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- Gens d'ici -

Du fond du choeur

Éric Madsen

Aujourd’hui, place aux chants, à la voix, à l’émotion, à la mélodie. Connaissez-vous notre chorale ? Active dès 1940, elle est d’abord composée d’hommes aux voix graves, regroupés au jubé, qui accompagnent les cérémonies de mariage. Dirigée à l’époque par M. Joseph Fortin, on remarque alors la voix particulièrement belle de M. Amédée Dalpé. Quelques mois plus tard, des femmes se joignent aux hommes. Saluons au passage Mme Mercedes Chabot, organiste émérite, qui accompagna la chorale durant trente-cinq ans.

L’inauguration du couvent des sœurs de Saint-Joseph à Philipsburg, en 1955, encouragera le chant, car les sœurs donnèrent des tours de chant à l’intention de la jeunesse d’alors. Au début des années 60, la chorale se donne le nom de  » Les Chanteurs des collines », le temps d’enregistrer un 33 tours au sous-sol de l’église, microsillon qui existe encore. Le curé du moment, M. Fontaine, n’est pas peu fier de cette production avant-gardiste, réalisée sous la direction de Mme Rita Massari.

La fin des années 60 et le début des années 70 voient l’arrivée du curé Louis-Georges Bélisle, mieux connu sous le nom de père Lou. Bien de son temps, il veut imprimer un nouveau dynamisme à son église, qui manque de fidèles. Il souhaite diversifier les chants. Grand amateur de jazz, il donne un nouveau souffle à la chorale. Durant un certain temps, chaque samedi soir, après le bingo au sous-sol, tout le monde est invité à une messe rythmée, messe dite à  » gogo », qui débute à minuit. Un véritable orchestre accompagne les chanteurs. C’est un  » hit », l’exploit fait fureur, au grand désarroi des curés des paroisses environnantes, qui voient leurs églises désertées, pour celle très rock’n roll de Saint-Armand. Trop rock’n roll au goût de l’évêché d’ailleurs. Les messes de minuit doivent cesser.

Le père Lou a largement contribué au chant choral et l’a encouragé pendant les vingt années qu’il passa ici. En 1978, alors que la paroisse fête son centenaire, la chorale est dirigée par Mme Lise Lafleur Bellefroid, au clavier de longue date. Beaucoup de cœur en chœur depuis 63 ans.

Aujourd’hui, le curé André Vincent,  amant de la musique, accompagne la chorale à la guitare. Celui-ci aimerait répéter l’exploit des  » Chanteurs des collines », et graver un CD, technologie oblige. La chorale de Saint-Armand/Philipsburg rayonne maintenant à l’extérieur, ayant donné des concerts à Montréal, au pénitencier de Cowansville, ailleurs pour la Saint-Jean-Baptiste, et pour des mariages dans plusieurs villes et villages de la région.

À maintes occasions, la chorale m’a fait vibrer, surtout lors des cérémonies de funérailles. Comment font les membres de la chorale pour chanter quand l’émotion est à son comble ? On m’a répondu que c’était éprouvant parfois, mais qu’on était là pour chanter » et qu’on le faisait  » pour aider à obtenir la paix », » C’est la dernière occasion que nous avons de nous donner pour le défunt, comme si c’était quelqu’un de notre propre famille », Plus humblement, quelqu’un dira :  » On apporte du réconfort, on vit nos chants, pour mieux les donner aux personnes éprouvées. »

Les répétitions se tiennent presque tous les vendredis soir à l’église. J’ai assisté à l’une d’entre elles.  » On prend un p’tit break l’été », Amateurs ou gens que cela intéresse, bienvenue ! J’entre donc dans l’église au son d’une chanson que je connais : L’amour existe encore de Luc Plamondon, chantée d’habitude par Céline Dion. Le son m’enveloppe aussitôt, l’acoustique du bâtiment aidant. Je me faufile près du chœur. La chanson étant très belle, je ferme les yeux, me croyant dans une salle de concert et c’est alors que j’ai peut-être compris un peu ce qui animait ces gens-là ; la beauté du son, la douceur des mots, l’atmosphère unique des lieux. « Alors c’est sûr, l’amour existe encoooooooore », oups, on arrête tout, fausse note, le chant s’interrompt, do do la la fait le piano, et on repart, la soliste y allant de plus belle, « l’amour existe encooorrre », oui voilà, c’est ça, semble dire la gestuelle de la directrice. « O.K., on reprend le dernier couplet ». Aussitôt dit, aussitôt fait. Ensuite, répétition d’un autre « hit », celui de la Canadienne Shania Twain, From this moment, chanté en duo par une alto et une basse. Par moment tout s’arrête, ça placote entre les notes, ça rigole, on se croirait dans une classe d’école. Après plusieurs répétitions en tout ou en partie de ce « last moment » bien rendu, j’ai profité d’une pause pour discuter un peu afin d’apprendre ce que cela leur apporte. « Du plaisir, de l’amitié, de la solidarité », « être ensemble » « ça nous valorise, on a tous le goût de revenir », « ça nous sort de la maison ». En fait, « nous sommes une belle gang, qui prend plaisir à chanter, à partager, à s’amuser, à s’entraider, on a du fun ». « On essaye d’être polyvalents, d’élargir notre répertoire », « on suit peut-être moins les règles strictes d’une chorale d’église traditionnelle ».

C’est sans doute vrai, car les chants répétés ce soir-là seront offerts lors d’un mariage prévu ce mois-ci. J’ai presque envie d’y aller, sans y être invité, juste pour vous entendre.

Bravo la chorale, ne lâchez pas, on est chanceux de vous avoir. Paraît que vous allez bientôt préparer la messe de minuit, on ira vous écouter le 25 décembre.

La chorale fusionnée compte 24 membres : au clavier : Lise Lafleur et Valérie Fortin ; la directrice : Carmen Pelletier ; les sopranos : Marielle Roy, Angéla Pelletier, Yvonne Arpin, Marguerite Choquette, Rita Dupont, Janine Jutras, Nicole Plouffe, Christiane et Pauline Dubé, Marie-Claire Raymond ; les ténors : Madeleine Dalpé, Marie Pelletier ; les basses : Bernard Lamothe, Marcel Roy, Yvon Lamontagne, Richard Raymond ; les altos : Pauline Lamontagne, Denise Tremblay, Nicole Jean, Chantal Brodeur, Sylvie Benjamin et Noëlla Vallière.

Un merci spécial à Yvonne Raymond et à sa fille pour leur collaboration.

À la prochaine …