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Churchill en Missisquoi

Charles Lussier, avec la collaboration Pierre Lefrancois

Churchill et la R.A.F. Archives du Paris Match (1965)

Il y a plus de soixante-dix ans, le temps du passage d’un train en provenance de Québec, un des hommes les plus importants de la planète traversa Missisquoi.

À cette époque, dans le comté de Missisquoi, c’est à DesRivières Station, Stanbridge-Station et Saint-Armand Station, qu’on pouvait prendre le Washingtonian, le train rapide reliant Montréal à Washington. Il passait tous les jours.

Début septembre 1943, John Henry Hanigan, chef de gare de la Station Des Rivières, qui se trouvait au sud-ouest de la municipalité de Notre-Dame-de-Stanbridge, reçut une communication confidentielle de la direction des chemins de fer du Central Vermont Railways concernant la venue d’un convoi. Il ne pouvait même pas en parler à sa femme et à ses enfants. Ces trains passèrent sans s’arrêter.

À la tombée du jour, Monsieur Roland Messier, producteur agricole, revenait de presser quinze à vingt tonnes de foin sur la terre d’Arthur Gamache à Pike River. N’ayant pas de voiture ce soir-là, il rentrait vers chez lui à pied, avec son frère Lucien Messier (qui fut maire de Stanbridge Station pendant plus de 60 ans), en prenant le pont DesRivières qui enjambe la Rivière aux Brochets au sud du rang Saint-Charles. Alors qu’ils arrivaient près du pont, M. Bélisle, un employé des chemins de fer, leur interdit le passage sachant qu’un train approchait.  Après une brève discussion, les connaissant, l’homme leur dit de traverser rapidement et de s’effacer dans le paysage. Un premier train armé arriva en éclaireur. Puis, quelques instants plus tard, les deux frères, qui étaient assis dans le fossé le long du chemin de fer, virent un deuxième train s’approcher lentement. Quand il passa à leur niveau, ils constatèrent que ce train était ceinturé, à l’extérieur, de nombreux soldats armés. À l’intérieur, ils purent voir Churchill, debout, éclairé par les lumières de la pièce du wagon. Un troisième train passa, fermant le convoi.

Winston Churchill au centre, le général Charles de Gaulle, à sa gauche. Archives du Paris Match (1965)

En 1943, le monde est au paroxysme de la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945), un des plus grands conflits de l’histoire de l’humanité. Cette année-là, du 15 au 24 août 1943, la ville de Québec est l’hôte d’une opération secrète : la Première Conférence de Québec, (nom de code QUADRANT). Le premier ministre du Canada, William Lyon Mackenzie King, reçoit au Château Frontenac le premier ministre de Grande-Bretagne, Winston Churchill et le président des États-Unis d’Amérique,  Franklin D. Roosevelt. Plusieurs généraux et hauts gradés des différents corps militaires y sont présents afin de décider des stratégies à prendre pour freiner les avancées du Führer, Hitler le fou.

Au cours de ce sommet, le plan de débarquement de Normandie par les Alliés (Opération Overlord) est arrêté et la décision est prise de confier le commandement de l’opération à un général américain, le général Dwight Eisenhower. Dans ce ballet de rencontres et de conférences, Churchill est au centre du conflit. C’est lui qui veille sur l’Angleterre menacée. Londres et les autres villes sont bombardées constamment. Pour Hitler, l’Albion est la prochaine étape hautement stratégique vers l’Ouest, avant l’Amérique.

Spencer Winston Churchill est né le 30 novembre 1874, dans la plus modeste des 320 pièces du château de Bleinheim. Il est le fils de lord Randolph Churchill, lui-même fils du septième duc de Marlborough. Sa mère est une roturière américaine du nom de Jeannette Jérôme, qu’on nomma « la Panthère noire ». Dans sa jeunesse, Churchill, le raté de la noblesse anglaise, est rétrogradé comme journaliste aventurier et se met à couvrir des guerres parfois marginales (Boers, Cuba). À 26 ans, il est député d’Oldham, puis c’est l’ascension jusqu’au titre de Premier Lord de l’Amirauté de la Flotte anglaise, qu’il obtient en 1911. D’échecs en coups de génie, il se retire durant les années 1920, puis reprend le commandement de la Flotte anglaise, pour enfin devenir Premier ministre de la Grande Bretagne. Durant la Deuxième Guerre, il travaille 120 heures par semaine et habite son bunker à Londres, vêtu de sa robe de chambre excentrique, dormant sur un lit de camp lorsqu’il  cesse, durant  quelques  heures, de manier ses 18 téléphones, dont un est en lien direct avec Buckingham Palace. Il a été marié, durant 54 ans, à Clémentine Hozier, fille d’un colonel. Il fut heureux toute sa vie avec elle. Il a servi et a été lié, « pour le meilleur et pour le pire », à six souverains et souveraines anglais, dont la reine Victoria.

Celui qui résista sans relâche aux Nazis (avec sa Royal Air Force, la R.A.F. et sa marine, il accueillit en son île les alliés, mais aussi Albert Einstein,) vint ainsi à Québec afin de préparer, avec MacKenzie King et Roosevelt, le grand assaut qui avait pour but de rejoindre Staline, un autre dictateur fou, et ses armées soviétiques, sur le front Est. En France seulement, c’est plus de trois millions d’hommes et de femmes qui seront alors déployés. Après ce sommet, et avant de gagner Washington pour rentrer à Londres, Churchill eut une série de rencontres et alla chasser dans la région de Québec.

Aujourd’hui, les trains ont pratiquement disparu de nos vies ou ne sont que peu utilisés pour nos transports en Amérique du Nord, et les locomotives comme Churchill se font de plus en plus rares !

Mes remerciements chaleureux à Monsieur Roland Messier, de Stanbridge Station, et à Monsieur Norman Hanigan (fils de John Henry, chef de gare à DesRivières station), de Notre-Dame-de-Stanbridge, pour leurs communications.

Sources : Wikipédia, l’encyclopédie gratuite

Paris Match. 30 janvier 1965.  Hommage à un géant Churchill. 102 p.