Maison à vendre. Maison à vendre. Maison à vendre. C’est ainsi qu’il y a près de deux ans, dans cette même chronique, je dépeignais grossièrement la Gaspésie. Et j’en reste convaincu, il s’agissait bien de cela. Mais aujourd’hui, cela ne tient plus. Les maisons se vendent. Et se vendent bien. Cependant, elles restent vides. Du moins, onze mois par année.
Plus précisément, ces maisons ne font pas que se vendre, elles se revendent.
Il existe par-ci par-là dans les petits villages gaspésiens quelques nouveaux venus ; ils se veulent retraités ou bien fugitifs des espaces urbains, mais ils sont en fait des promoteurs amateurs. De l’argent ils en ont, et ils en veulent. Ils se foutent du reste.
Ils achètent les propriétés mises en vente aux prix qu’elles valent, pour un oeil gaspésien. Puis ils les revendent au double, au triple, au quadruple du prix coûtant, à des gens de la ville qui se disent que dans le fond ce n’est pas si cher payer pour avoir une vue sur la mer quelques semaines par année. De l’argent ils en ont.
Alors voilà, en Gaspésie les maisons se vendent. Et rapidement. Ceux qui ont du portefeuille ont de l’oeil. Et ceux qui ont de l’oeil ont des contacts. Alors voilà que plus subitement qu’autrement, les propriétés prennent de la valeur. Tout comme avec l’exploitation des ressources naturelles, ceux qui en profitent n’ont rien à voir avec l’endroit. Depuis toujours, l’histoire du capitalisme donne raison à tous, sauf aux perdants.
Et, fois après fois, la jeune famille gaspésienne (car il en reste de ces gens qui n’ont pas perdu espoir et qui, par amour du lieu sacré de leur naissance, s’entêtent à croire que oui un monde est encore possible là où d’autres n’y voient qu’un parc touristique avec ses maisons d’été loin loin de la ville pour que la classe la plus favorisée, la plus riche, la plus aveuglée de notre système pseudo-démocratique pourri et corrompu jusqu’à la moelle par la possession, le pouvoir et un individualisme suraigu, puisse oublier devant la mer et les montagnes toute la merde socio-politique qu’elle a créée), qui veut s’établir dans sa communauté, se heurte à un mur. Celui de l’inflation soudaine et démesurée de leur région parce que certains parvenus veulent à tout prix une seconde résidence.
On parle d’exode. On parle de fermeture des régions. On parle des perverses retombées économiques du tourisme. On parle, on parle. Tandis qu’un pays se résume de plus en plus à ses métropoles et que les campagnes ont cédé à l’industrie du paysage et de la tranquillité, et ce même au détriment des populations, et surtout au détriment de son avenir : sa jeunesse.
Embourgeoisement des régions. Embourgeoisement des régions. Embourgeoisement des régions. Je parlais de la Gaspésie. Mais l’histoire se répète, car c’est aussi celle de Saint-Armand. Regardez un peu.