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- Des nouvelles de Dunham -

Crise de croissance autour d’un projet de développement résidentiel

Pierre Lefrançois

Les 3652 habitants de Dunham, petite ville rurale, sont plongés au cœur d’une véritable crise de croissance. En ces temps de pénurie de logements et de main d’œuvre, le conseil municipal décidait, le printemps dernier, de donner son aval à un projet de développement d’un nouveau quartier résidentiel de quelque 9 hectares visant à accueillir près de 70 nouvelles familles.

Le nouveau quartier serait érigé sur le site du vignoble Le Centaure qui a fermé ses portes cette année. L’actuel propriétaire, le vigneron Robert Boulais, désire se retirer des affaires et a reçu une offre d’achat du promoteur Stéphane Bourassa, qui a déposé son projet résidentiel au conseil municipal de Dunham l’an dernier.

Précisons que ce terrain est situé en zone blanche depuis 1978 et qu’il est, par conséquent, considéré comme lotissable à des fins résidentielles selon les recommandations de la MRC et les plans de zonage de la ville de Dunham.

Le projet déposé par le promoteur, tel que présenté aux conseillers municipaux élus l’automne dernier, comprendrait des maisons unifamiliales, des jumelés (bifamiliaux), ainsi que des constructions comprenant 3 ou 4 logements chacune. Une rue en boucle donnerait sur la route 202, un bâtiment communautaire serait érigé à l’entrée de cette rue et un parc, vaste espace vert traversé par un cours d’eau existant, longerait la rue Principale (route 213), derrière l’école primaire de la Clé-des-Champs,  jusqu’à la station d’essence/dépanneur/quincaillerie qui se trouve à l’intersection des routes 202 et 213.

Séquence des événements

Le 14 juin dernier, le conseil municipal adoptait le projet de modification règlementaire qui doit mener à l’émission des permis autorisant la mise en œuvre du projet. Les citoyens ont été invités à commenter le projet de modification règlementaire entre le 11 juillet et le 1er août. Deux autres séances d’information et de consultation publiques ont eu lieu le 21 juillet et le 8 août, séances au cours desquelles les citoyens ont pu poser des questions.

Jusque là ces initiatives de consultation ont touché relativement peu de citoyens, mais ceux et celles qui se sont manifestés ont posé des questions sur la pertinence d’une telle densification au cœur villageois de Dunham. On leur a répondu que le projet était en tous points conforme au Plan d’aménagement d’ensemble (PAE) adopté par la ville en 2019.

Le 4 octobre, les citoyens étaient convoqués à un « atelier participatif » visant à leur permettre de « partager leurs idées afin de bonifier le projet ». Environ 80 d’entre eux se sont présentés. Un consensus s’est rapidement dégagé : plutôt que de discuter de détails tels que le choix du style de fenestration ou de revêtement extérieur des futurs bâtiments, tel que proposé par le conseil, ils ont exigé des explications quant à l’importante densification de l’occupation du cœur villageois. Ils ont exprimé leurs inquiétudes quant aux effets de cette densification sur l’approvisionnement future en eau potable, sur la fluidité et la sécurité du trafic routier aux abords du nouveau quartier et sur la qualité de vie qui risque de se dégrader au village.

Bref, les autorités municipales n’ont pas pu tenir l’atelier comme ils le souhaitaient. On a dû annuler l’activité en promettant aux citoyens qu’on trouverait le moyen de répondre à leurs préoccupations… dès que possible.

Qu’est-ce qu’une densité acceptable ?

Chose qui en étonnera certains, le PAE adopté par Dunham en 2019 prévoit une densité minimale de 10 logements par hectare pour la zone qu’occupe actuellement le vignoble Le Centaure et on n’y retrouve aucune limite maximale. Le projet déposé par le promoteur comprenait 74 logements, ce qui donnait une densité de 8,17 logements/ hectare, soit un peu moins que la densité minimale exigée par le PAE. Or, par suite des inquiétudes formulées lors des précédentes séances de consultation, le conseil a demandé au promoteur de retirer 6 logements pour n’en prévoir que 68, ce qui abaisse la densité à 7,5 logements/hectare.

On peut se demander ce que les gens qui ont conçu le PAE et ceux qui l’ont adopté en 2019 avaient en tête et sur quels critères reposaient leurs décisions. Pour se faire une idée de ce que signifie une telle densité d’occupation du territoire, voyons ce qu’il en est dans d’autres secteurs résidentiels de Dunham.

Le secteur Fitchett, près de Cowansville, présente une densité de 2,86 logements/hectare. Le Domaine Beau-Rêve en compte 4,13/hectare. Les parties les plus peuplées du secteur du lac Selby atteignent les 12 logements/hectare.

Quelle campagne souhaitons-nous habiter ?

Quels que soient les critères qui ont guidé les élus de Dunham en 2019, il semble raisonnable de reconnaître que les citoyens ont un mot à dire lorsque vient le temps de prendre des décisions aussi déterminantes pour l’avenir du territoire qu’ils habitent. Quand on a choisi de vivre dans une petite ville rurale à vocation agricole et touristique, il est probable qu’on souhaite préserver un certain cachet champêtre et protéger l’intégrité écologique des écosystèmes qui font la qualité du territoire.

D’autres municipalités de la région sont confrontées à des choix de cet ordre. À Sutton, par exemple, le conseil a dû annuler des projets de développement domiciliaire quand de nombreux citoyens ont constaté que leurs puits étaient à sec. L’accès à l’eau potable est un service essentiel auquel on ne saurait renoncer. Le conseil de Dunham a bien commandé une étude pour savoir si la nappe phréatique serait suffisante, mais les résultats d’une seule étude sommaire n’offrent pas de garantie sérieuse en la matière. On comprendra facilement qu’en cette période de changements climatiques, une prudence responsable s’impose.

Que faire maintenant ?

Nous avons demandé à Florencia Saravia, qui a été élue conseillère municipale à Dunham l’automne dernier, ce qu’elle pensait de tout cela. « Quand j’ai vu la réaction des 81 citoyens présents lors de la dernière assemblée de consultation, je me suis dit qu’il aurait peut-être fallu consulter les gens plus en amont du processus », a-telle répondu. C’est d’ailleurs ce que prescrit la loi et les règlements qui gèrent la gouvernance municipale : consulter la population en amont de l’adoption de politiques de développement et de règlements pouvant en modifier l’application.

« Plusieurs citoyens ont l’impression que le conseil a mal agi, qu’on a travaillé en cachette, mais je ne crois pas que ce soit le cas », ajoute la conseillère. Elle dit penser que les personnes présentes à la table du conseil sont de bonne foi et qu’elles accepteront d’écouter la population et de répondre à leurs préoccupations. « Je souhaite que le conseil et la population ouvrent une discussion franche et honnête visant à s’entendre sur la vision du développement qu’on voudrait pour notre ville. »

Les municipalités sont des gouvernement de proximité. Il leur incombe, par conséquent, de maintenir un dialogue constructif avec leurs administrés. Ce qui se passe à Dunham est certes d’une grande importance et nous garderons l’œil ouvert.

Pour en savoir davantage :

Consultation publique du 21 juillet 202
https://www.ville.dunham.qc.ca/wp-content/uploads/Rapport-Caf%C3%A9-urbain.pdf

Consultation publique du 8 août 2022
https://www.ville.dunham.qc.ca/wp-content/uploads/Rapport-Consultation.pdf

Résumé des questions posée et des réponses fournie
https://www.ville.dunham.qc.ca/wp-content/uploads/P%C3%A9sentation-modifi%C3%A9e-par-le-conseil1-compress%C3%A9.pdf