Le 16 mars dernier, le président américain annonçait d’importantes compressions dans les programmes des agences fédérales vouées à la protection de l’environnement. Dans les faits, Donald Trump parle de sabrer près d’un tiers du budget de l’EPA, l’agence de protection de l’environnement des États-Unis. L’organisme serait ainsi appelé à abandonner ses programmes de lutte contre les changements climatiques et à comprimer ceux qui visent la protection de l’air et l’amélioration de la qualité de l’eau des lacs et rivières. Le financement de plusieurs mesures de dépollution du lac Champlain provenant en grande partie de sources fédérales américaines, il n’en fallait pas d’avantage pour inquiéter ceux et celles qui, des deux côtés de la frontière, participent aux efforts de dépollution de la baie Missisquoi.
Le Lake Champlain Basin Program (LCBP) est touché au premier titre par les plans de la Maison-Blanche. L’organisme, qui regroupe les efforts concertés des États du Vermont et de New-York, ainsi que ceux de la province de Québec, reçoit chaque année environ 7,75 millions de dollars canadiens de la part de l’EPA, de la Great Lake Fisheries Commission et de la National Parks Commission, notamment pour combattre les cyanobactéries et les espèces envahissantes dans le Lac Champlain. Sandy Montgomery, un des membres du conseil d’administration du journal Le Saint-Armand, siège depuis une dizaine d’années à un comité de pilotage local du LCBP ; il estime que « ce sera très difficile de demander aux États de payer » pour compenser les sommes que le gouvernement américain entend couper. De son côté, Pierre Leduc, président de l’Organisme de bassin versant de la baie Missisquoi (OBVBM) précise que le LCBC dispose de l’argent nécessaire « pour fonctionner encore pendant un an ». Après, on ne sait pas.
Les Vermontois résistent
Le comité des élus du Vermont qui est responsable de la pêche, de la faune et des ressources halieutiques (Vermont House Committee on Fish, Wildlife and Water Resources) avait prévu le coup : le 1er mars dernier, on adoptait un plan visant à assurer le financement des actions de dépollution du Lac Champlain en votant, avec une large majorité, en faveur d’une augmentation de taxes sur les activités touristiques (hôtellerie, restauration, etc.) et les véhicules motorisés ainsi que des droits de mutation immobilière. Selon ce plan, on prévoyait générer des revenus annuels de l’ordre de 30 millions de dollars US à compter de 2019, ce afin de compenser la fin anticipée du financement fédéral sous la présidence de Donald Trump.
Cependant, c’était sans compter sur la ferveur négationniste du gouverneur républicain du Vermont, Phil Scott, qui s’est empressé d’annoncer qu’il n’autoriserait aucune hausse de taxes, conformément à l’idéologie libertaire qui prédomine actuellement à la Maison-Blanche. Bref, on pourrait bien assister à un bras de fer au sud de la frontière en matière de financement de la dépollution du Lac Champlain. Comme c’est le cas pour d’autres politiques, les plans de l’improbable nouveau président américain rencontrent de sérieuses résistances. En effet, des deux côtés de la frontière, ceux et celles qui savent que la dépollution du Lac Champlain est une nécessité absolue et non pas une lubie continueront d’opposer une volonté farouche à ses décisions arbitraires.
Quant à Bernie Sanders, sénateur du Vermont, il est déjà à pied d’œuvre pour convaincre les républicains de reculer sur ce dossier. Il est loin d’être le seul comme l’a démontré la campagne à l’investiture démocrate. Par ailleurs, il est probable que Julie Moore, nouvelle directrice de la Vermont Agency of Natural Resources (agence des ressources naturelles du Vermont) et spécialiste avérée de la protection des cours d’eau, soit déjà à la recherche de moyens pour infléchir les politiques que le fédéral tente de lui imposer.
Du côté du Québec, le député fédéral de Brome-Missiquoi, Denis Paradis, s’apprête à partir pour les « États » avec son bâton de pèlerin, tandis que l’OBVBM est loin de jeter l’éponge : selon Pierre Leduc, il ne saurait être question de baisser les bras étant donné que « 240 000 personnes au Québec dépendent essentiellement du Lac Champlain comme source d’eau potable ». Il est hors de question de fermer les yeux sur la bêtise de quelques dirigeants égarés et de saboter les efforts des dernières années qui commencent à peine à donner des résultats… « Il faut absolument que nous puissions poursuivre notre travail », ajoute Pierre Leduc.
Dans le prochain numéro, nous rendrons compte du travail qui a été accompli par ceux et celles qui soutiennent, avec brio, l’OVBVM, ces gardiens et gardiennes de l’intégrité de notre eau. Et, en parallèle, nous continuerons de suivre les péripéties des politiques impensables que tentent d’imposer la nouvelle administration américaine. La bêtise ne peut faire qu’un temps ; le bon sens finira inévitablement par l’emporter. L’avènement des choses sensées est inévitable. Ce n’est qu’une question de temps. Et notre détermination peut accélérer cet avènement.