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- Exodus -

Devise malienne : « un peuple, un but, une foi »

Violaine Madsen

Photo : Jean-Pierre Fourez

Je reprends la plume cette fois dans une chronique où les mots seront des images, une histoire et des souvenirs intenses d’un voyage incroyable que je fis cet été au Mali, en Afrique.

Le but de ce voyage était de réaliser un stage de coopération internationale avec Carrefour canadien international dans le but de sensibiliser les Maliens à la désertification par le biais d’un médium génial : le théâtre. Nous sommes sept Québécoises à vivre cette expérience unique tout en étant associées avec des comédiens maliens.

Mai 2005, je quitte le sol québécois pour m’envoler là où le soleil brille comme une mangue dans le grand ciel bleu. Aéroport de Bamako, il fait nuit, il fait chaud, des gens noirs partout…Debout avec mes bagages, le regard stoïque devant cette nouvelle vie qui commence. Trois mois ici ? D’accord !

Ce n’est pas l’étranger qui m’intimidait. Je suis partie en Asie l’an dernier à l’aventure mais l’Afrique…inconnue et mystérieuse. Sans tarder, les Maliens s’occupent de nous. Les premiers jours sont difficiles. Quoique « difficile » est relatif. La chaleur, la nourriture, le contexte culturel et des yeux partout qui me sont inconnus. Pour ma part, je m’ennuie et je réalise que le défi est grand. Mais le plus grand choc viendra : le village dans la brousse où je devrai passer 40 jours avec une famille d’adoption visant comme but l’animation de petits ateliers de théâtre avec les enfants. Assise dans le camion qui allait m’amener au coeur d’une intégration fascinante, je pouvais apercevoir au loin les toits en paille des cases. Une image digne d’Astérix et Obélix. Par contre, je ne me sentais aucunement comme une légionnaire romaine envahissante mais plutôt comme une petite Occidentale bien gênée et apeurée.

Je ne pense pas avoir vécu de choc culturel plus grand que celui-ci excepté inévitablement celui de ma naissance, me suis-je dit en mettant les pieds dans cette communauté

de la brousse. Je suis accueillie par trente petits enfants tout nus noirs qui me regardent. Ils sont complètement absorbés par l’analyse de mes moindres faits et gestes. Dur de passer inaperçue  un moment pareil. Quoique en dedans de moi je veux être eux, oublier les différences, revenir à un état normal. Je tente de respirer un peu et d’analyser ma situation. Je cherche mes parents adoptifs des yeux… Inutile, ils sont tous au champ.

Le village se définit donc par la microsociété d’enfants le jour avec ses règles et son fonctionnement bien propre. Propre au sens distinctif et non hygiénique car sans vouloir vexer mes cher amis maliens, leur attention n’est pas tellement dirigée vers cet aspect important et le progrès demeure dans cette dimension quotidienne. Bref, j’attends donc le retour possible de gens portant le titre de responsables de ma présence. Les heures passent et je suis sans nouvelle. Finalement les femmes reviennent du champ portant sur leur tête le bois nécessaire à la préparation du repas et les hommes une chèvre ou un boeuf attaché à leur poignet, le tout sur fond de coucher de soleil rouge brasier. On finit par venir me voir et me saluer. Coup de foudre pour cette famille unique composée de mon père, de ses deux femmes et de ses nombreux enfants. Ils sont si heureux de m’héberger chez eux. On se regarde et on se sourit, conscients que nous ne parlons pas la même langue. Le silence et l’amour. On me présente ma mère adoptive, Mamounet qu’elle s’appelle. Quoi ! Attends ! Mais c’est le petit nom d’amour que je donne à ma mère depuis ma tendre enfance. Incroyable mais vrai. Un signe : Je suis entre bonnes mains.

J’adhère alors inévitablement à leur mode de vie. Mon implication demeure sommaire et je dois prendre le temps de bien saisir avant de passer à l’action, me dis-je. Je tente une implication au champ avec les femmes. Incroyablement épuisant. Résultat : impossible.  Vous pouvez rire. Si vous saviez comment eux se sont bidonnés à mon sujet. Sur tout. Mes gestes, mes expressions, mes tentatives de communication, mon papier de toilette, ma peur des araignées, ma façon de manger, de laver mon linge, de danser, etc. Il faut effectivement apprendre à laisser tomber sa susceptibilité car on peut être malheureux longtemps. Il en est de même pour la notion d’intimité. Vous savez, le besoin que l’on a de se reposer seul, de se ressourcer et d’entrer en intimité avec soi-même. Oubliez le projet. Quand je parlais de cette dimension importante pour moi, les Maliens associaient intimité et reproduction. Ouf, d’accord, oubliez cela.

Pour ce qui touche les animations avec les enfants, il fallait se débrouiller avec des signes, des gestes, et on s’est bien amusés. Après le séjour en village, nous avons réalisé une tournée de théâtre pour sensibiliser les Maliens à la désertification. Mon sentiment est qu’ils ont été touchés mais pardessus tout distraits et, pour moi, c’est l’une des plus belles choses qui peut leur arriver, à ces gens qui travaillent constamment si fort.

Je suis très heureuse d’avoir vécu avec ce peuple si touchant. Je considère que c’est une chance que je suis fière d’avoir saisie. Je sais qu’il y a eu beaucoup de moments où je croyais ne pas posséder la juste conscience des choses ou que j’aurais aimé m’impliquer d’avantage mais j’ai appris à vivre de la compassion envers moi-même, les autres et mon mode de vie. Par-dessus tout, j’ai vécu des moments magiques de grande complicité avec des gens qui ont ouvert leur coeur et partagé leur vision du monde avec moi, simplement. Bref, vivre avec l’Afrique a ouvert en moi une conscience importante. La conscience d’un mode de vie différent avec ses défis quotidiens, ses croyances, ses rites et ses valeurs uniques. Par-dessus tout ce voyage m’a offert l’occasion de comparer mon monde, ma société et mes racines pour ainsi en faire ressortir les forces et les faiblesses à la lumière de mes perceptions et de ma conscience. Ce voyage m’a permis de remettre les choses en perspective dans ma vie et par le fait même mes priorités.

Les Maliens sont des gens extrêmement accueillants, généreux et ils vous saluent tous. En terminant, je voudrais remercier tous les gens qui m’ont encouragée autant psychologiquement que financièrement à réaliser ce projet. Merci infiniment. Ma prochaine chronique de voyage…l’Amérique du sud ou l’Inde peut-être… Inch’allah.  Allez, que la vie vous porte.