Crédit : Marjolaine B.
Dans le pôle de Bedford, les élus et les citoyens se mobilisent et se donnent un plan stratégique pour combattre les pertes de population et de services qui nous frappent depuis des années. En un mot, combattre la dévitalisation. La lutte sera dure et longue. Si on devait vivre des moments de découragement, l’exemple des autres qui réussissent devrait nous soutenir. La MRC de la Matapédia est l’un de ces exemples stimulants.
Descente dans les limbes
De 2002 à 2017, la Matapédia a fait face à une dévitalisation importante. Un chiffre illustre clairement la descente aux limbes : entre ces deux années, la population de la MRC est passée de 20 000 personnes à 17 800, et la tendance ne donnait aucun signe d’essoufflement.
Pire encore, les services de santé essentiels comme ceux qu’offrait l’hôpital d’Amqui, bloc opératoire, obstétrique etc., allaient disparaître. En effet, en 2015, le ministère de la Santé, sous Gaétan Barrette, a vu dans le recul de la population une occasion en or de faire des économies.
Le ministère a donc annoncé que ces services seraient déplacés à Rimouski, à 103 kilomètres de là, tandis que les cadres, jusque-là sur place et disponibles aux opinions des élus, suivraient cet exode.
Ras-le-bol !
Du coup, la population et les élus régionaux, qui cherchaient déjà des moyens de contrer la dévitalisation, sont montés aux barricades. « Il n’y avait qu’un moyen efficace de résister et c’était que les citoyens eux-mêmes, les électeurs, expriment haut et fort leur ras-le-bol, se souvient Michel Mc Nicoll, ex-maire de Saint-Léon-le-Grand. Avec le soutien financier de la MRC, on a organisé le Forum sur la santé et on y a réuni 250 citoyens et citoyennes. Il est évident qu’on venait de changer le rapport de force. »
Chantale Lavoie est préfète de la MRC depuis 2009. Elle aussi voit dans ce comité de citoyens un levier politique inestimable. « Les élus, ça n’impressionne pas nécessairement le ministre. Mais un comité d’électeurs, c’est une force véritable. »
Résultat : les services sont restés à Amqui.
Freiner la dévitalisation et remonter des limbes
À Amqui et dans toute la vallée de la Matapédia, on s’est donné un plan global qui s’applique dans 18 municipalités et une centaine d’organismes et d’entreprises. C’est l’Écoterritoire habité de la Matapédia.
« Ça fonctionne depuis à peu près 10 ans et ça dispose d’un fonds de 5 millions de dollars pour la période des 5 prochaines années, explique Chantale Lavoie. L’argent est versé par le ministère des Affaires Municipales et de l’Habitation. Nous avons embauché une personne spécialisée en attractivité, pour ramener les jeunes chez nous. On s’est aussi donné une agente touristique. On a une ressource culturelle et patrimoniale (avec un fonds de 40 000 $) et un service d’incendie régional. Bref, on peut dire que la MRC fonctionne comme une coopérative de services. »
Sans compter la trousse d’accueil pour nouveaux arrivants, les jardins intérieurs, les efforts pour exploiter la forêt de façon durable (d’où le mot Écoterritoire), etc. Tout cela a permis de freiner de façon spectaculaire la déperdition de population. De 2017 à 2020, celle-ci est restée à peu près stable. « Pour la même période, affirme la préfète Lavoie, on a un bilan migratoire positif. »
Miracle ? Non. L’action concertée et la vaste mobilisation populaire ont fait le travail. Voilà un mode d’emploi pour sortir des limbes.
Cette approche peut s’appliquer chez nous également, par exemple, pour contrer l’expulsion des résidents des Villas des Rivières. Comme le dit si bien Chantale Lavoie, les élus tout seuls ça n’a jamais autant de pouvoir que les élus appuyés par la population.