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DÉSINVESTIR DU PÉTROLE POUR SAUVER LE CLIMAT

La rédaction

 

Les grands de ce monde sont actuellement réunis à Paris pour se concerter afin de limiter le réchauffement climatique. Comment ? Essentiellement en éliminant, aussi complètement que possible, et d’ici quelques années, notre dépendance au pétrole. Pourquoi ? Parce que le pétrole est la cause principale des bouleversements climatiques que nous connaissons présentement. Il aura fallu quelques décennies avant d’en arriver collectivement à le reconnaître, notamment parce que l’industrie pétrolière a longtemps choisi d’ignorer les faits et dépensé des millions en campagnes visant à retarder le moment où il ne serait plus possible de nier l’évidence. Nous y sommes enfin.

Pas encore tout à fait diront certains. Ils n’ont probablement pas tort puisque le gouvernement Trudeau, nouvellement installé à Ottawa, déplore le fait que le président américain ait refusé le projet de pipeline Keystone XL qui devait transporter le pétrole albertain vers les états américains. Le premier ministre du Canada s’est dit déçu de cette décision qui aura pour effet de ralentir la croissance de la production de pétrole issu des sables bitumineux.

L’autre gouvernement libéral, celui de Philippe Couillard à Québec, semble bien résolu à lancer le Québec dans l’exploitation du pétrole et du gaz de schiste, de même qu’à laisser passer sous nos pieds d’effarantes quantités de pétrole albertain. Bref, on s’est débarrassé des conservateurs qui, pendant dix ans, ont détruit le protocole de Kyoto, accéléré à grands frais l’exploitation des sables bitumineux, assoupli les balises environnementales qui pourraient nous protéger, etc., mais les libéraux ont aussi de vieux réflexes lorsqu’il s’agit de pétrole. Faudra donc les surveiller de près parce que leurs gestes contredisent trop souvent leur discours fleuri.

« Décarboniser » l’économie

L’économie mondiale dépend essentiellement du pétrole, d’abord en tant que source d’énergie, bien sûr, mais aussi pour une foule d’autres choses : l’industrie pétrochimique est à la source des plastiques, tissus synthétiques, pellicules et matériaux de construction de toutes sortes, armement, produits de nettoyage, cosmétiques, médicaments, engrais chimiques et pesticides agricoles.

En fait, le pétrole, c’est du carbone séquestré sous terre. Or la science nous indique que nous devrions désormais en laisser 85 % là où il se trouve et où il est inoffensif, qu’il soit sous forme de charbon, de pétrole ou de gaz. C’est pourquoi on parle de « décarboniser » l’économie, de « réduire notre empreinte carbone ». Il s’agit de transformer une économie qui repose sur le carbone par une autre où le pétrole et les autres hydrocarbures ne représenteraient qu’une infime portion des sources d’énergie et des constituants des produits manufacturés.

Sur le plan énergétique, cela signifie qu’il faut employer des énergies de sources dites renouvelables, telles que l’hydroélectricité, l’éolien, le solaire, la géothermie, les marées-motrices, etc. Il y a quelques jours, le 29 novembre, des millions de personnes marchaient dans près de 2000 villes pour presser les autorités du monde entier à emboîter le pas et à prendre des engagements sérieux et radicaux lors de la réunion de la COP21 qui se tient en ce moment même à Paris. Les organisateurs de la marche à Ottawa lançaient le message suivant : il est possible d’imaginer qu’en 2050, 100 % de l’énergie nécessaire à l’économie canadienne provienne de sources renouvelables.

Un mouvement déjà en route

La Caisse de dépôt et placement du Québec, le Mouvement Desjardins et Bâtirente (le fonds de retraite des membres de la CSN) travaillent ensemble à trouver les bonnes façons de mesurer l’empreinte carbone des portefeuilles de placement, une pratique grandissante à l’échelle mondiale qui souffre parfois d’un manque de données de la part des entreprises. Les risques que les changements climatiques présupposent quant à l’avenir des rendements financiers ont entraîné des appels au désinvestissement du secteur des énergies fossiles.

Trois états de la Nouvelle-Angleterre, soit le Connecticut, le Massachusetts et le Rhode Island, se sont récemment associés afin de lancer un appel de propositions pour des contrats à long terme (15 à 20 ans) visant la fourniture de très gros volumes d’électricité, soit l’équivalent de deux fois et demie les quantités d’électricité vendues par Hydro- Québec au Vermont en vertu de contrats à long terme. L’électricité doit provenir de sources renouvelables, soit l’éolien, le solaire et la biomasse. En principe, l’hydroélectricité de grande taille n’est pas admise, mais compte tenu des quantités requises, son apport pourrait être accepté.

La science est sans équivoque : nous pouvons parfaitement résoudre la crise climatique en décarbonisant nos économies. Les économistes sont d’accord et précisent que la transition vers des énergies 100 % propres et renouvelables n’aura pas d’impact négatif sur le nombre d’emplois et que notre prospérité n’en souffrira pas. Au contraire, on apprenait récemment que les engagements pris lors de la conférence de Paris seraient en mesure de débloquer des fonds de 90 billions de dollars (90 000 milliards), créant des opportunités économiques partout dans le monde.

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