En juin, Paul Lanoie, commissaire au développement durable, lequel est attaché au bureau de la vérificatrice générale du Québec, déposait un rapport* dans lequel il fustigeait le ministère de L’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) ainsi que celui des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH). Il avait d’ailleurs fait la même chose dans son rapport précédent, publié en 2013.
Le commissaire semble penser que les gestionnaires de l’État se traînent sérieusement les pieds. Au chapitre trois de son rapport, qui porte sur la conservation des ressources en eau, il souligne les mêmes lacunes en matière de gestion des connaissances, d’engagement des ministères clés, de prise en considération des enjeux de l’eau dans la planification du territoire par le milieu municipal et d’information du public.
« Près de 20 ans après que le gouvernement du Québec ait fait de la gestion intégrée des ressources en eau une priorité, écrit-il, le MELCC n’a toujours pas mis en place une gestion des connaissances sur l’eau efficace et efficiente. » C’est pourtant là un principe de base en matière de gestion des affaires publiques : pour améliorer l’efficience de la gouvernance, il faut notamment produire, mettre à jour et partager des données et de l’information dans le but de guider, évaluer et améliorer les politiques.
« Un premier rapport sur l’état des ressources en eau et des écosystèmes aquatiques a été publié par le MELCC en septembre 2014, poursuit Paul Lanoie, alors que la loi sur l’eau l’exigeait pour juillet 2014. Un deuxième rapport aurait dû être publié à l’été 2019. Toutefois, au moment de la réalisation de nos travaux, la rédaction du rapport était en cours et sa publication était reportée à décembre 2020 par le ministère, cette fois-ci près d’un an et demi plus tard que ce que la loi exige. (…) Le portail des connaissances sur l’eau a été lancé par le MELCC à l’été 2018, soit près de 10 ans après la création du Bureau des connaissances sur l’eau. Or, les connaissances présentes sur le portail ne sont toujours pas accessibles à l’ensemble de la population, bien que la loi sur l’eau prévoie le contraire. »
Le rapport souligne également que le MELCC néglige de coordonner l’action gouvernementale et que, à l’instar du MAMH, il démontre peu d’enthousiasme à appuyer pleinement les organismes de bassins versants. En janvier 2012, le MELCC mettait en place le comité interministériel sur la gestion intégrée de l’eau, composé de sous-ministres associés et adjoints, dans le but, notamment, d’assurer la cohérence des activités des ministères dans le cadre de la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) et, au besoin, de proposer à ces derniers et au gouvernement des mesures visant à améliorer cette cohérence. Ce comité a été aboli en décembre 2013. Lors du lancement de la Stratégie québécoise de l’eau 2018-2030 en juin 2018, le gouvernement a annoncé la création du Conseil québécois de l’eau, toujours afin de favoriser l’harmonisation des efforts des différents acteurs. Deux ans après le lancement de la stratégie, le mode de fonctionnement du conseil n’était toujours pas défini et ses membres ne s’étaient pas encore réunis.
Le commissaire déplore la faible présence des représentants du MELCC et du MAMH aux rencontres des tables de concertation des organismes de bassins versants du Québec. Il reproche aussi aux gestionnaires de l’État de ne pas évaluer la GIRE, si bien que les parlementaires et les citoyens ne sont pas informés des enjeux qui y sont liés et des retombées qui en découlent.
Bref, les responsables des deux ministères sont priés de faire diligence afin de mieux soutenir les organismes de bassins versants locaux dans le mandat que l’État leur a confié, à savoir concevoir un plan directeur de l’eau pour leur bassin versant, en assurer le mise en œuvre, en mesurer les impacts et ajuster le tir au besoin.
Cheville ouvrière de la gestion de l’eau
L’organisme de bassin versant local est la clé de voûte de la GIRE, la véritable cheville ouvrière de ce système de gestion. Pour John Husk, président du regroupement des organismes de bassins versants du Québec (ROBVQ), « les actions de l’État en gestion de l’eau demeurent fragmentées et insuffisantes. C’est une situation qu’il faut rectifier au plus vite pour faire du Québec le chef de file en matière de gestion intégrée des ressources en eau tel que visé par la Stratégie québécoise de l’eau. »
Mandatés par le gouvernement québécois pour soutenir régionalement la GIRE, les 40 organismes de bassins versants (OBV) sont financés par l’État à hauteur d’environ 242 000 $ par année et par OBV, soit environ 10 millions de dollars pour l’ensemble du Québec. Cette somme, qui assure le maintien de ces entités, leur permet de récolter environ 160 millions de dollars annuellement auprès du gouvernement fédéral, du milieu municipal, de la société civile, des entreprises et du public. Autrement dit, chaque dollar investi dans les OBV en rapporte seize en termes d’actions visant la protection des ressources en eau. Une performance remarquable estime Antoine Verville, directeur général du ROBVQ, qui insiste pour dire qu’il faudrait plutôt allouer en moyenne 385 000 $ par année à chaque OBV afin d’assurer une meilleure mise en œuvre des plans d’action et de procéder à une bonne évaluation des impacts des mesures mises en œuvre, ce dans le but de permettre un suivi efficace des politiques.
« À l’ère de la relance économique et des changements climatiques, conclut le président du ROBVQ, il est plus que jamais nécessaire de soutenir l’innovation régionale pour faire de l’eau et sa conservation notre véritable or bleu : un puissant moteur de développement régional durable. »
* On peut consulter le rapport du commissaire au développement durable à cette adresse : https://www.vgq.qc.ca/fr/publications/164