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Agriculture maraîchère biologique – les Jardins de la Grelinette

Jean-Pierre Fourez

Maude-Hélène Desroches et Jean-Martin Fortier  (Photo : Jean-Pierre Fourez)

Savez-vous ce qu’est une grelinette ? C’est tout simplement un outil de jardinage : une sorte de fourche large à deux manches qu’on plante dans le sol et qui permet, par un mouvement de va-et-vient, d’aérer la terre sans la retourner.

Depuis un an, Jean-Martin Fortier et Maude-Hélène Desroches s’activent fébrilement à implanter une exploitation agricole de culture maraîchère biologique sur une terre de trois acres et demi, sur le chemin Guthrie, juste avant le Ridge (autrefois La Lapinière).

C’est là qu’ils décident de mettre en pratique une autre façon de cultiver, basée à la fois sur leurs convictions et sur leur solide expérience, malgré leur jeune âge (28 ans). Jean-Martin et Maude-Hélène se sont rencontrés à l’Université McGill, au programme de baccalauréat en sciences de l’environnement, en 1999. Après leur diplôme, ils partent pour le Mexique faire une étude-recherche sur le commerce équitable du café durant un an puis, sur le chemin du retour, ils s’arrêtent à Santa Fe, au Nouveau-Mexique, pour travailler à la ferme biologique de Richard Bélanger (un Gaspésien vivant là-bas depuis 10 ans), qui devient en quelque sorte leur mentor, modèle inspirant, et qui leur offre un véritable apprentissage de la culture biologique. Ils acquièrent ainsi la certitude que la terre nourricière est belle et généreuse quand on la soigne et la respecte. Ils y restent deux ans et sont même appelés à prendre la gérance d’une ferme avoisinante pour trois saisons.

À leur retour au Québec naît un petit garçon qu’ils prénomment Forest. Le couple s’installe alors à La Girondine, à Frelighsburg, où ils exploitent un jardin selon les méthodes récemment apprises. Là, durant deux saisons, ils vivent dans un tipi, travaillent dur et se créent une clientèle. Rêveurs ? Flyés ?Certains les considèrent avec un petit sourire narquois. Pourtant, ils arrivent à un chiffre d’affaires respectable et un rendement de 20 000 $ l’acre.

La mise en vente de La Girondine (et l’inconfort relatif du tipi !) les obligent à chercher un nouveau lieu d’implantation. Ils achètent l’ancienne lapinière de Saint-Armand pourvue d’un grand local commercial. L’endroit convient à leur projet, le bâtiment est multifonctionnel. Le rêve solidement appuyé par la réalité prend la forme d’un plan d’affaires très documenté qui réussira à franchir les divers paliers administratifs. Ils obtiennent un permis municipal d’installation et un permis d’habitation dans la partie sud du bâtiment, puis un prêt agricole pour acheter la terre et enfin une subvention à l’établissement de la part de La Financière agricole du Québec, qui leur permet un démarrage bien planifié et l’achat d’équipement, de matériaux et de services. D’octobre 2005 à mars 2006, ils travaillent à métamorphoser un bâtiment industriel en charmante habitation écologique. La famille y vit depuis le mois de mars.

L’avenir est prometteur L’aménagement actuel est divisé en zones distinctes : une partie « paysagée » (champ septique de roseaux épurateurs, étang servant de réservoir pour l’irrigation) ; trois serres-tunnels dont une chauffée (et bientôt d’autres). Le plus gros de la surface restante est aménagée en plates-bandes définitives, engraissées et ameublies chaque saison.

L’utilisation écologique de la terre et le travail non mécanisé, alliés à une connaissance précise de l’horticulture, permettent d’envisager un plan d’affaires de 100 paniers de légumes à 20 $ (par saison de 20 semaines, de la mi-juin au mois de novembre) distribués dans des points de chute à Montréal et dans la région. Chaque panier est composé de 8 à 12 sortes de légumes, différents selon la saison.

La production sur une grande échelle de mesclun (jeune salade mélangée) durant 35 semaines par an permet un étalement régulier des revenus. Le mesclun est distribué dans les restaurants et épiceries de la région.

Les Jardins de la Grelinette font partie du mouvement Équiterre et du réseau ASC (agriculture soutenue par la communauté), qui regroupe une soixantaine de fermes maraîchères et de fermes d’élevage. La production de la plupart de ces exploitations est certifiée biologique et vise une distribution locale. Un des souhaits exprimés par Jean-Martin et Maude-Hélène serait de voir s’établir à Saint-Armand un petit marché hebdomadaire regroupant producteurs et artisans locaux.

À La Grelinette, les coûts d’exploitation sont modiques. La culture intensive sur une terre riche et bien nourrie (sans engrais chimiques) produit des légumes de première qualité, dont la vente directe engendre des revenus non négligeables et surtout une satisfaction personnelle immense, elle-même facteur d’équilibre physique et mental.

Jean-Martin et Maude-Hélène appliquent à leur entreprise la philosophie de la simplicité volontaire. Selon eux, pour générer des revenus décents, il faut fonctionner de la manière la plus autonome possible, sans employés, ni machinerie lourde, en faisant appel à la créativité, au recyclage et à la débrouillardise. Cela demande évidemment beaucoup d’efforts et d’organisation.

À l’époque de gigantisme qui est la nôtre, où les gros et rapides profits sont souvent faits au détriment de l’environnement, règne une déresponsabilisation générale à l’endroit des générations futures. Avec une conscience sociale et beaucoup de respect, on peut tirer énormément de la Terre sans l’abîmer. Ici, il s’agirait de la version maraîchère du fameux « small is beautiful ». Il existe des courants de pensée écologique en agriculture biologique et biodynamique en Amérique du Nord, un mouvement de fond qui a fort à faire pour lutter et s’affirmer face à des géants comme Monsanto et autres multinationales de l’agroalimentaire.

Quant à Jean-Martin et Maude-Hélène, ils s’inspirent beaucoup de l’Américain Eliot Coleman, maître à penser de beaucoup de maraîchers biologiques pour qui le succès repose sur le bon sens, l’action diligente et la compréhension. D’après lui, les experts qui affirment qu’on ne peut pas vivre d’une microferme sont dans l’erreur. La culture maraîchère intensive sur petite surface est non seulement rentable et viable, mais elle peut aussi être gage d’une alternative prometteuse pour la résurgence de l’agriculture au Québec.

Cependant, même si ce type de production semble tendre vers un idéal, La Grelinette n’est pas à l’abri des risques qui peuvent compromettre son exploitation : sécheresse, gel, pluies trop abondantes, maladies des plantes, incapacité de travailler, difficultés avec la clientèle, etc.

En conclusion, La Grelinette est là pour rester et atteindre son rendement maximum d’ici quelques années. Souhaitons que cette folle et belle aventure soit soutenue localement, et que Jean-Martin et Maude-Hélène trouvent leur bonheur à Saint-Armand, si cela n’est pas déjà fait !

Pour en savoir plus sur La Grelinette :

Jean-Martin Fortier et Maude-Hélène Desroches

450-360-7891

lagrelinette@yahoo.ca