Annonce
Annonce

Christian Marcotte in mémoriam

Fin été 1976. Christian s’amène chez moi sur Picouille, son mythique cheval, et l’installe dans l’ancienne porcherie derrière ma maison. Raison de sa venue : agir comme assistant-monteur du long métrage que je viens de tourner en France, Le vieux pays où Rimbaud est mort. Déjà habile monteur lui-même, à l’instar de sa mère Claire, il a accepté ma proposition pour le plaisir de travailler, bien sûr, mais surtout de le faire à la campagne. Car il a un rêve : quitter la ville et s’installer en Armandie, ce qu’il fera plus tard à La Colline aux pigeons. Et planter de l’ail. Beaucoup d’ail. Si bien qu’il n’y a plus de vampires dans le milieu du cinéma.

Si la persévérance a un nom, c’est bien le sien. La générosité également.

Salut et merci, très cher Christian.

Jean Pierre Lefebvre, Saint-Armand

La Récolte de l’ail chez Christian Marcotte, petite vidéo tournée par Jean Pierre en 2014.


Journée de deuil

Je t’imagine droit vers la mort. Plus de derniers mots, fini le rire tonitruant pour se faire croire que l’on y croit encore. Simplement plus le choix de dire des mots ou de se cacher les yeux de la main pour avancer sans voir. Les quelques heures pour abréger les souffrances.

Face à la vie, chacun se développe comme il peut. Certains font une petite boule sur eux-mêmes et leur univers s’éteint au-delà de leurs maisons.

Pas de cloisons pour toi, et ton rire qui traverse les champs jusqu’à faire sourire l’Amérique. Un corps reste un corps, et au fond, on se dit des années plus tard, qu’il y en a eu tant d’autres. Une âme, ça prend un peu plus de temps une âme, à s’effacer, à s’atténuer, et puis au fond, il y en a tant d’autres aussi. Mais un Homme c’est tout sauf lui-même, c’est tout sauf son corps et son âme. Un Homme, c’est son parfum quand il n’est pas là, c’est ce qui rayonne malgré lui. C’est la manière dont il s’est propagé, un Homme. Ce qu’il a fait naître autour, un Homme qui s’en va, c’est lui et son écosystème. Ton écosystème à toi, la cueillette d’ail bien sûr, les anciens et les nouveaux du cinéma québécois, les nouveaux agriculteurs de tous genres, de nouveaux rêves de vie… une jeunesse qui gravite autour de toi, et la ferme posée au milieu, sur la colline aux pigeons. Voilà ton écosystème.

En apprenant ça avec ce grand océan qui nous sépare et m’a toujours séparée, voilà ce que je me dis, être à la hauteur de l’écosystème de joie, d’envies, et d’actes que tu as déployé. Voilà ce que je me dis, pour moi, qui me reste. Être à la hauteur.

Clara Petazzoni, Montpellier


J’arrive de Paris, je me laisse prendre doucement par l’atmosphère de Pigeon Hill, jouissant de ce qui me rend si délicieusement serein : le plaisir d’être enveloppé dans la beauté paisible d’une nature harmonieuse. [Et puis] je me retrouve autour d’une grande table, invité avec les autres, comme une évidence, à trier l’ail qui vient d’être récolté. Je ne connais personne, [sauf l’amie québécoise qui m’a amené ici], mais les éclats de voix, les rires me donnent l’illusion que je connais tout le monde depuis longtemps. Christian Marcotte est là au milieu de nous tous. Il irradie avec ce que je perçois immédiatement comme un rapport à la vie qui est celui que je recherche éperdument.

Ce ne fut qu’un instant.

J’écris, je voyage, je prononce des conférences, j’assume une vie sociale intense… Mais le souvenir de ce précieux instant d’une authentique humanité simple ne me quitte jamais.

Jacques Commaille, Paris


Il y a 45 ans, Christian nouvellement arrivé dans le voisinage est venu chez nous acheter du foin pour son cheval Picouille. Ce voisin est devenu mon ami, mon élève, mon presque frère. Il aimait la vie simple de la terre, les animaux, le bois, il voulait apprendre le travail de fermier, il rêvait de vivre de l’agriculture.

Poules, lapins, chèvres, jardinage, le tout entrecoupé de retours en ville pour gagner sa vie, finalement il devient agriculteur à temps plein. Fier de l’être, peu importent les longues heures et les efforts. À force de sacrifices et de ténacité, il atteint son but et se dit heureux.

Un jour que nous partagions une corvée ou une autre, Christian m’accompagne chez Lloyd Martin pour aider à un vêlage difficile. Ce fut la première fois qu’il mit les pieds sur sa future terre. Fidèle à Pigeon Hill, quand je lui appris plus tard que cette ferme était à vendre, il s’empressa de faire les démarches nécessaires pour l’acquérir et s’établir définitivement en production d’ail.

Ça prend plus qu’une carte de producteur pour être cultivateur, ça prend du Cœur, et tu en avais beaucoup mon ami.

Au revoir Christian.

Clément Chalifoux, Stanbridge East


Lorsque je t’ai vu la toute première fois, tu venais me rencontrer chez moi pour me demander de faire un échange de commerce ; t’avais l’air d’un bon gars avec ton chapeau marin et ta barbe rousse.  J’ai accepté ta proposition et au cours de nos rencontres, à ton contact, j’ai plusieurs fois eu l’occasion de rire et de déconner…que du plaisir. Merci Christian.

À chaque été le cœur de Pigeon Hill s’activait avec l’arrivée de gens sympathiques qui venaient de partout pour cueillir ton fameux ail biologique. Avec toi on célébrait la Thanksgiving en juillet ; bravo Christian pour ce don de rassembler !

Merci pour ton amitié et ton honnêteté. Te savoir malade me peinait beaucoup mais maintenant que tu es libéré de toutes tes souffrances, j’espère que là où tu te trouves, tu puisses encore rire et partager.

Merci mon chum, je ne t’oublierai jamais !

Andrée Dubé, Saint-Armand


Il est parti LE Christian de Pigeon Hill, du cinéma et de l’ail ? Celui qui en guise de bizutage d’arrivée au Québec dans les années 1990 m’avait accueillie en parlant une langue à laquelle je ne comprenais rien : le joual ! Une grande surprise et une belle découverte pour la « maudite Française » que je suis. Les différentes rencontres que nous avons pu faire avec Christian lors de nos escapades au Québec ne nous ont jamais laissés indifférents : rires, sourires, cocasseries […] Sa mort doit faire un effet terrible à tous ceux qui l’ont fréquenté.

France Ferrieux, Paris


Quand enfin point le jour du plus doux des voyages, ton cœur ouvre son livre.

Tu tournes la première page, blanche comme un dimanche de première neige. Joyeux et puceau. Remerciant ton corps de t’avoir tant servi et de t’avoir choisi, tu quittes ton champ.

Ton âme, léger voile dansé, effleure nos joues. Nous pleurons à genoux ton rire en cascade qui dévale et remonte le courant de tes émotions blotties au creux de ta gorge parée de perles blasphématoires.

À la deuxième page, ton sourire et ton nom s’entêtent et te regardent, clin d’œil du dernier « expir ». Tu savoures l’élixir de la renaissance, le petit lait de Cassiopée, lissant les ailes de ton ange.

Sur tes bras en croix, les pigeons de la colline se prennent pour des rossignols. Ton short toutes saisons bat au vent, fier, intemporel, hissé comme un fanion au-dessus de ta mémoire. Il dévoile tes cuisses de bûcheron, ta colère, ton acharnement, ta vulnérabilité, ta méticulosité et ta sensualité.

La troisième page est transparente. Nous attendons, assis en tailleur, serrés les uns contre les autres, vieux enfants attentifs et sages, l’émergence de ton conte. C’est un conte à rebours, à remous, plein d’amour. Un conte que tu racontes à l’envers, la fin est au début et le début à la fin. Tu en comprends le sens, tu perçois ceux qui balisent le sentier de tes phrases, gomment tes écarts, soulignent tes belles intentions, tes clairières ensemencées dont les fleurs d’ail s’ouvriront en juin. Tu vois et comprends ton histoire. Tu en connais la chute.

Tu as gagné Christian. Gagné, parce que tu as vécu, Et que tu passes, joli et léger, le pont au-dessus de ta chute.

Brigitte Lecours, Pigeon Hill


Son rire sonore et sa verve soutenue, qui se conjuguaient pour élaborer son projet visionnaire d’établir ici même une culture d’ail biologique, participative et communautaire, laisseront dans nos cœurs une marque profonde, un repère lumineux.

Christian sera celui qui aura ouvert notre conscience à la terre, tout en rappelant par sa pratique la richesse de l’esprit d’échange et la magnifique ferveur de l’entraide.

Merci Vieux Bouc et bon vent !

Charles Binamé, Saint-Armand


« La première fois que je suis entré dans une salle de montage, j’étais allé voir ma mère [Claire Boyer] sur le film WOW ! [du réalisateur Claude Jutra]. J’avais 15-16 ans. C’était vers 1968. J’étais pensionnaire au Séminaire de Sainte-Thérèse », racontait Christian il y a quelques semaines. Quelques années plus tard, il obtenait un premier contrat à la synchronisation à l’ONF.

C’est par le cinéma (Passiflora) que nous avons fait la connaissance de Christian. C’était en 1985, à son retour dans le milieu du cinéma, qu’il avait déjà quitté pour la campagne juste avant les Jeux Olympiques de 1976. « Je pouvais m’imaginer vivre en ville pendant cette folie-là », disait-il.

Nous venions de rencontrer un « semblable ». Ce fut le début d’une longue collaboration et d’une grande amitié. Son sens de l’humour, sa patience, sa générosité, contribuaient à rendre agréable l’atmosphère de travail. Les corridors de l’Office National du Film (ONF) résonnent encore de son rire tonitruant, nous a-t-on dit récemment.

Christian fut d’abord assistant-monteur. Sa débrouillardise, son côté minutieux, perfectionniste et responsable ont fait qu’il a rapidement franchi les étapes qui l’ont mené au montage image. À l’époque, il a travaillé avec plusieurs cinéastes dont Denis Chouinard, Ève Lamont, Anne Ardouin, Robert Favreau, Philippe Lavalette, Carole Laganière, Manon Barbeau. Mais, c’est sa collaboration avec Gilles Carle sur La Guêpe, suivi de Vive Québec, Le Diable d’Amérique, La Postière qui est demeurée marquante dans sa carrière. Il fallait l’entendre raconter Carle… Une grande complicité !

Il allait nous faire connaître sa région et dénicher notre chez-nous.

Christian n’avait jamais quitté la région et était toujours partagé entre sa passion pour le cinéma et son amour pour la terre et surtout pour les terriens.

Avec les années, il s’éloigna peu à peu du cinéma pour travailler la terre. La terre comme lieu d’exploration, de développement, de rassemblement et de partage. Il aimait le monde et le monde le reconnaissait comme un être intègre qui ne se gênait pas pour rêver l’utopie. Il voulait améliorer ce monde, il a commencé dans son petit coin, sur sa terre… et à voir l’amour que les gens lui portent aujourd’hui, il a réussi.

Francine Poirier et Claude Beaugrand, Canton-de-Bedford


Christian

Je devais avoir douze ou treize ans. Lui, quelques années de moins. Je ne savais même pas qu’il s’appelait Christian. Pour moi, il était « Boyer-Marcotte », un ami improbable d’un de mes six frères, celui qui n’avait pas d’ami justement, qui ne se liait à personne (et qui a finalement été affublé du diagnostic de schizophrène).

Cette amitié en dit beaucoup sur Christian, sur les liens naturels qu’il arrivait à créer et à nourrir, sans aucune autre prétention que le partage d’une aventure humaine sur des chemins non balisés.

Je l’ai revu à Pigeon Hill, en 1977. Ou était-ce 1976 ? Nous avions la vingtaine. Il était cette fois l’amoureux de Rosie avec qui je me liais d’amitié. Nous étions tous à des points de bascule de nos vies respectives, traversant notre lot de turbulences. En toute « intranquillité ». Il élevait chez elle des chèvres dont ils tiraient du caillé et des fromages inoubliables. Nous visions tous l’ailleurs et l’autrement. Il n’y a jamais dérogé, transformant éventuellement de pénibles travaux des champs en événements festifs incontournables et ressourçants. Merci, Christian.

Danielle Dansereau, Frelighsburg


Il y avait Christian le « trippeux de son » avec qui j’ai travaillé sur le film Passiflora, [coréalisé avec Fernand Bélanger]. C’était un film irrévérencieux sur la visite presque simultanée du Pape Jean-Paul II et de Michael Jackson, produit par l’Office National du Film. Les contraintes de tournage étaient énormes, le son direct inutilisable. Il a donc fallu reconstruire notre propre bande sonore […] Et Christian, s’y est attaqué avec sa passion et sa minutie habituelles, construisant avec la complicité de Claude Beaugrand une bande sonore ludique, provocatrice. Le mixage du son aura lieu en stéréo Dolby une première à l’époque pour un film documentaire, et le mixeur Hans Peter Strobl, venait souvent faire un tour dans la salle de montage, impatient de commencer son travail.

Il y avait aussi Christian le « trippeux » de ski. Nous avons souvent skié ensemble, parfois avec sa sœur Véronique. Christian dévalait les pentes en une multitude de petits virages serrés, c’était son style. Et rien ne nous empêchait de nous adonner à notre passion à Sutton, les moins 35 ˚C ne nous faisaient pas peur, il fallait seulement surveiller nos joues pour qu’elles ne deviennent pas blanches. […] La seule fois où j’ai vu Christian hésiter, c’était à White Face devant le départ abrupt de la pente. Il avait le vertige, mais néanmoins il y est allé, comme toujours !

Dagmar Teufel, Saint-Bernard de Lacolle


Au revoir Christian,

Christian, un homme vivant au rythme de la nature, un visionnaire qui, à force de travail, redonna vie à une ferme ancestrale de laquelle il récolta dans le respect d’une agriculture traditionnelle axée sur l’écoresponsabilité. Grâce à Christian et à son amour de la campagne, la petite ferme de Pigeon Hill, et son fameux ail, devint un pôle d’attraction, un lieu de rencontre pour les amoureux de la nature de tous milieux ; qu’ils soient artistes ou professionnels, citadins ou simples voisins, chacun venait y puiser une énergie propre au passé et riche d’un avenir prometteur.

        Merci Christian

Luce Fontaine et Jean-Pierre Bergeron Saint-Armand


À mon fils qui, alors petit, m’avait demandé : « Maman, pourquoi on va aider Christian à cueillir son ail ? », j’avais répondu : « Parce qu’il est notre ami et il ne peut pas tout cueillir tout seul ». C’était juste, mais j’ai bien vu à l’air sceptique de mon garçon que c’était un peu mince comme argument. J’aurais pu tenter une réponse plus élaborée : « Mon chou, l’ail de Christian est le plus plantureux et le plus savoureux que j’aie jamais goûté. Il est cultivé avec amour selon les règles de la culture bio et il se garde pendant un an. Et ça me touche de voir des gens venus de divers horizons travailler pendant des heures au soleil dans une atmosphère zen à un but qui n’est pas le leur mais qu’ils savent utile et important. J’ai l’impression qu’on se réunit tous pour poser un geste qui a du sens et dans nos vies de fou, c’est pas souvent que ça arrive. » Et là, devant le visage ahuri de mon garçon, il m’aurait fallu trouver mieux…et aller à l‘essentiel. « Mon cœur, on va aider Christian parce que c’est magique. Je ne peux pas t’expliquer mais c‘est comme ça : la journée de la cueillette d’ail chez Christian est toujours magique. »

Anne Lecours, Sutton, Extrait de l’article L’ail et le vieux bouc publié dans le Le Missiskoui, en juillet 2018


Impatient il tape du pied. Sa botte cloutée fait bang bang sur le plancher. Il cherche depuis des jours : impossible de trouver une pièce de remplacement pour son vieux tracteur de 1950. S’Il n’a pas son tracteur il ne pourra pas labourer, s’il ne laboure pas, il ne pourra pas semer de l’engrais vert dans le champ du haut, si le champ du haut ne produit pas de sarrasin, la chaine de rotation de ses cultures est perturbée pour cette année et pour des années à venir. Il tape du pied et sa botte cloutée fait bang bang sur le plancher.

Les fonctionnaires des ministères d’agriculture prennent des décisions illogiques assis sur leur cul devant leurs ordinateurs au lieu d’avoir les deux pieds dans le fumier comme il se devrait. Il pleut trop, il ne pleut pas assez. « Comprends-tu ? ». Il n’en peut plus des incompétents, des ti-jos connaissants, de ceux qui manquent de bon sens ordinaire, juste de simple bon sens. Il tape du pied.

C’est un vieux garçon malcommode. Ses outils, les gros comme les petits, sont rangés de façon obsessive, il ne les prête pas aux gens de la ville. « Les gens de la ville n’ont pas de bon sens ».

Il rit. C’est une explosion de joie qui vient du fond de son cœur.

Il ouvre sa porte au monde entier. Il organise des fêtes d’anniversaire mémorables. Il prépare des pâtes bourrées d’ail, des sandwichs aux tomates qui débordent de basilic, des méchouis inoubliables. Sa maison est une plaque tournante et ça le rend heureux.

On l’aime. Personne n’a autant d’amis que le Vieux Bouc qui tape du pied. Facebook en est jaloux.

Il n’a jamais triché, il n’a jamais fait semblant. Il est intègre. Il ne fait rien pour l’apparence. C’est un pur, un authentique.

C’est Christian-le-vrai.

Josée Beaudet, Pigeon Hill


Christian est arrivé comme un cow-boy dans notre région sur son cheval Picouille. Il a partagé ma vie pendant quelques années dans cette période très hippie ! Et ensemble nous avons fait toutes les expériences possibles en tant que néophytes dans l’élevage de deux moutons, de quelques chèvres, d’un cochon prénommé Cacahuète. Nous étions aidés par les conseils judicieux de Clément Chalifoux, notre voisin. La fabrication du fromage de chèvre… quelle expérience ! Il y avait des fromages frais de partout dans la cuisine qui s’égouttaient tranquillement. Christian était un paysan dans l’âme et heureusement il a pu réaliser son rêve et avoir une ferme à lui.

J’ai plein de souvenirs extraordinaires et rocambolesques, mais le plus beau est celui du cadeau qu’il m’avait fait pour un anniversaire. Il me l’a offert dans la cuisine…c’était une pouliche !

Tout un personnage !

Rosie Godbout, Saint-Armand


Christian était un véritable paysan, dans l’âme et dans la pratique, avec ses champs d’ail qui épousent à merveille les écosystèmes. On le voit sur la photo en train de nourrir son compost végétal et devant les sacs de feuilles que nous ramassions pour faire le compostage dans l’environnement qui le rendait heureux. Christian m’a transmis son amour de la terre et c’est avec cet ami de cœur que j’ai découvert le plaisir du jardinage écologique à Pigeon Hill.

Autrefois monteur en cinéma, il a fabriqué des récits en son et en image avec toute la  minutie qui le caractérisait et la passion qu’il avait envers la création. Avec brio, il a effectué le montage sonore de mes longs métrages documentaires Méchante Job (2000), SqUAT ! (2002) et Pas de pays sans paysans (2005).

Depuis toujours Christian est reconnu pour sa chaleur humaine, son sens de l’humour, et son accueil autour de festins mémorables. Il aimait beaucoup réunir les gens, rigoler, partager son bonheur, nous faire profiter de la bonne chair et de ses fameuses têtes d’ail alors qu’il est devenu agriculteur à temps plein à Pigeon Hill. Depuis quinze ans, en juillet, une centaine d’amis et de personnes admiratives de sa noble agriculture œuvraient à la récolte de l’ail dans les champs de la ferme du Vieux bouc. Le soir venu, après une journée d’efforts collectifs accomplis dans l’allégresse, on faisait la fête en se réunissant autour d’un méchoui digne du fameux village gaulois. Le rire tonitruant de Christian résonne encore dans nos têtes.

On te gardera longtemps dans nos cœurs

Ève Lamont
Cinéaste, jardinière et utopiste

 


Nous n’avons pas connu Christian, le monteur de film ou le producteur de fromage de chèvre. Nos chemins se sont croisés il y a une quinzaine d’années, au cours desquelles nous avons tranquillement découvert un agriculteur passionné, fier paysan, un excellent producteur d’ail, innovateur. Au fil des ans passés, nous n’avons jamais eu l’occasion de participer à ses fameuses rencontres de récolte et de plantation. Mais on a vite reconnu le caractère rassembleur et profondément humain de ces rendez-vous ruraux.

Sa visite dominicale à notre ferme était régulière, au retour de chez Bernard le boulanger. Ces moments permettaient de jaser d’agriculture, de la saison en cours ou celle à venir, de la nouvelle machinerie acquise ou celle espérée, de fertilisation des terres, du contrôle de la teigne, de foresterie, de production de sirop d’érable. Nous partagions ainsi l’amour d’un métier commun. Cela a instauré doucement entre nous un respect réciproque et un attachement. Homme de principe, Christian avait ses valeurs et ses idées, parfois arrêtées. Nul besoin d’être toujours d’accord. L’échange était privilégié.

Durant sa maladie, l’accompagnement occasionnel à l’hôpital, les rencontres au pied du divan ou du lit ont permis de le découvrir un peu plus, autrement. Courageux, batailleur, rêveur sans relâche, homme de projets, il a gardé espoir de s’en sortir jusque dans ses derniers moments.

Pour nous, le plus beau legs de Christian, outre bien sûr les moments et apprentissages partagés, est la ferme, celle qu’il a rêvée, qu’il a fait vivre, dont il a pris soin et qu’il laisse comme un merveilleux héritage pour les générations qui suivront ses traces.

Chapeau et merci à un grand ami agriculteur !

Denise Bélanger et Pierre Jobin de la Ferme du Haut-Vallon, Frelighsburg


Lloyd Martin avait hérité d’une très belle terre de son père à Pigeon Hill (Saint-Armand). Il trayait beau temps mauvais temps une douzaine de vaches Guernesey qui lui donnaient un lait très riche en gras qui valait son pesant d’or quand il le vendait à une crèmerie locale pour la production du beurre. La mise en marché du lait s’est complètement transformée dans les années 1980 avec la mise en place de plans conjoints et le contingentement de la production par un système de quotas. Dès lors, la ferme des Martin aurait dû vendre son troupeau de Guernesey pour acheter des Holstein qui produisent des volumes stratosphériques de lait, construire des plus gros silos, amalgamer des terres avoisinantes pour produire plus d’ensilage de maïs, acheter de nouveaux quotas de lait, reconstruire les bâtiments de ferme… Telles étaient les recommandations des agronomes pour la ferme des Martin, que Lloyd se plaisait à nommer les educated fools. « Aujourd’hui avec l’épandage d’engrais et de pesticides à chaque année, ça nous prend autant de temps à travailler la même surface de terre avec nos quatre tracteurs avec mon fils Dean, que dans le temps de mon père avec notre unique attelage de bœufs ! » Qu’il me racontait, son éternelle Pall Mall au bec. « Herbicides et pesticides ne règlent pas le problème, ça le reporte à plus tard et à chaque année, il faut augmenter la dose ! » Au décès de son père, Dean a décidé de vendre la terre et d’aller travailler dans la construction plutôt que de s’enfoncer dans une coûteuse agriculture industrielle. Christian Marcotte a racheté la ferme familiale des Martin et en a fait une légende rurale en agriculture biologique !

Louis Mccomber, Sutton


Quand je pense à Christian quatre souvenirs me viennent en tête :

. D’abord, j’ai toujours été impressionné par sa passion pour l’agriculture, par le respect qu’il portait à la terre et aux animaux qui l’habitent.

. J’ai aussi admiré l’habilité qu’il avait pour réunir les gens autour d’une cause et pour les faire travailler ensemble.

. J’ai été étonné par son ingéniosité qui lui permettait de faire plus avec moins, sans utiliser de machineries lourdes, en inventant parfois ses propres outils agricoles.

. Enfin, je me souviens de belles conversations au cours desquelles nous échangions sur des sujets innovateurs comme l’agriculture bio, la rotation des cultures et l’apport des insectes bénéfiques à la terre.

Kevin Schufelt, Vignoble Pigeon Hil


Christian… Christian
Cher Christian

J’emprunte la route de l’infini
pour venir te parler de vive vie

Moi qui poursuis le nutriment sacré
entre l’ail-des-bois et l’ail-semence

Et toi qui viens de choisir
l’ail-des-manitous dont on ne parle guère
faute de pratiquer l’animisme cosmique

Je ne connais personne d’autre que toi
qui soit passé du montage de films
au montage de machinerie agricole
sous pulsion organique de l’esprit

Circulant à travers champs ondulants
tu as consenti au rêve ambulant
du côté de la Colline-aux-Pigeons

Et tu as pris ferme comme on prend terre
en navigue à travers savanes en liberté
champs à demi pelousés et plantations   

Je t’aperçois depuis l’Isle-Verte
ton équipage de marins-chats félinant
à travers les hublots en carreaux
de la grange et tous tes bâtiments

Et je te salue… je te salue
partageant avec les tiens
tous ces oasis de bien-être
qui marquent nos trajectoires

Sans autre barda ni trépas
que la vie qui se survit
de part et d’autre de l’horizon

Chloé de toujours

Chloé Sainte-Marie


C’est mon amie Amy Sara Keith qui m’invita la première fois à la cueillette d’ail de Christian Marcotte. Ce fut un tel émoi de participer à cette fête de la récolte, où le mot communautaire prend tout son sens. Plus tard, j’ai récidivé et plusieurs fois encore je suis revenue, pour devenir officiellement une « crisseuse d’ail », tâche précise en équipe dans le champ à placer méthodiquement 7 rangs d’ail sur une planche et les coiffer de deux tiges de travers, tandis que tous s’affairent à arracher les bulbes gorgées de saveur par le soleil. D’année en année, Christian et moi sommes devenus tout naturellement des amis. Il savait mon rêve de faire le grand saut de la ville à la campagne. Et tu m’as dit : attend pas trop, comme moi, si j’avais su venir plus tôt.

Je t’ai écouté. Je m’en viens. Je quitte la ville pour le champ, pour vivre chacune des saisons avec toi et la nature. Je t’aime Christian. Merci.

Catherine Chagnon, Glen Sutton


J’étais une habituée des grandes corvées annuelles chez Christian Marcotte. En 2016, c’était la 10e année que Christian organisait ce travail collectif pour la récolte de son ail. Et, lors de la récolte de cet été là,  j’avais pris la parole pour remercier Christian et lui rendre hommage. J’avais aussi composé une chanson qui décrivait ces merveilleuses journées de corvée collective.

Voici le texte et la chanson :

Au nom de tout le monde qui s’est rassemblé ici aujourd’hui, je voudrais exprimer, à Christian toute notre admiration pour ton travail sans relâche, pour ta persévérance tout au long de ses dix années, pour ta détermination, pour ta passion du travail sur la terre afin qu’elle nous donne le meilleur ail …du Québec, affirmons-le ! Christian a parcouru beaucoup de chemin depuis sa décision de quitter son travail de monteur dans l’industrie du cinéma il y a une douzaine d’années, de quitter le milieu urbain de Montréal pour s’acheter une terre à Pigeon Hill. La première année qu’il a tenté la production d’ail, il a commencé avec une centaine de plants, puis il a doublé le nombre la deuxième année, puis encore plus la troisième année et ainsi de suite pour atteindre environ soixante mille plants aujourd’hui. Christian a le souci de bien faire les choses, avec patience, dans le respect de la nature :  il fait lui-même son compost végétal. Il ramasse et accumule de la matière végétale qui prend deux ans à se décomposer… on peut parler d’ail biologique, sans produit chimique. Il est aussi ingénieux. Il répare ses machineries, il est très débrouillard pour tout rafistoler. Il a inventé une roue parsemée de petits carrés de bois pour faire les trous dans la terre, et faciliter la plantation des caïeux. Puis, à chaque année, il organise une grande corvée qui rassemble environ 120 personnes. Labeur et fête se côtoient tout au long de la journée et de la soirée. C’est une grosse organisation ! D’abord, il nous appelle tous, un par un. Il y a ensuite le bon pique-nique du midi et les excellentes salades sous la supervision de Marie-France et, cette année, avec l’aide de Grabriela, la conjointe de Christian Lefebvre qui lui, prend chaque année une semaine de ses vacances pour aider Christian dans l’organisation de la corvée. Puis, il y a la mise en place du chapiteau, de l’éclairage, sans oublier une douche bienfaisante à la fin de la journée. On a vu l’amélioration du système de la douche au fil des années ! Il faut aussi parler du méchoui du soir alors que le chef Bernard tourne tout au long de la journée l’agneau ; le poulet et les pommes de terre sont toujours aussi délicieux. La soirée se déroule en musique grâce à ces musiciens qui nous accompagnent à l’apéro et pendant le souper. Tout au long de la journée, nous les cueilleurs faisons connaissance les uns avec les autres, d’un rang d’ail à l’autre … il y a des conversations intéressantes partout. On se reconnaît d’année en année ou on fait de nouvelles connaissances. Le soir, nous sommes tous attablés, servis par Rosie et d’autres personnes bienveillantes, on continue d’échanger et on déguste des produits locaux, Ce sont de beaux moments de bonheur que l’on partage ensemble, grâce à toi Christian. J’aimerais qu’on applaudisse Christian pour son travail, son ail, pour ces journées de fête qui, avouons-le, ne sont pas tant une corvée !

Et maintenant, je vous invite à chanter avec moi…ail ! ail ! ail ! ail !

La grande cueillette d’ail (sur l’air de Les petits pains au chocolat de Joe Dassin)

Refrain :

ET comment ces journées sont belles
Les braves gens font des merveilles

Il faut dire que l’ail était
Vraiment très mûr à point
Autant que son bon foin

Christian rêvait à sa récolte
Quand il retirait ses bottes
Linotte dans le coin

1er couplet
À chaque année nous sommes conviés
À la grand’ cueillette d’ail
C’est à la ferme du vieux bouc
Que Christian organise touttt

2e couplet
Il travaillait toute l’année
La semence, le compost,
Plus ses tracteurs à réparer
La fleur d’ail à ramasser

3e couplet
Puis, à tous les mois de juillet
C’est une grande corvée
On a tous le cœur à l’ouvrage
Et aussi à s’amuser

4e couplet
Un ail de variété ‘Music’
Sans aucun produit chimique
Fait le bonheur des gourmets
Délicieux dans tous les mets

La,la,la,….

Gros câlin à toi, cher Christian,

Marie Lyne Ethier


Christian,

Ce qui m’a connecté avec toi, c’est ton amour de la terre. Ton profond respect pour elle, ta conviction claire qu’elle prend soin de nous et, qu’en retour, nous lui offrons notre temps et notre amour.

Ton compost, conviction de feuilles, ta salade de tomates, ton poulet à l’ail, tes pâtes aux tomates ou ton omelette aux alliacées. Sourire.

Tu offrais le meilleur de ta nourriture aux gens qui passaient ta porte pour leur permettre de goûter et de repartir remplis et souriants.

Tu étais la différence que tu souhaitais pour ce monde, un monde basé sur le vrai respect de la terre.

Tu fus celui qui m’a introduit au travail du bois, au travail dans l’bois, à la culture de l’ail. Sourire.

La récolte de l’ail est un moment magique. Tu avais déjà goûté à cette magie et connaissais la recette pour la refaire et la partager avec le plus de gens possible.

En ton honneur, en l’honneur de cette terre, je te remercie.

Guillaume Frappier-Richard


C’est avec grande tristesse que j’ai appris son décès. « Je suis parti dans le vent et non dans le vide… » Cet être plus grand que nature nous a permis de vivre des moments inoubliables dans sa nature et ses champs d’ail. Il communiquait simplement avec son 💜. Douce mémoire à toi.

Suzanne Bouvrette



Vous pouvez ajouter votre témoignage à la mémoire de Christian en nous l’envoyant à journalstarmand@gmail.com