Amielle Doyon-Gilbert
Amun Surette est comme un personnage de bande dessinée venu d’une autre planète. L’intensité de cette personne ne peut que vous marquer. En regardant ses oeuvres, en l’observant ou en conversant avec lui, on se rend rapidement compte que, s’il avait choisi la scène, il en serait devenu une bête. Quand l’occasion se présente, comme un guerrier, il plonge sans crainte dans la fantaisie à la vitesse de l’éclair. Junky des high de la vie, hyperactif, visionnaire, délinquant, épicurien, imprévisible, parfois incompréhensible mais toujours fonctionnel, il est incroyablement « flyé ».
Toujours fidèle à lui même, il ne se gêne pas pour dévoiler sa personnalité à l’imagination sans bornes. Depuis sa naissance, à Brigham en 1977, il baigne sans flotteurs dans une mer d’art et d’artistes. Ayant grandi dans les salons des métiers d’art, accompagnant ses parents, Susan et Richard, céramistes depuis 1976, sa créativité a été rapidement aiguisée. À 8 ans, il est déjà derrière une table pour vendre ses propres oeuvres. Il fabrique de charmantes petites broches, composées de pierres semi-précieuses, de plumes et de céramiques ainsi que de superbes petites figurines médiévales. En plus de son charme, ce magnifique petit être aux grands yeux pairs est naturellement bourré de talents et vend ses créations comme des petits pains chauds.
Quatre céramistes dans une même famille, ça entraîne une certaine concurrence, et son père lui propose de faire autre chose. Il lui suggère de fabriquer des tables. En plus de servir de présentoirs pour les céramiques de la famille cela pourrait lui ouvrir des portes vers de plus grands horizons.
Dès lors, à 16 ans, en plus de fabriquer ses fameuses tables uniques et très originales, il se met à créer de majestueuses sculptures en métal, en pierre et en divers autres matériaux : des fontaines, des bancs, des ornements de jardin et toutes sortes de projets fous suivant la demande des clients.
Pendant 20 ans, il exposera dans plusieurs boutiques de Montréal, Québec, Ottawa, Toronto, Chicago et New York, et participera, chaque année, à pas moins de huit salons des métiers d’art et ce, durant une dizaine d’années.
À l’âge de 34 ans, une « écoeurantite » aiguë le frappe à grands coups de masse. Comme un cancer, la clientèle bourgeoise et radine épuise et éteint la flamme de sa passion pour les arts. Notre héros fait face à un coup de conscience magistral. Il ne supporte plus de se sentir faux, à toujours répéter les mêmes chansons pour vendre son travail, même s’il sait qu’il est primordial de savoir se vendre. Il explique que chaque oeuvre est une partie de son âme qu’on laisse… Pour conserver sa créativité, cela nécessite que les clients apprécient et reconnaissent l’immensité du travail accompli. Les clients qui négocient à la baisse le prix des oeuvres et sousestiment la valeur du travail de l’artiste, voilà l’un des pires cauchemars d’Amun, qui est complètement saturé. Il explique que, pour la plupart de ses clients, 100 $ ne représentent presque rien mais que, pour lui, c’est énorme ! Plusieurs ignorent que fabriquer des oeuvres d’art exige beaucoup de temps et d’argent. Pour Amun, en sous-payant un artiste, on ne peut que le démotiver et l’amener à dédaigner son art.
Persévérant, et n’ayant pas froid aux yeux, il change alors de cap. Amoureux de la vie, de la nature et de ses imperfections, il reste quand même dans le monde des jardins et devient un paysagiste hors pair ! La grandeur d’âme de ses inspirations est à l’égal de la force qui l’habite. Rien n’atteint l’élan de dépassement que recèle cet artiste. Un peu plus haut, un peu plus loin et, qui sait, peut-être qu’après une bonne pause, il retrouvera sa passion pour les arts…