Le 9 novembre dernier, la Fondation David Suzuki publiait les résultats d’une étude révélant que les bouleversements climatiques qui touchent la planète ont pour effet d’inciter les spéculateurs « à tourner leur regard vers les terres agricoles québécoises qui devraient profiter d’un avantage concurrentiel par rapport aux terres agricoles des pays plus au Sud ». Intitulée « Climat d’accaparement », l’étude souligne que le secteur agricole sera de plus en plus perturbé par les changements climatiques, ce qui entraînera des impacts négatifs significatifs. Selon les chercheurs responsables du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), « les changements climatiques, les carences en eau douce, la dégradation des terres agricoles et d’autres formes d’impacts sur l’environnement pourraient mener à une diminution moyenne de 25 % de la production agricole mondiale d’ici le milieu du siècle. On anticipe également une chute des rendements agricoles et une hausse considérable des prix des produits alimentaires de base. »
Il n’en faut pas davantage pour provoquer une flambée de la valeur des terres agricoles de nos régions. Selon les auteurs de l’étude de la Fondation Suzuki, une telle situation ne manquera pas d’attiser la convoitise pour les terres agricoles du Québec. Les chercheurs estiment que la hausse des températures au Québec pourrait entraîner une diminution des accumulations de neige, un raccourcissement de la période de gel et un allongement de la saison de culture. De nouvelles variétés de plantes cultivées pourraient voir le jour, les rendements devraient augmenter et de nouvelles régions pourront être propices à l’agriculture. Selon Ouranos, un consortium regroupant quelque 450 scientifiques canadiens, il apparaît de plus en plus évident que « les changements climatiques seront à l’origine de nouvelles possibilités pour la production agricole au Québec ».
Chose qui inquiète Karel Mayrand, directeur de la section québécoise de la Fondation David Suzuki, qui redoute l’accaparement des terres cultivables de la province. « Les terres agricoles du Québec sont une ressource stratégique qui fera l’objet d’une convoitise accrue au cours des prochaines décennies, au même titre que l’eau douce. Que ce soit au profit t d’intérêts financiers québécois ou étrangers, il existe un risque réel que le Québec voie son agriculture lui échapper, mettant du même coup à risque sa sécurité alimentaire », explique-t-il. En 2010 déjà, des analystes du Mouvement Desjardins soulignaient le fait que les terres agricoles devenaient une valeur refuge attrayante pour les spéculateurs. Les analystes de la Fondation Suzuki estiment que « une telle pratique s’éloigne ainsi du modèle agricole familial et de l’agriculture professionnelle telle qu’elle se présente au Québec depuis des décennies. Comme c’est déjà le cas à l’échelle mondiale, l’accélération du phénomène d’accaparement à moyen et long terme pourrait menacer de façon importante la souveraineté alimentaire du Québec, peut-on également lire dans cette étude. Cette situation pourrait s’observer par un passage progressif des terres des mains des agriculteurs à celles de non-agriculteurs, dont les finalités sont essentiellement spéculatives. » Les auteurs de l’étude font état de l’arrivée, au cours des dernières années, de nouveaux acquéreurs de terres ne provenant pas de ce secteur et d’un « début de concentration de terres agricoles entre les mains de quelques grands investisseurs ». Ce phénomène coïncide avec une hausse de la valeur des terres au Québec. Pour contrer cette menace, la Fondation David Suzuki recommande au gouvernement de mettre en place des mesures qui favoriseraient l’achat des terres disponibles par des agriculteurs exploitants. On suggère aussi la création d’une société d’aménagement et de développement agricole qui pourrait acquérir, administrer temporairement et transférer des actifs agricoles, suivant des principes visant à protéger la sécurité