Photo : Sophie Benoît
Voici un texte de Sophie Benoit, en hommage à sa cousine, Christine Benoit-Bélisle
L’été dernier… ou était-ce le précédent ? Oui, le précédent, en 2006. Cet été-là, pour mon anniversaire, on m’invite à un piquenique festif entouré de dizaines de chats, sur le chemin Luke. C’est le genre d’attention dont déborde Lise à mon égard depuis notre collocation à Montréal. La soirée s’annonce belle et, surprise ! Christine est de la partie ! Je ne l’ai pas vue depuis longtemps… comment décrire la « première impression » qui accompagne toujours son apparition ? Pour moi, pré-adulte un peu timide qui cherche encore l’impact de ma présence sur le monde, Christine était, non pas un « modèle » (parce qu’il faut une incroyable confiance en soi pour s’affirmer comme elle !), mais un signe que l’épanouissement peut prendre les formes les plus diverses et les plus colorées. Une impression de contrôle impulsif accompagnée d’un nonchalant vent de liberté totale émanait de ma grande cousine aux cheveux emmêlés, anneau dans le nez, tatouage au pied. Je me souviens d’ailleurs que, lors de ce souper estival, nous avons discuté tatouage : elle arborait discrètement trois lignes noires à la base des cheveux, et alors que je venais de me faire douloureusement encrer le pied, Christine me racontait nonchalamment comment elle s’était auto-tatoué cet endroit oh ! Combien non-charnu de l’anatomie humaine. Admiration sans bornes de moi pour elle.
À Noël dernier me parvient, en provenance du chemin Luke, une nouvelle invitation à partager la table familiale le temps d’un souper. Je suis, pour la première fois depuis longtemps et, je le réalise aujourd’hui, pour la dernière fois également, en présence de mon parrain et de mes deux cousins, simultanément. À table avec Étienne, Christine et Réjean, l’ambiance, l’énergie qui circule entre père et enfants, est difficile à décrire. Mais je peux parler de Christine, cette drôle de cousine à l’air un peu excentrique et dont l’enthousiasme ne semblait jamais tari ! À l’écouter raconter ses expéditions, je ne pouvais que penser aux vers d ‘Aznavour.
La bohème, la bohème
Ça voulait dire on est heureux
La bohème, la bohème
Nous ne mangions qu’un jour sur deux
[…]
Épuisés mais ravis
Fallait-il que l’on s’aime
Et qu’on aime la vie
La bohème, la bohème
Ça voulait dire on a vingt ans
La bohème, la bohème
Et nous vivions de l’air du temps
Aujourd’hui Christine n’est plus au bout de la terre, à courir les fermes biologiques ; elle ne plante plus d’arbres en Colombie-Britannique, et New York ne verra plus sa camionnette ni ses sapins de Noël.
C’est à nous, aujourd’hui, de lui souhaiter sans aucun remords, sans bagage et le cœur libéré, un bon voyage au pays des merveilles. Croire en Dieu et souhaiter à Christine un repos éternel n’aurait pas de sens pour moi : je croyais en Christine et en son énergie, et je lui souhaite un merveilleux dernier voyage. Oui, c’est le plus éprouvant de tous pour les parents qui la saluent, le cœur serré, mais comme Christine le racontait souvent, un voyage, c’est toute une aventure !