Le projet de coopérative de santé suscite beaucoup d’intérêt. (photo : Claude Montagne)
Le mardi 26 octobre 2010 passera probablement à l’histoire des soins privés de santé dans la région de Bedford. En effet, environ 200 personnes ont répondu à l’invitation du comité provisoire pour la création d’une nouvelle coopérative de santé.
L’acceptabilité sociale du projet de créer une coopérative vouée à la santé était palpable lors de cette assemblée d’information. En dernière minute, il aura fallu rajouter une centaine de chaises devant l’afflux des personnes qui ne cessaient d’arriver au Centre Georges-Perron.
La présidente, Mme Lise Gnocchini, ouvre la rencontre par un bref rappel historique. Antérieurement, dit-elle, la population n’avait pas besoin de s’impliquer dans l’offre des soins médicaux locaux. Au fil du temps, les consultations en soirée ont cessé à la clinique médicale de la Place d’Estrie. Des médecins sont partis ailleurs et d’autres sont venus pratiquer au privé et même au CLSC.
Actuellement, il y a quatre médecins à la clinique et trois au CLSC, qui accueillent une clientèle moindre à cause des services spécifiques offerts dans le réseau public.
Mme Gnocchini précise que le comité provisoire1 est à l’œuvre depuis 21 mois. Leur volonté ferme serait d’assurer la pérennité des soins médicaux aux gens de la région, dans le respect du principe de l’universalité.
Le comité provisoire trace un compte rendu des démarches entreprises depuis lors. Deux rencontres avec les médecins de la clinique médicale. Ils auraient tous signé une lettre d’intention favorable au projet de coopérative.
La mission de la future entité sera non seulement de retenir les médecins actuels mais aussi d’en recruter de nouveaux en misant sur les atouts de notre région. Ce qui aurait été le cas, par exemple, pour attirer le Dr Peck… De leur côté, les médecins du CLSC seraient également favorables au projet, selon Mme Gnocchini.
Bref, la coopérative verrait à maximiser les conditions de travail des médecins impliqués en leur offrant un support administratif et un environnement de travail plus sympathique, dans un milieu où il fait bon vivre. À ce propos, quelques scénarios sont déjà à l’étude : l’achat de la clinique médicale de l’Estrie2 ; ou sa location, en tenant compte des rénovations à effectuer dans les deux cas ; ou la construction d’un édifice neuf sur un nouvel emplacement. Pour le moment, rien n’est exclu. Les décisions reviendront au conseil d’administration.
Le comité provisoire aurait eu aussi des rencontres avec les directions du Centre des services sociaux et de santé (CSSS), aux niveaux régional et local, avec le député Pierre Paradis, avec la Coopérative de développement régional de la Montérégie, qui conseille le comité provisoire. La Ville de Bedford et la Caisse populaire locale œuvrent aussi pour qu’une telle coopérative voet le jour et ont déjà pris des engagements financiers dans ce sens : 7 000 $ pour la Ville et 100 000 $ étalés sur les trois prochaines années, pour la Caisse Populaire de Bedford.
Mme Gnocchini rapporte aussi que le comité provisoire a visité une coopérative active à Saint-Denis-sur-Richelieu où elle y aurait acquis la clinique médicale locale avant de la rénover entièrement. À cet endroit, le concept de groupe de médecine de famille (GMF) n’existerait pas, contrairement à la clinique médicale de Bedford.
En terminant, Mme Gnocchini souhaite garder les soins à un haut niveau tout en améliorant les conditions médicales ce qui pourrait aussi permettre de garder la population en place. Il s’agit donc de créer un partenariat entre les professionnels de la santé et la communauté afin de partager l’offre des soins de santé.
Le comité provisoire est parrainé par la Corporation de développement de Bedford et région3 qui, le 27 avril, adoptait une motion d’appui pour une demande d’aide au Fonds de développement régional, lequel pourrait être versé à la coopérative.
La période de questions
Durant la période de questions, nous avons appris que les dossiers entre le CLSC et la clinique médicale ne se transfèrent pas… Et que la coopérative en puissance n’aurait aucun droit de regard sur les dossiers médicaux, ceux-ci étant toujours gérés confidentiellement par un médecin, même dans les cas de transfert.
En outre, les municipalités n’auraient aucune reconnaissance de membre, ce qui ne les empêcherait pas de subventionner la coopérative.
Deux catégories de membres sont prévues. Prenons l’exemple du couple avec des enfants : seuls les parents cotiseraient, à raison de 70 $ chacun. Pour ce qui est du membre social, il lui en coûterait 100 $ par part avec possibilité de dons additionnels ne donnant aucun privilège supplémentaire. Le conseil d’administration élu compterait sept membres dont deux seraient des membres de soutien.
La pharmacienne Maryse Lorrain croit que, collectivement, la population n’a pas le choix pour assurer la pérennité des soins médicaux face aux départs éventuels à la retraite des médecins. Elle affirme que son équipe serait ouverte à une entente entre professionnels pour les ordonnances sans consultation, entres autres…
M. Michel Asselin, retraité de la direction du CLSC, affirme lui aussi que la population n’a pas le choix de se donner cette coopérative, compte tenu de la complexité des structures des services de santé en place. « Il faut, dit-il, se redonner un pouvoir, un leadership pour l’avenir qui agirait même dans le projet médical du CLSC. Pourquoi est-il plus facile de recruter des médecins à Sutton ?L’avenir va probablement passer par vous autres (la coopérative)… »
M. Claude Frenière, directeur de la Caisse populaire et membre du conseil provisoire, insiste pour dire que la coopérative travaillera pour toute la collectivité et pas seulement pour les membres. Il insiste sur le mot « solidarité », en précisant que la caisse offre aussi des services à des non-membres.
Suite à la rencontre, j’ai rejoint Mme Lise Gnocchini qui me dit que les médecins de la clinique se sont abstenus d’intervenir afin de permettre aux gens de s’exprimer librement. De plus, elle m’informe que le Dr Alain Messier faisait partie, au début, du comité provisoire mais qu’il s’est retiré pour ne pas être en conflit d’intérêts, étant l’un des propriétaires actuels de l’édifice où loge la clinique. Mme Gnocchini est la sœur de ce dernier et elle a répondu sans hésitation à toutes mes questions. Avant sa retraite, elle exerçait comme infirmière et, depuis de nombreuses années, elle milite pour le maintien des services de santé dans la région. Elle a participé activement, entre autres, au Comité de survie, qui a précédé le comité provisoire actuel. Ce comité a déjà lutté pour le maintien de la radiologie au CLSC de Bedford.
Conclusion
Au moment de la parution de ce numéro, il se peut que la coopérative soit déjà sur pied. Elle verra à assurer, dit-on, des services de proximité et de qualité dans le domaine de la santé, qui répondront aux besoins de ses membres tout en tenant compte du principe d’universalité. On verra si l’acceptabilité sociale sera cette fois au rendez-vous…
La coopérative de solidarité
Dans les formes de coopératives existantes, les membres doivent appartenir à une même catégorie : consommateurs, producteurs ou travailleurs. Dans une coopérative de solidarité, plusieurs catégories de membres peuvent être réunies. Ainsi, travailleurs, utilisateurs et les autres personnes ou sociétés ayant un intérêt commun peuvent s’unir pour satisfaire leurs besoins et aspirations.
La coopérative de solidarité favorise la mobilisation des communautés locales pour la satisfaction de besoins collectifs, contribue à la création d’emplois dans les milieux aux prises avec l’exode des jeunes et encourage la participation de tous les intervenants du milieu, laquelle permet à l’entreprise de bien s’ancrer dans la collectivité.
Les coopératives de solidarité sont présentes, notamment, dans les services à domicile, les services professionnels et aux entreprises, l’environnement et le développement durable, et les services de proximité (épiceries, postes d’essence, restaurants, etc.).
1 Comité provisoire de la coopérative en puissance : Lise Gnocchini, Claude Frenière, Michel Saint-Louis, Johanne Nadon, Carmen Gagné, Lucie Gaudreau, ainsi que Martine Groulx et Madeleine Lemieux, qui étaient absentes lors de la rencontre.
2 La clinique médicale de l’Estrie a été inaugurée le 3 février 1963 à la Place d’Estrie en tant que centre médical et professionnel. L’édifice est la propriété de la Compagnie immobilière de l’Estrie dont les propriétaires actuels seraient Me François Lévesque, le Dr Alain Messier ainsi que Lise et Pierre Jarest, héritiers de la succession Jarest.
3 La Corporation de développement Bedford et région : Serge Therrien, président ; Marc Vallée, vice-président ; Gilles Rioux, secrétaire-trésorier. Les administrateurs sont Mona Beaulac, Alain Lacoste, André Pion, Albert Santerre, Gilles Saint-Jean et Claude Dubois.