »

En clair, dans la pratique d’affaires courantes, l’actionnaire à 60 %, sur un conseil d’administration de 10 fauteuils, en détient 6 et sa majorité absolue lui donne le contrôle sur toute décision, et tout d’abord la nomination des cadres supérieurs de l’entreprise, responsables des décisions courantes. Le conseil, lui, se réserve les décisions stratégiques et là encore, l’opérateur pourra imposer sa vision des choses. Mme Carole Dansereau, opposante active au projet, ironise : « Ils veulent investir dans la construction d’une belle maison… pour réclamer ensuite la job de concierge. »

Caricature : Jean-Pierre Fourez

On se souvient que, en 2007, le projet de SM International n’avait pas abouti parce qu’il avait été refusé par Hydro-Québec. Le tout a achoppé sur le choix du fournisseur des turbines, organe central de l’éolienne. On avait retenu les turbines d’AAER, firme quasi locale puisque son siège social et son usine sont à Bromont. Petit pépin, AAER a perdu son accréditation comme fournisseur agréé par Hydro pour des raisons techniques. D’où le rejet du projet par Hydro-Québec.

« Nous ne prenons pas de chances cette fois, explique André Pion. Nous avons ouvert les discussions avec trois fournisseurs. » On comprend que les trois sont dûment accrédités. Il y a AAER, rentré en grâces auprès de la société d’État, Énercon, société allemande solidement implantée en France, et REPower Canada. Les trois doivent déposer une soumission officielle d’ici peu.

Choix de l’opérateur, actionnaire majoritaire, choix du fournisseur de turbines et montage financier, le tout devra se faire au galop puisque Hydro donne jusqu’au 19 mai prochain pour le dépôt des prochains projets de parcs d’éoliennes.

COOP communautaire ?

Gilles Rioux, maire de Stanbridge Station, estime qu’il s’agit là « …d’un beau projet communautaire. » Beau projet, certes, vu sous l’angle des retombées. Il ventera des dollars et ça soufflera dru. Indemnisations aux producteurs agricoles sur les terres desquels les machines seront placées ; tenant lieu de taxe de 5 000 $, le MW versé à la municipalité (en première approximation M. Rioux évalue la somme annuelle à environ 60 000 $) et bonus d’à peu près 60 000 $ (évaluation provisoire de M. Rioux) versé à la communauté par la MRC Brome Missisquoi. M. le maire voit déjà du beau pavé neuf sur les routes de sa municipalité.

Mais projet communautaire ?

Voire. D’abord, de l’aveu même du maire, « la Coop ne contrôle pas grand-chose. » Ensuite, selon les calculs de M. Pion, une fois le projet lancé, 70 % de l’argent recueilli le sera sous forme de dette bancaire. Donc la Coop, à sa naissance, sera propriétaire…d’une dette de 12,6 M $, sa part, 30 %, de l’endettement de la société dont elle sera actionnaire. « Oui mais le remboursement de cette dette est prévu, à même les revenus anticipés de la compagnie », répond M. Rioux. « Après 7 ans d’opération, cette dette sera entièrement remboursée. »

Donc Coop minoritaire, née dans les dettes et pas si communautaire qu’il y paraît. S’il y a coop, c’est surtout pour satisfaire les exigences d’Hydro-Québec. Le 30 avril 2009, Hydro produisait un document d’appel d’offres pour des projets éoliens de deux sources, l’une autochtone, l’autre communautaire, le volet qui nous intéresse. Ce document est d’une lecture très instructive puisque c’est le livre des règlements auxquels les promoteurs doivent se soumettre.

Il spécifie que les projets dits communautaires doivent, pour être considérés tels, comporter entre autres « une coopérative dont la majorité des membres a son domicile dans la région administrative où se situe le projet communautaire ». La région administrative, dans notre cas, c’est toute la Montérégie.

Les 6 M $ de la Coop peuvent donc provenir de détenteurs de parts de Longueuil, Brossard, Sorel, Saint-Hyacinthe, Granby, Valleyfield ou Saint-Jean-sur-Richelieu. Ces actionnaires, sûrement tous braves et honnêtes gens, n’ont par contre strictement rien à voir avec la vie communautaire de Pike River ou de Stanbridge Station. Et ils n’auront certes pas à vivre dans le parc d’éoliennes ou à sa proximité.

Cette coopérative, dont les membres peuvent provenir de plus de cent kilomètres de notre région et n’y avoir jamais mis les pieds, a tout de l’astuce sociofinancière, recours cosmétique d’Hydro-Québec pour replâtrer un projet qui s’était quelque peu fissuré sur la façade la dernière fois, sous les assauts de nombreux opposants.