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- Communauté -

Adopter l’Armandie

Katherine Ammerlaan

Katherine et son conjoint, heureux nouveaux propriétaires de la maison de monsieur Jeannot Boulet, Philipsburg. Photo : Lylliane Lequellec

Dès que mon mari et moi avons su qu’une maison bâtie en 1914 était à vendre à littéralement un coin de rue de l’appartement que nous louions à Philipsburg, nous avons sauté sur l’occasion et l’avons achetée. Avec sa véranda vitrée à l’avant, ses deux énormes épinettes sur son flanc droit et de l’espace pour aménager un jardin de fleurs et de fines herbes à l’arrière, cette magnifique maison centenaire de style Nouvelle-Angleterre répondait à tous nos critères.

N’étant pas natifs de Saint-Armand, nous avons choisi de nous établir dans la région en juillet 2019 quand j’ai obtenu un poste d’avocate en droit municipal et agricole à Bedford. En attendant de trouver l’endroit où nous installer pour de bon, nous avons loué l’appartement d’une amie sur l’avenue Montgomery. Au cours des 18 mois précédents, nous avons dû visiter une bonne trentaine de maisons dans les environs, que ce soit à Bedford, à Frelighsburg, à Dunham, etc., pour nous rendre compte que nous nous étions finalement attachés à notre voisinage et à notre village, et que nous étions bien à Saint-Armand.

Tout d’abord, le patrimoine naturel de la municipalité est tout simplement extraordinaire. Nos balades dans le sanctuaire à oiseaux (avec la généreuse permission des propriétaires) longeant la baie Missisquoi, la descente en kayak sur la rivière aux Brochets depuis Pike River, l’observation d’innombrables couchers de soleil flamboyants sur le lac Champlain ainsi que celle, au télescope, d’étoiles et de planètes par les nuits chaudes d’été, tout cela nous a permis de découvrir que Saint-Armand était sans aucun doute une municipalité entourée d’une richesse naturelle à chérir et à protéger.

Étant également intéressée par l’architecture, l’urbanisme et l’histoire, j’ai été séduite par le patrimoine bâti du coin. Les nombreuses maisons centenaires proches les unes des autres témoignent encore aujourd’hui du passé loyaliste de la région.

Il va sans dire que cette proximité géographique amène également une proximité sociale. À ce sujet, ma grand-mère me répétait souvent le proverbe hollandais beter een goeie buur dan een verre vriend qui signifie « mieux vaut un bon voisin qu’un ami au loin ». Dès notre arrivée, les gens de Saint-Armand, et tout particulièrement ceux du secteur de Phillipsburg, nous ont accueilli avec la plus grande générosité, ce qui a certainement facilité notre intégration et notre appartenance à l’endroit. À titre d’exemple, étant de nouveaux adeptes du jardinage, nous faisons désormais partie d’un petit groupe dont les membres échangent semences, plantes et arbustes. On m’enseigne quel éclairage utiliser pour faire pousser mes plants, quels légumes semer en premier, etc.

En outre, les anciens d’ici possèdent une bonne connaissance de l’histoire de la région, des bâtiments et des familles du coin qui m’impressionne et me fascine. J’ai toujours été à l’aise avec les gens plus âgés ; j’aime écouter leurs histoires, leurs expériences de vie et leurs observations. J’ai l’impression que le clivage générationnel dont on parle parfois est moins évident ici, puisque la taille du village fait en sorte qu’on doit nécessairement se côtoyer, se respecter et s’apprécier pour qui on est et pour ce qu’on à s’apporter les uns les autres. Notre patrimoine naturel, bâti et social forme à mon sens le cœur du village. Bref, il fait bon vivre à Saint-Armand.

La pandémie a d’autant plus souligné l’importance d’être bien chez soi, d’avoir accès à la nature et de tisser des liens avec sa communauté. Comme plusieurs de mes voisins me l’ont souligné au cours de la dernière année, il y a certainement de pires endroits où être confinés qu’ici.

Pour notre part, si la pandémie nous a apporté son lot de défis et de difficultés, elle nous a également fourni de nouvelles possibilités. Le télétravail et le confinement m’ont permis de découvrir les plaisirs du jardinage et des promenades quotidiennes en pleine nature. Étant coupés de notre cercle d’amis vivant ailleurs, nous avons passé plus de temps à bavarder avec les voisins croisés dans la rue, à prendre de leurs nouvelles et à tisser des liens avec eux. Après tout, mieux vaut un bon voisin qu’un ami au loin, n’est-ce pas ?

En fait, cette période de calme forcé m’a donné l’occasion de me recentrer sur mes priorités et sur le mode de vie qui me convient, de même qu’à entreprendre des projets auxquels j’aspirais mais pour lesquels je manquais de temps auparavant. Notamment, celui d’entreprendre une maîtrise en administration des affaires et d’ouvrir mon propre bureau en droit municipal et agricole. Mon mari qui, avant la pandémie, travaillait dans l’industrie de la musique, s’est recyclé dans l’informatique et offre des services à domicile aux gens qui maîtrisent mal cette technologie. La pandémie a été l’occasion de faire preuve de résilience, de s’adapter à la nouvelle réalité et d’entreprendre de nouveaux défis.

Enfin, il m’est également devenu évident qu’il est plus important que jamais d’encourager les entreprises et les initiatives locales parce que, au final, ce sont elles qui donnent vie à un village. Qu’il s’agisse du magasin général d’André et Maryse, du gym qui vient de rouvrir ses portes ou du café communautaire à naître, il faut les encourager financièrement car « acheter, c’est voter ».

Quelle richesse nous avons : patrimoines naturel, bâti et social, trésors vulnérables et inestimables. C’est ce qui forme son tissu, résilient et pérenne. J’aime penser que quand on les chérit et les protège, c’est soi-même qu’on protège et à qui on donne l’occasion de grandir et de s’épanouir.