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- Affaires municipales -

Élections municipales à Saint-Armand

Opposition ordinaire aux séances extraordinaires
Guy Paquin

En 2009, récession ou pas, il y aura élection municipale chez nous. Comme en 2005, nous aurons le loisir de nous choisir un conseil municipal à notre goût. Comme en 2005, tout adulte au sens de la loi, résidant à Saint-Armand ou y ayant une place d’affaires ou y possédant un immeuble et ayant la citoyenneté canadienne pourra voter ou même se présenter soit à la mairie ou à l’un des six postes de conseillers.

Comme en 2005 ? Hum. Non. Car en 2005 la totalité de notre conseil, maire et conseillers furent « déclarés élus sans opposition », ce sont les termes mêmes que la loi utilise pour désigner ce que la langue populaire appelle « élu par acclamation ». Comme les candidats éventuels de l’opposition sont restés chez eux, les électeurs en ont fait autant.

En cela, nous sommes loin d’être des originaux. Les résultats des élections municipales de 2005 sont passés sous le microscope de Patrick Champagne, analyste au Ministère des affaires municipales et des régions, et révèlent que les Armandois, quand il s’agit de leur élection municipale, sont d’une banalité parfaite. On trouve son analyse sur le site web du Ministère sous le titre « Les élections municipales 2005 : au-delà des apparences. »

En 2005, sur 1 106 postes de maires à combler au Québec, 605 le furent sans qu’aucune opposition ne se présente. C’est 55 % des maires qui ont bénéficié d’une passe gratuite. Et c’est encore moins compétitif à la table du conseil : 61 % des conseillers passent comme dans du beurre. By the way, sur les 45 % des maires qui furent bel et bien élus contre opposition, seulement 13 %étaient des femmes.

Le savant M. Champagne ne se contente pas de constater, il enquête et dissèque ses statistiques. Or il trouve que plus de la moitié des maires ainsi privés des joies de l’opposition se trouvent dans les municipalités les plus petites du Québec, tout à fait comme la nôtre. Le maire pour qui les électeurs déroulent le tapis rouge en restant chez eux et en ne lui faisant nulle opposition est un phénomène typique des plus petites municipalités.

Pourquoi ? Premièrement, pour des raisons bêtement arithmétiques. Supposons un village de 1 000 habitants. Enlevez les enfants et les autres non éligibles, il vous reste à peu près 500 éligibles. Pour sept postes électifs, si on veut deux partis entre lesquels choisir on n’a pas besoin de faire du calcul intégral pour conclure qu’il faut 14 candidats. 14 sur 500 éligibles, c’est 1 candidat par 36 adultes.

Ensuite, explique M. Champagne, il y a des raisons socio-économiques comme l’âge moyen des citoyens, leurs loisirs disponibles, s’ils sont en recherche d’un emploi, etc. Et finalement l’expert a recours à une expression évocatrice et quelque peu vague : le sentiment d’appartenance.

Je ne suis pas sociologue ni grand devin mais il me semble que les Armandois et les Armandoises sont aussi attachés à leur coin de pays que le plus bleu des « beluets » du Lac-Saint-Jean à son cher Saguenay. Si nulle opposition ne s’est manifestée en 2005 ce n’est pas par manque d’attachement à notre village mais parce que le citoyen moyen ne dispose pas du microscope de M. Champagne pour voir en détail les enjeux municipaux et leurs impacts sur nos vies, personnellement comme collectivement.

Vos sous, les miens, les nôtres

L’opposition ça sert premièrement à regarder comment les élus utilisent l’argent de nos taxes. N’oubliez pas que pour chaque 100 $ dépensés en moyenne par une municipalité, 87 $ proviennent de ce que l’ineffable ministère appelle chastement « des sources locales ». En français de par ici, nos dollars durement gagnés.

Ces dollars, la municipalité a le choix de les engager de multiples façons. La liste des secteurs de juridiction exclusivement ou partiellement municipale est impressionnante.

Sont exclusivement de juridiction municipale les responsabilités suivantes : le service d’incendie ; l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement des eaux usées domestiques, agricoles ou industrielles ; les matières résiduelles (et les camions servant à les enlever !) et finalement, sujet dont la pertinence est douteuse à Saint-Armand, le transport en commun.

Sont également de responsabilité municipale, mais pas en exclusivité (ces pouvoirs sont le plus souvent partagés entre la municipalité et Québec), l’habitation et le logement social ; les routes et rues ; la police ; les loisirs, le sport, la culture et les activités communautaires ; le tourisme et l’accueil aux visiteurs ; les parcs et les espaces naturels ; l’aménagement du territoire et le zonage ; le développement économique local ; l’environnement. Et les plumes, et la queue et le bec !

Un pouvoir très discret

Tout ça avec nos taxes. C’est beaucoup. On s’attendrait à ce que devant des choix aussi vastes, les décisions de dépenser se fassent de façon très publique. Or la loi, là-dessus, est extrêmement amusante. À la question « Le conseil doit-il prendre en public toutes ses décisions engageant l’argent des citoyens et en répondant aux demandes des citoyens présents ? » la loi fournit une réponse de Normand. « Oui » ! Et aussi « Non » !

Oui, le conseil doit être en réunion officielle pour décider de toute dépense engageant l’argent des administrés. Oui, ces « réunions sont publiques. La session du Conseil comprend une période /…/ de questions ». Le Code municipal du Québec est très clair, comme la Loi sur les cités et villes.

Mais, après cette clarté limpide, la Loi est soudain victime d’un moment moins éclairé. À l’article 152 du Code municipal on ouvre la porte aux décisions à huis clos, c’est-à-dire qu’on ferme la porte aux nez des citoyens. « Une séance extraordinaire /…/ peut être convoquée en tout temps /… en donnant par écrit un avis spécial à tous les membres du Conseil. »

Et les citoyens ? Ils se sont évaporés du Code rendu à l’article 152. Idem à l’article 323 de la Loi sur les cités et villes. Dès lors qu’il s’agit d’une séance extraordinaire, le pouvoir de dépenser reste entier mais l’obligation de débattre disparaît. Bien sûr, il y a la séance ordinaire suivante, le premier lundi de chaque mois, à laquelle les citoyens peuvent se présenter pour critiquer des faits accomplis. Bonheur profond, jubilation exquise que cet exercice d’une sublime futilité !

Huis clos à 200 000 $

En 2008, les séances extraordinaires du Conseil de Saint-Armand furent presque aussi nombreuses que les ordinaires. Et on y a, en notre absence, beaucoup dépensé notre argent. Un seul exemple : le 27 octobre 2008 on a accepté la soumission relative à l’achat d’un camion à ordure de 194 572 $ par la méthode de paiement crédit-bail, 60 mensualités de 3 346 $ chacune. On en a profité pour régler l’affaire de l’agrandissement de la caserne des pompiers par la maison Constructions Francalex et l’embauche des arpenteurs géomètres Denicourt pour une histoire de borne indiquant une limite de propriété. On aurait pu attendre un petit sept jours et faire tout ça en séance habituelle, devant public, mais l’enthousiasme de nos élus n’a pu tolérer pareil délai à son zèle.

Tout cela est parfaitement conforme au Code municipal qui invite presque les villes et villages à procéder ainsi : décider d’abord, rendre des comptes après. Bon. Mais une opposition raisonnable déverrouillerait les portes, lèverait les stores et veillerait à ce que les comptes soient faits publiquement d’abord et les décisions prises seulement ensuite, publiquement itou.

Politics, anyone ?