Le maire Gilles Saint-Jean (photo : François Renaud)
« La municipalité de Canton de Bedford est bordée au sud par Saint-Armand, au nord par Mystic et Saint-Ignace-de-Stanbridge, à l’ouest par Stanbridge Station et à l’est par Stanbridge East », précise monsieur Gilles Saint-Jean, en laissant glisser son doigt sur une grande carte détaillée de sa municipalité, épinglée au mur de la salle du conseil municipal. « La zone rouge que vous voyez au centre, c’est la municipalité de Bedford, laquelle est entièrement enclavée dans la nôtre. Le tracé de ces frontières étonnantes constitue un témoignage éloquent de la confrontation qu’il y avait au début du XXe siècle entre le monde rural et le monde urbain : les citadins voulaient des trottoirs propres et bien solides, les agriculteurs des fossés profonds et bien entretenus ! Lassé des interminables discussions concernant l’attribution des budgets, le maire de l’époque, monsieur Giroux, a fait adopter un règlement définissant les frontières actuelles des deux municipalités et l’a fait entériner par le Gouvernement de la Province de Québec en 1919. »
Aujourd’hui, la population de Canton de Bedford est de 700 personnes, en recul d’une centaine d’habitants par rapport à il y a quinze ans. « Oui, confirme monsieur Saint-Jean, notre population a connu une décroissance certaine mais, au cours des mois qui viennent, j’ai bon espoir qu’elle augmentera légèrement, puisque nous avons un développement domiciliaire où cinq unités d’habitation seront occupées d’ici la fin de l’année. En ce qui concerne le vieillissement de notre population, je ne suis pas en mesure de me prononcer ; je sais simplement que 190 personnes sont âgées de plus de 55 ans et que la moyenne d’âge est de 49 ans. »
« Bien entendu, lorsque nous pensons à l’avenir, poursuit monsieur Saint-Jean, nous nous posons la même question que toutes les municipalités avoisinantes : comment attirer de jeunes familles ? En ce qui nous concerne, nous savons où sont nos forces : la sécurité et la qualité de la vie à la campagne, des routes bien entretenues, un service d’incendie bien équipé et dont les membres sont bien entraînés, des paysages spectaculaires, la possibilité d’acheter de grands terrains à prix très raisonnable et un taux de taxation qui, à 0,49 $ par 100 $ d’évaluation, est le deuxième plus bas de la MRC. Nos jeunes familles peuvent également bénéficier d’une subvention pouvant atteindre jusqu’à 200 $ par enfant afin de leur permettre de pratiquer une activité sportive et, sur la route 235 près de Mystic, nous avons un terrain de balle avec chapiteau, toilettes, tables de pique-nique et une salle pouvant accueillir jusqu’à 60 personnes, que nous offrons gratuitement à nos concitoyens pour des fêtes en tous genres… En fait, tout ce qui manque cruellement pour attirer de nouveaux résidents, c’est une offre d’emplois de qualité. »
La municipalité de Canton de Bedford n’a jamais eu de dettes, et monsieur Saint-Jean ne voit pas le jour où sa municipalité aura à s’endetter. « Les travaux de voirie représentent une dépense annuelle de près de 250 000 $, précise-t-il. En 2010, notre Service des incendies a fait l’acquisition d’un nouveau camion-citerne et, en 2013, il s’est doté d’une échelle ainsi que de l’équipement pour faire du sauvetage sur l’eau et la glace. En 2015, nous prévoyons doter le Service d’un nouveau camion-pompe pour remplacer nos trois vieux camions qui exigent beaucoup d’entretien et de réparations. Cette année, ajoute le maire, la municipalité a fait l’acquisition d’un nouveau camion affecté au déneigement, une dépense de 75 000 $ qui a été financée à même le surplus accumulé et qui ne paraîtra pas sur le compte de taxes. En matière de services, notre situation est relativement stable, puisque nos concitoyens trouvent, depuis toujours, l’essentiel de leurs services à Bedford ; tout ce qui a changé, c’est la livraison du courrier porte-à-porte qui a disparu au profit des nouvelles boîtes aux lettres communautaires. »
Lorsqu’on lui demande de résumer les réalisations de ses quatre dernières années à titre de maire de Canton de Bedford, monsieur Saint-Jean n’hésite pas une seconde : « Notre retrait, en décembre dernier, de la Corporation de développement Bedford et région. Cette décision nous a permis d’aller de l’avant avec le Projet Héritage de la société minière Graymont. Ce projet est situé à 80 % sur notre territoire, et les trois autres municipalités tenaient à ce qu’il soit géré collectivement à 100 %, avec tout ce que ça implique comme labyrinthe administratif : discussions collectives et décisions à la majorité. Le comble, c’est qu’il nous aurait fallu demander la permission des autres municipalités pour discuter directement avec Graymont, alors que c’est nous, et nous seuls, qui devons faire la collecte d’information afin de modifier nos règlements et formuler une demande de dérogation auprès de la CPTAQ ! En une année, rien n’avait avancé, alors que, six mois après notre décision, Graymont vient de nous fournir toutes les données nécessaires pour étayer notre demande. Notre conseil municipal a pris une décision radicale, mais nous l’avons prise dans le meilleur intérêt de nos concitoyens. »
Cet clivage entre municipalités n’est pas sans rappeler la décision du maire Giroux qui, en 1919, avait proposé la rupture entre Bedford et le Canton de Bedford… Comme quoi la pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre : monsieur Gilles Saint-Jean est l’arrière-petit-fils du défunt maire Giroux !