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- Gens d'ici -

Apprendre… et aller plus loin

Le chemin qui mène au fromage de lait de chèvre cru
Carole Dansereau

 À l’abri des regards, dans un petit rang de la municipalité de Notre-Dame-de-Stanbridge, Nicola Cunha et Jean-François Larche, un jeune couple dans la mi-quarantaine installé depuis 2012 dans notre région, réaliseront bientôt le projet ambitieux d’ouvrir une fromagerie de lait de chèvre cru.

Rien ne présageait qu’un tel projet puisse voir le jour chez ces néophytes dans le domaine agricole. Issu des plateaux de tournage, Jean-François décide, après ses études en communication à l’Université Concordia, de s’exiler à Vancouver. C’est là qu’il rencontre son épouse Nicola, traiteure et passionnée de cuisine. Ensemble, ils rénovent une vieille maison sur l’ile de Vancouver et ouvrent un restaurant indien. Au bout de cinq ans à servir les clients, Jean-François a la nostalgie de son coin de pays et propose à Nicola de retourner au Québec. De nature aventurière, celle-ci accepte de déménager et de prendre racine dans un milieu francophone.

Installés à Verdun, ils dénichent un travail d’optimisation des sites web, ce qui leur permet de travailler depuis leur maison. Mais l’envie d’avoir des poules et poulets les amène à faire des recherches pour acheter une petite ferme. Au bout d’un an de recherches, ils ont trouvé à Notre-Dame-de-Stanbridge une fermette de 17 acres, juste assez grande pour y entretenir un potager et s’adonner à la permaculture (approche agricole axée sur le développement durable et le respect des écosystèmes).

Entre temps, Nicola prend racine dans sa nouvelle région et s’inscrit à la chorale Le Chœur des Armand. C’est d’ailleurs là que je l’ai rencontrée. Voisine de rang, je ne l’avais jamais croisée. Nous avons donc appris à nous connaître en covoiturant ensemble. Elle parlant anglais et un peu de français et moi parlant français et baragouinant l’anglais. Fous rires et quiproquos se sont multipliés, mais à travers ces difficultés, nous avons réussi à nous lier d’une très belle amitié.

Ce qui m’a permis de constater à quel point le travail ne leur faisait pas peur. Dès leur arrivée en 2012, Jean-François et Nicola ont immédiatement mis la main à la pâte en utilisant, dans la mesure du possible, des matériaux recyclés afin d’améliorer le terrain et les bâtiments de ferme pour l’accueil de poules, pintades, porcelets et agneaux.

En 2014, une annonce sur Kijiji change leur existence. Le propriétaire d’une ferme offrait gratuitement des chèvres, une femelle et quatre mâles. Dès leur arrivée, ce fut le coup de cœur. Un attachement tellement profond que, à compter de ce moment-là, une somme importante d’énergie sera déployée pour le bien-être de ces animaux si sociables et tellement affectueux.

Après avoir rencontré les propriétaires de la fromagerie La ferme des Broussailles à Sherbrooke, Nicola et Jean-François décident de faire le grand saut et de devenir fromagers. Voilà que la grande aventure commence ! Soucieux qu’ils sont de la santé et du bien-être animal, l’alimentation de leurs chèvres demeure sans aucun doute leur principale préoccupation. Puisque les ruminants ne sont pas faits pour digérer des grains et qu’un apport en protéine est nécessaire pour la production du lait, ils optent pour la germination des grains, chose qui demande temps et patience. C’est à travers de multiples recherches qu’ils en sont venus à la conclusion que ce type d’alimentation était meilleur pour la santé de leurs animaux tout en contribuant à prolonger leur existence. On peut compter sur les doigts d’une main les éleveurs de chèvres qui, au Québec, mettent de l’avant une telle pratique.

Bien sûr, la petite famille de cabris exige de gambader dans les champs. Cette liberté a cependant un prix, puisqu’il faut qu’ils disposent de plusieurs pâturages. Une rotation hebdomadaire de ceux-ci s’impose donc afin d’assurer la salubrité des champs. C’est pourquoi ils utilisent des principes relevant de la permaculture en introduisant d’autres animaux, comme les ânes, les poules qui raffolent de larves et de parasites ; un bel exemple d’entraide ! Dans ce même esprit de synergie et de symbiose, nos deux jeunes entrepreneurs ont réussi à mettre sur pied un réseau social assez important : ils ont découvert, à Notre-Dame et à Pike-River, des agriculteurs bio qui les approvisionnent en grains et en foin et avec lesquels ils échangent divers services au besoin.

Cependant, ne s’improvise pas fromager qui le veut. En 2016, Jean-François a suivi un cours au Centre de salubrité de l’ITA de Saint-Hyacinthe tandis que, en 2017, Nicola s’initiait à la fabrication de fromage à Frelighsburg. Munis de leurs diplômes, ils pouvaient désormais construire leur fromagerie, adjacente à la maison. On ne construit toutefois pas un tel bâtiment sans obtenir au préalable l’approbation des différents paliers gouvernementaux, dédale bureaucratique qui demande beaucoup de courage. Il y a de quoi élever son chapeau à ces nombreux petits producteurs qui osent offrir des produits différents issus du terroir. Il en faut de la détermination et de la persévérance pour ne pas tout planquer là et abandonner rêves et passions.

Nicola et Jean-François ont tenu bon. Ils se sont relevés les manches, ont sorti marteaux et pelles, et construit, avec l’aide de quelques personnes, la fromagerie Cornes et Sabots, qui ouvrira officiellement ses portes le samedi 18 août prochain à l’occasion de la 7e édition de la fête dans l’rang. Il sera alors possible de visiter leur ferme, de rencontrer Asha, la première chèvre femelle responsable de ce coup de cœur, ses trente-quatre autres nouvelles amies et, bien entendu, de déguster les fromages de lait cru concoctés par Nicola qui, en bon chef, possède cet instinct de transformer un aliment de base en un produit d’exception.

Je vous invite donc à participer à cet événement et à vous procurer le fromage du jeune couple, possiblement dès juin prochain, à la ferme ou dans les commerces de la région.

Pour en savoir plus : http://www.facebook.com/CornesetSabots/