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Claude Beaugrand, peintre sonore

Édouard Faribault

Claude Beaugrand  (Photo : Édouard Faribault)

Le nom de Claude Beaugrand ne vous dit peut-être rien, mais je suis convaincu que vous avez déjà entendu son travail. Depuis plus de trente ans, il fait de la prise de son, du montage sonore et du mixage de films et de vidéos, et, présentement, surtout de la conception de bandes sonores. Il a collaboré à tellement de films documentaires et de dramatiques que j’ai l’impression qu’il a travaillé avec les trois quarts des réalisateurs répe1toriés dans le dictionnaire du cinéma québécois.

« Je suis né en 1949 à Acton-Yale, une petite ville située près de Saint-Hyacinthe. Mon père travaillait dans une usine de caoutchouc comme contremaître. Une famille typique de ces années-là. J’ai toujours été attiré par la musique, la lecture, le cinéma … J’ai commencé des études classiques, vite abandonnées pour la route (c’était l’époque !). Mais j’ai quand même participé à quelques films étudiants. Puis, à Montréal, j’ai travaillé comme homme à tout faire dans la boîte de production d’Arthur Lamothe, réalisateur du film Le mépris n’aura qu’un temps, un classique du cinéma militant des années 70. Petit à petit, j’en suis venu à faire de la prise de son. C’est également à cette période que des jeunes cinéastes ont fondé une coopérative. J’y ai travaillé et y ai perfectionné mon métier. Et il y a eu la rencontre avec Pierre Perrault et Bernard Gasselin qui m’ont entraîné dans la saga de leurs films sur l’Abitibi et la Côte Nord, Un royaume vous attend, Gens d’Abitibi, Le pays de la terre sans arbre ou le Mouchouânipi. C’était parti. J’ai travaillé à l’ONF pendant des années en tant que pigiste. Ce qui m’a amené à voyager Japon, Cambodge, Vietnam, Beyrouth, Éthiopie, Érythrée, Rwanda … sans compter l’Europe et l’Amérique du nord pour la série sur la musique traditionnelle d’André G1adu et Michel Brault, Le son des Français d’Amérique ».

À l’occasion de ses nombreux tournages et voyages un peu partout au Québec et autour- du monde, Claude a toujours pris plaisir à enregistrer du son. Tout d’abord avec sa Nagra, un appareil d’enregistrement mythique, puis avec un DAT, numérique celui-là, il est toujours prêt à capter une ambiance de lever de soleil brumeux ou le sifflement d’une fenêtre mal isolée un jour d’hiver glacial ou encore le grincement d’une vieille porte. Si vous voulez lui faire plaisir, offrez-lui des sons de cloches d’église ou de portes de prison. Sa sonothèque ne sera jamais assez riche à son goût.  Mais à force de faire de la prise de son, il a senti le besoin de pousser l’exercice plus loin. Dans le processus de fabrication d’un film, il y a la scénarisation, le tournage et le montage des images et du son. Les monteurs donnent la priorité au rythme du film, à l’image, au contenu. On néglige parfois l’aspect sonore du film et on laisse de côté les ambiances et les effets sonores que l’ingénieur du son a enregistrés. C’est à ce moment que commence ce qu’on appelle la post production sonore.

« Alors, j’ai développé mon métier de monteur sonore. J’utilise les sons comme des couleurs. Je fabrique des ambiances, des paysages et des décors sonores. J’essaie de créer des moments de vérité et d’émotions capables de rendre le film encore plus fort, plus intense. La création sonore enrichit un film un peu comme le fait la musique. »

Le métier de concepteur sonore n’est pas facile à expliquer. Prenons un exemple : la trame sonore du film Maurice Richard. Dans une scène, le Rocket fonce vers le but adverse. Le comédien Roy Dupuis patine réellement, bien entendu, mais voici ce que Claude a ajouté : premièrement, un bruiteur en studio frappe sur un bloc de glace avec des patins pour recréer l’impact ; deuxièmement, Claude a superposé à ce bruit le son d’un jet de vapeur pour accentuer l’impression de glissement, en plus d’un son métallique de couteaux qui s’entrechoquent. Ce qui s’entend à peu près ainsi à chaque coup de patin : sloooock, vreushhhh, stclinkkkkkkk. Résultat : une impression de force, de puissance et de légèreté. Maurice Richard en ressort plus rapide et plus déterminé. Mais tout ça a demandé de très longues heures de travail en studio.

Le travail de Claude rehausse  donc les intentions du scénario, du réalisateur, des personnages et de l’histoire. C’est une création de feelings et d’émotions invisibles faite à partir de glissements de tiroirs, d’horloges, de frissons, de soupirs et de battements de cœur qui nous font dire : Maudit que c’est un bon film !

« J’ai travaillé sur plusieurs films de fiction :

Eldorado, Un homme et son péché, Maurice Richard et Le piège américain de Charles Binamé, Les matins infidèles et Histoires d’hiver de François Bouvier, Trois pommes à côté du sommeil, La vie fantôme et L’âge de braise de Jacques Leduc, Silk de François Girard. Lost and Delirious  et  Ma mère est chez le coiffeur de Léa Pool… et sur des centaines de documentaires engagés : A force de rêve et Le roi du drum  de  Serge Giguère, Passifiora et De la tourbe et du restant de Fernand Bélanger, Voyage en Amérique avec un cheval emprunté et Notre-dame des chevaux de Jean Chabot… et quelques séries télé : Un homme mort, La Galère…   »

« C’est même le son qui m’a amené dans le coin ! Je travaillais avec Christian Marcotte, j’ai pris le goût à la région et je m’y suis établi. Mais j’avais peut-être ce pays dans le sang puisque ma mère nous racontait qu’enfant elle avait demeuré quelques mois chez sa grand-mère, sur le chemin Saint-Armand, une dame Brault ! Et souvent, à l’automne, c’est vers Saint-Armand que nous menait le tour de char du dimanche après-midi quand on allait aux pommes. »

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