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Bedford monte sur ses grands chevaux

François Renaud

Photo : Monique Dupuis

Dans un document de réflexion intitulé Plan stratégique de développement Vision Bedford 2020, les maires de Bedford et des municipalités partenaires1 ont identifié trois objectifs à prioriser à court terme afin de favoriser le développement de la région : maintenir et bonifier le secteur agroalimentaire, développer le secteur industriel et développer le secteur équestre. Pour marquer l’arrivée hâtive du printemps, LE SAINT-ARMAND a choisi de s’intéresser aux chevaux et de se rendre au Centre équestre de la Société d’agriculture Missisquoi (SAM), afin que son président, M. Mario Paquette, nous explique comment le secteur équestre pouvait contribuer au développement de notre région.

« D’abord, commente Mario Paquette, je vais vous faire un peu d’histoire. De 1970 à 1972, notre centre équestre a donné des formations en équitation classique (selle anglaise), puis a cédé la place à un groupe qui, durant presque trente ans, a utilisé les écuries pour héberger et entraîner des chevaux de course. Vers 2003, les installations ont été abandonnées parce qu’elles étaient vétustes et ce n’est qu’en 2008 que nous avons pris la décision de restaurer les écuries.

« Grâce à l’aide financière de divers partenaires, dont la Caisse populaire Desjardins de Bedford, nous avons pu investir près de 100 000 $ pour rénover les box des chevaux, restaurer la toiture du manège intérieur et construire une nouvelle section de 10 box, de sorte que, aujourd’hui, nous avons la capacité d’accueillir 40 chevaux et de les entraîner 12 mois par année. »

L. S-A : Et c’est autour de l’hébergement des chevaux que le Centre équestre de la SAM compte participer au développement économique de la région ?

Mario Paquette : Notre plan d’affaires est plus complexe que ça. En fait, on peut dire qu’il s’articule en trois volets. Un premier touche à la santé, par le biais de services en équitation thérapeutique et en hippothérapie. Un second vise le tourisme et un troisième s’articule autour de la tenue d’événements grand public.

L. S-A : Vous venez de prononcer les mots équitation thérapeutique et hippothérapie…Ça mange quoi en hiver ?

M.P. : Peu de gens le savent, mais ici, à Bedford, nous sommes l’un des six centres équestres du Québec à prodiguer des soins en équitation thérapeutique et en hippothérapie. L’hippothérapie est une technique qui se pratique en collaboration avec des spécialistes du monde de la santé, essentiellement des ergothérapeutes et des chiropraticiens, et qui contribue à accélérer la réhabilitation physique de patients qui ont subi de graves lésions corporelles lors d’accidents de la route ou du travail, ou d’un accident vasculaire cérébral.

Le simple fait de monter à cheval permet à ces patients de faire travailler plusieurs muscles en même temps, en particulier au niveau du bassin : cuisses, fesses, abdominaux, dorsaux. Les spécialistes se sont rendu compte que la pratique équestre faisait travailler la musculature en douceur et en complémentarité, et qu’elle était, de loin, plus efficace que l’entraînement conventionnel en gymnase.

L’hippothérapie s’applique généralement dans des cas de réhabilitation physique, mais elle peut également profiter à des gens qui ont des problèmes de santé différents, tels les trisomiques ou les autistes. Dans ces dernier cas, la pratique de l’équitation a non seulement des effets physiques bénéfiques, mais la complicité avec le cheval entraîne un changement positif dans l’attitude psychologique des patients.

L. S-A : Et quelle différence faites-vous entre l’hippothérapie et l’équitation thérapeutique ?

M.P. : L’hippothérapie est d’abord un traitement physique et exige une évaluation du patient par des spécialistes, ergothérapeutes ou chiropraticiens. L’équitation thérapeutique, quant à elle, s’adresse davantage à la dimension psychologique du sujet et peut se pratiquer avec des instructeurs certifiés, mais sans collaboration obligatoire avec des spécialistes du monde de la santé.

Je vous donne un exemple… Il y a deux ans, alors que je venais de compléter ma formation, on m’a proposé de travailler avec un adolescent qui était sourd et muet. Le jeune homme n’avait pas d’amis, était sur le point de décrocher de l’école et éprouvait différents problèmes d’intégration sociale. Ensemble, nous avons mis au point divers moyens de communication visuelle, avec des signes et des drapeaux, pour que je puisse le guider et lui expliquer comment procéder. Mais c’est avec le cheval qu’il communiquait le mieux ! Et c’est en communiquant avec le cheval qu’il s’est finalement ouvert au monde. Aujourd’hui, il a de bons résultats scolaires, s’est fait des amis et il a même appris à jouer au hockey.

L. S-A : Donc, l’hippothérapie et l’équitation thérapeutique sont deux disciplines qui offrent un potentiel de développement et dont vous souhaitez faire la promotion.

M.P. : Exactement. Moi-même, je suis un instructeur certifié en équitation thérapeutique et j’achève une formation qui me permettra bientôt de former des instructeurs et des bénévoles. Actuellement, au Québec, il y a à peine une dizaine d’instructeurs certifiés en équitation thérapeutique et je vois très bien notre centre équestre devenir un important lieu de formation pour le sud du Québec.

Il y a également la formation scolaire qui représente une belle avenue de développement. Depuis trois ans, nous avons une entente avec l’école secondaire Mgr Desranleau et certains élèves qui sont inscrits  au programme sport-études ont choisi l’équitation et viennent monter deux à trois fois par semaine. D’ailleurs, tous ceux qui sont passés par notre centre équestre ont maintenu ou amélioré leurs résultats scolaires, et la plupart sont aujourd’hui inscrits au volet international de la polyvalente de Farnham.

Éventuellement, j’entrevois que notre expertise pourra nous amener à créer une école d’équitation ouverte au grand public, animée par des instructeurs et des entraîneurs certifiés par la Fédération équestre du Québec, et où nous pourrons offrir une formation complète qui couvrira tous les aspects du métier, depuis les soins à prodiguer aux chevaux jusqu’à la formation de  cavaliers qui participeront à des compétitions nationales et internationales.

L. S-A : Et le volet touristique, comment l’entrevoyez-vous ?

M.P. : Comme un complément naturel à notre expertise en équitation thérapeutique et en formation académique. Actuellement, la SAM travaille à créer, sur un horizon de cinq ans, une série de routes équestres qui sillonneront toute notre région. Mais c’est un projet très ambitieux parce qu’il implique de très nombreuses démarches : identifier divers tracés proposant des niveaux de difficulté différents ; négocier les droits de passage auprès des propriétaires terriens ; assurer la cohabitation entre les chevaux et les véhicules à quatre roues ; baliser clairement tous les sentiers ; et, surtout, négocier une formule d’assurance qui mettra tant les propriétaires terriens que la SAM à l’abri de toute poursuite judiciaire en cas d’incident. Pas évident.

L. S-A : Et une fois que vous aurez réussi à franchir tous ces obstacles, comment entrevoyez-vous l’exploitation de ces sentiers équestres ?

M.P. : Là aussi, nous souhaitons faire les choses à notre manière. D’abord, nous voulons mettre le cheval au centre de cette expérience sportive et, pour ce faire, il faut que la clientèle connaisse et respecte sa monture. En ce sens, nous voulons accueillir les randonneurs sur rendez-vous, d’abord pour limiter et contrôler le nombre de cavaliers qui circuleront sur nos sentiers, et surtout, pour nous assurer de leur offrir une initiation complète avant de les laisser enfourcher leurs montures. Ensuite, pour assurer le contrôle et la sécurité, nous entrevoyons former de petits groupes de cavaliers, 3 à 5 personnes au maximum, qui seront accompagnées par un guide certifié par la Fédération équestre du Québec.

L. S-A : Et vous croyez avoir la clientèle et les chevaux pour répondre à la demande ?

M.P. : Dans un premier temps, nous souhaitons d’abord intéresser les gens de notre région, en leur proposant une sorte de membership, un peu comme on devient membre d’un club de golf, qui les incitera à pratiquer leur sport régulièrement, idéalement à un rythme hebdomadaire. Nous faisons le pari que c’est l’enthousiasme que nous susciterons auprès de cette clientèle de proximité qui constituera notre meilleur outil de promotion pour faire connaître notre centre et provoquer chez le grand public une sorte d’engouement pour la randonnée équestre.

Quant aux chevaux, dans un premier temps, nous allons proposer aux propriétaires qui laissent leurs chevaux en pension à notre centre équestre de louer leurs montures aux visiteurs. Ensuite, en fonction de la fréquentation du public, nous aurons la possibilité d’augmenter notre propre cheptel de manière à répondre à la demande.

L. S-A : Quand vous nous avez décrit votre plan d’affaires, vous avez évoqué, en troisième lieu, les événements grand public. Dans ce contexte, pensiez-vous aux courses sous harnais ?

M.P. : Il est certain que le dossier des courses est important pour la SAM, toutefois, pour le moment, il y a trop d’éléments impondérables en jeu pour en discuter publiquement ou promettre quoi que ce soit à cet égard.

Quand j’évoquais les événements grand public, je pensais davantage à des compétitions équestres de type western ou même de type classique, avec obstacles, comme on en voit aux Championnats du monde ou aux Jeux Olympiques. Je crois également que nous pourrions avoir un beau succès en invitant le public à assister à divers sports de démonstration, comme le horse-ball, une sorte de ballon panier à cheval, ou encore le ski joëring, qu’on pourrait comparer à du ski nautique, à cette différence qu’il se pratique sur la neige, avec un skieur tracté par un cheval et qui doit faire du slalom ou exécuter des sauts en s’élançant sur des tremplins.

Mais avant d’en arriver là, nous misons cette année sur un retour du Gymkhana pour une deuxième année consécutive. L’an dernier, l’Association équestre de Lanaudière avait choisi Bedford pour tenir sa compétition annuelle et, cette année, une deuxième association a choisi de tenir sa compétition annuelle chez nous : l’Association équestre du Richelieu-Yamaska a choisi d’unir ses efforts à ceux de l’Association de Lanaudière pour tenir l’édition 2012 du Gymkhana. L’an dernier, nous avions accueilli 135 cavaliers et, cette année, nous espérons en accueillir environ 300 qui se livreront à une série de compétitions toutes plus spectaculaires les unes que les autres : courses de vitesse, slalom entre des barils, échanges de cavaliers, etc. À moyen terme, notre objectif est d’accueillir chez nous, à Bedford, la finale provinciale du Gymkhana.

L. S-A : En somme, quand les auteurs du Plan stratégique de développement ont identifié le secteur équestre comme axe prioritaire, vous les avez pris au sérieux !

M.P. : En fait, je vous dirais que c’est plutôt l’inverse : c’est le comité de recherche qui nous a pris au sérieux ! Le développement économique, ça ne relève pas de la pensée magique, il faut que ça émerge du milieu, des ressources qu’on y trouve – comme les mines ou l’agriculture – mais surtout de la culture des citoyens et de la fierté qu’ils éprouvent à la partager.

Si on prend l’exemple de nos voisins de Dunham, ils pratiquent la viticulture depuis une trentaine d’années et, aujourd’hui, ils sont fiers de leur Route des vins. Même chose pour les pomiculteurs de Frelighsburg qui se plaisent, à chaque automne, à accueillir les visiteurs dans leurs vergers.

Or, chez nous, la Société d’agriculture Missisquoi est la plus ancienne de la province, elle a été fondée avant même la Confédération canadienne, et il n’est pas exagéré de dire que la culture équestre fait, pour ainsi dire, partie inhérente de l’ADN de nos concitoyens. Alors allons-y ! Fondons une partie de notre prospérité future sur ce que nous connaissons le mieux, le sport équestre. D’ailleurs, je profite de l’occasion pour inviter tous vos lecteurs à assister nombreux à l’édition 2012 du Gymkhana, un événement unique et très spectaculaire qui se déroulera le dimanche 1er juillet prochain, à Bedford.

Note

1. Saint-Ignace-de-Stanbridge, Canton de Bedford et Stanbridge Station.