Les 1 et 2 octobre derniers, le Festival international de la littérature (FIL) soulignait le 50e anniversaire de la sortie du livre L’avalée des avalés de Réjean Ducharme par une lecture publique à la Place des Arts. On ne s’est toutefois pas contenté d’un simple rendu du texte pour cet événement qui se veut un hommage à l’écrivain ayant publié l’une des œuvres les plus originales des lettres québécoises. On a voulu en faire une adaptation multimédia dans laquelle littérature, théâtre, chanson et arts visuels se côtoient. L’originalité de la mise en lecture, signée Lorraine Pintal (du TNM), tient, entre autres choses, au décor, une boîte grandeur nature dans laquelle évolue Sophie Cadieux dans le rôle de Bérénice Einberg, l’héroïne que tout avale, tel que l’a imaginé Charles Binamé pour ce passage du livre à la scène.
On connaît surtout Charles Binamé comme réalisateur et scénariste – on n’a qu’à penser à Séraphin : Un homme et son péché, et à Maurice Richard pour ne nommer que ces deux films – mais on ignore généralement que c’est aussi un artiste visuel. « D’aussi loin que je me rappelle, confie-t-il, j’ai eu un chevalet dans mon atelier ». La création de ce décor fantasmagorique – où se rencontrent signes du zodiaque, enclume, chiffre trois en lettres rouges, papillon bleu et tant d’autres symboles peuplant le riche imaginaire de Bérénice Einberg– a nécessité d’innombrables heures de travail, les contraintes physiques, matérielles et de scénarisation étant multiples. Et c’est dans une grange de Pigeon-Hill que cette œuvre a pris forme, comme on peut le voir sur les photographies gracieusement fournies par l’artiste, qui a dû se faire un peu architecte, un peu ingénieur, un peu peintre, un peu machiniste, un peu menuisier, un peu électricien et, n’en doutons pas, sorcier à l’occasion pour réaliser cette chose improbable qu’il a fallu ensuite acheminer par camion jusqu’à la Place des Arts et hisser jusqu’à la cinquième salle, pour ensuite la déballer, la remonter, la remaquiller, la rebrancher et tout le tralala. On se serait cru en plein roman de Ducharme, drame en moins ! Et c’est sans compter les mouches et les cochons qui ont tenu compagnie au créateur alors qu’il tentait, en pleine canicule de juillet, de résoudre un énième problème insoluble.