MESDAMES ET MESSIEURS LES DIGNITAIRES,
CHERS CONCITOYENNES, CHERS CONCITOYENS…
Aujourd’hui, à l’occasion des célébrations de l’édition 2019 de la Fête nationale du Québec, le Comité organisateur nous propose, dans le contexte de notre discours patriotique, de réfléchir au thème : « UN MONDE DE TRADITIONS ».
Au plan étymologique, le mot tradition désigne la transmission continue d’un contenu culturel à travers l’histoire. Dans la pratique, il s’agit de faire passer d’une génération à l’autre un héritage immatériel – musique, contes, chants, gastronomie, danse, etc. – lequel en viendra à constituer un des vecteurs de l’identité d’une communauté humaine. Dans son sens générique, la tradition constitue à la fois un devoir mémoire assorti d’une projection vers l’avenir ; en somme, le souvenir et le respect de ce qui a été, assorti du devoir de l’enrichir et de le transmettre.
En ce qui concerne notre Fête nationale, ses origines remontent à la nuit des temps, où les peuples païens marquaient le solstice d’été en allumant de grands feux de joie pour célébrer la lumière solaire qui atteignait son apogée. Les peuples européens, en particulier les Français, ont perpétué cette tradition et lui ont donné une couleur religieuse en l’associant à Jean « le baptiste », le tout premier, selon les écrits du Nouveau Testament, à avoir reconnu la nature divine de Jésus lors de son baptême dans les eaux du fleuve Jourdain.
Dès la fondation de Québec, en 1608, cette tradition à la fois festive et religieuse fut importée en Nouvelle France par les premiers colons français et célébrée à chaque année jusqu’en 1763, année de la signature du Traité de Paris, où la France allait devoir céder sa colonie à la Grande Bretagne. À partir de 1774, année de la signature de l’Acte de Québec, les autorités britanniques qui voyaient dans cette tradition festive le symbole de l’attachement du peuple à l’ennemi d’hier, mirent en place les moyens pour l’étouffer.
70 ans plus tard, le journaliste Ludger Duvernay, éditeur du journal La Minerve, organe officiel du Parti patriote, décidait de faire revivre cette tradition des fêtes de la Saint-Jean-Baptiste, dans le but avoué de doter le peuple du Bas-Canada d’une fête nationale annuelle.
C’est ainsi que le 24 juin 1834, il y a précisément 185 ans aujourd’hui-même, se réunissaient, dans le jardin de l’avocat John McDonnell – un lieu qui deviendra plus tard le site de la gare Windsor à Montréal – se réunissaient donc, une soixantaine de personnes, parmi lesquelles on remarquait Jacques Viger, maire de Montréal ; Louis-Hippolyte Lafontaine, futur premier ministre du Canada-Uni ; et Georges-Étienne Cartier, futur père de la confédération canadienne.
Véritable succès, cette fête, dont le but avoué est de cimenter l’union entre les Canadiens qui se sentent opprimés par l’occupation britannique, devient, au cours des trois années suivantes, une véritable tradition populaire reprise non seulement à Montréal, mais dans les villages de Rougemont, Saint-Denis, Saint-Eustache, Terrebonne et Berthier. Fait à souligner : c’est de cette époque que date l’adoption de la feuille d’érable comme symbole floral du Bas-Canada.
Malheureusement, suite à la révolte des Patriotes de 1837, ces célébrations seront de nouveau réprimées par l’armée britannique au cours des 5 années suivantes.
En 1843, Ludger Duvernay revient d’exil, relance le journal La Minerve et fonde l’Association Saint-Jean-Baptiste. L’année suivante, il invite toute la population du Bas-Canada à relancer et à célébrer la fête nationale des Canadiens-français. C’est d’ailleurs de cette époque que datent les premiers défilés de la Saint-Jean-Baptiste.
En 1874, pour marquer le 40e anniversaire de la relance de la Fête de la Saint-Jean, l’événement sera souligné en grande pompe à Montréal, où participent pas moins de 91 chapitres de l’Association Saint-Jean-Baptiste et où défilent 12 chars allégoriques, 31 corps de musique et près de 10 000 figurants.
Quatre ans plus tard, en 1878, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal adopte un air national pour les Canadiens français, À LA CLAIRE FONTAINE, et en 1884 les festivités du 50e anniversaire sont sans égal et s’étalent sur cinq jours.
En 1925, la législature du Québec décrète que le 24 juin devient une fête officielle et en fait un congé férié. Dès lors, cette journée devient l’occasion de se rassembler et de témoigner de la vitalité et de la richesse culturelle de la nation canadienne-française.
Au cours des années 1930, Irlandais, Grecs, Italiens et Slovaques se joindront aux Festivités de la Saint-Jean, témoignant ainsi éloquemment du caractère cosmopolite de Montréal.
Au cours des années suivantes, les diverses Sociétés Saint-Jean-Baptiste se regroupent sous une seule et même bannière et la nouvelle Fédération participe à une vaste campagne qui mènera à l’adoption, le 21 janvier 1948, du fleurdelisé comme drapeau officiel de la Province de Québec.
Dès lors le drapeau devient un puissant symbole de l’appartenance au Québec et le 24 juin une occasion unique de se réunir, de chanter et de danser au son de la musique traditionnelle.
Les feux de joie attirent les foules et les défilés cessent d’être l’exclusivité des villes de Montréal ou de Québec, et se propagent à Shawinigan, Trois-Rivières, Alma, Drummondville, Lac-Mégantic, Asbestos et Victoriaville.
En 1975, l’enthousiasme conquiert les foules lorsque Gilles Vigneault lance son fameux « Gens du pays » et, l’année suivante, le grand spectacle des Plaines d’Abraham passera à l’histoire en réunissant sur une même scène Gilles Vigneault, Claude Léveillé, Jean-Pierre Ferland, Yvon Deschamps et Robert Charlebois.
En 1977, le premier gouvernement du Parti Québécois proclame que le 24 juin sera désormais la « Fête nationale du Québec ». Cette journée sera désormais fériée et chômée et, surtout, ne sera plus associé exclusivement aux personnes pratiquant la religion catholique, mais revêtira un caractère ouvert et laïque. Ce faisant, le 24 juin devient véritablement la fête de toutes les personnes habitant le Québec.
Comme nous pouvons tous le constater, l’histoire de notre Fête nationale incarne parfaitement ce qui constitue l’essence-même d’une tradition : d’abord inspirée par les rites primitifs des feux de joie, elle s’est fidèlement transmise d’une génération à l’autre en s’enrichissant, au fil des siècles, d’une dimension religieuse, d’une dimension politique et d’une dimension culturelle pour aboutir, aujourd’hui, à une ouverture sur une dimension inclusive et universelle.
Et ici, dans notre région, nous participons activement à ce monde de tradition. Alors que nous célébrions notre Fête nationale chacun de notre côté dans nos municipalités respectives, nous avons choisi, à compter de 2015, de nous rassembler pour célébrer tous ensemble.
Ainsi, aujourd’hui, ce sont les citoyens de sept municipalités, soient Bedford, Canton de Bedford, Saint-Ignace de Stanbridge, Saint-Armand, Pike River et Notre-Dame-de-Stanbridge qui sont rassemblées ici, à Stanbridge Station, pour célébrer notre Fête nationale.
Comme nos ancêtres l’avaient fait avant nous, nous aussi nous avons réussi à faire vivre la tradition, à la perpétuer et à l’enrichir en la plaçant sous le signe de la fraternité et de la collaboration.
Maintenant, sachez qu’il vous appartient à vous, la nouvelle génération, de prendre le relais de vos pères et de reprendre le flambeau que nous vous tendons. À vous de perpétuer une mission lancée par Ludger Duvernay il y a aujourd’hui 185 ans. À vous de poursuivre la tradition, et à vous, surtout, de savoir d’abord l’enrichir avant de la confier à la génération qui vous suivra.
Sur ce, au nom des autorités municipales de Stanbridge Station, je vous souhaite à tous une bonne… Une EXCELLENTE Fête nationale !
François Renaud