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Peter Wade, l’homme orchestre

Rosie Godbout

Peter Wade devant la maison familiale

La première fois que j’ai entendu jouer Peter Wade, c’est au Old Mill Bar, à Stanbridge East. Exceptionnellement, le parking débordait de voitures et nous nous y étions arrêtés, convaincus qu’il y avait un événement spécial. Et c’était le cas ! Il y régnait une ambiance d’enfer créée par la présence d’un groupe musical d’une qualité exceptionnelle. C’est pourquoi, lors des deux dernières éditions du FeFiMoSA, je n’ai pas manqué d’assister au concert que le groupe de Peter offrait sous le grand chapiteau. Soirée superbe, enlevante, où jeunes et moins jeunes chantaient et se déhanchaient sur les accords amplifiés des grands classiques du Rock & Roll et de quelques-uns des plus fameux airs de musique country.

Dans la région, tout le monde connaît Peter Wade. Natif de Saint-Armand, il incarne la 8e génération de la famille. Qui dit mieux ? C’est en 1774 que ses ancêtres se sont installés ici. Ils y exploitaient des terres qui s’étendaient depuis le chemin Bradley jusqu’au-delà de l’actuelle frontière. Malheureusement pour sa famille, quand la frontière canado-américaine a été créée, elle a été dépossédée de ses terres situées sur le territoire de l’Oncle Sam …

Aujourd’hui, Peter exploite toujours la ferme familiale, mais n’habite plus la résidence ancestrale, laquelle était celle de sa mère jusqu’à son récent décès. Toutefois, comme celle-ci était une amoureuse de musique, la résidence historique a toujours servi de salle de répétition où les musiciens de Peter venaient délier leurs instruments. De fait, Peter baigne dans la musique depuis sa plus ten­dre enfance. Sa mère chan­tait à l’église anglicane, son père touchait l’orgue, et un piano trônait dans la maison. À neuf ans, il entend les Beatles et c’est la révélation ! Il se met à rêver d’avoir un orchestre. Au grand regret de son père, ce ne sera donc pas le piano qui le séduira, mais la guitare.

Il prend des cours à Bedford ainsi que chez les frères du Collège de Philipsburg. À 12 ans, il reçoit sa première guitare en cadeau et se met en tête de réaliser son rêve. À 15 ans, il met sur pied son premier orchestre et se produit à l’école Notre-Dame-de-Lourdes de Saint-Armand où il interprète des airs de rock et des chansons populaires. À partir de ce moment, même s’il change constamment de musiciens, Peter aura toujours un band dont il sera le leader et le guitariste. À 18 ans, comme son orchestre devient plus performant, il produit un disque sur lequel il inter­prète ses propres compositions. A cette occasion, il présente son travail à la station radiophonique CHOM FM et son disque se met à tourner à la radio. Le succès est à portée de main ! À 23 ans, il fait le pari de se consacrer entièrement à la musique. Il crée un orchestre à Famham et, comme il manque un bassiste dans son groupe, c’est à ce moment qu’il troque sa guitare pour la basse, un parcours identique à celui de son idole, Paul McCartney ! C’est également à cette époque que, excédé que ses sandales se coincent dans les fils qui serpentent sur scène, il décide de jouer pieds nus. Une coquetterie qui demeure toujours sa marque de commerce, sa signature scénique.

Malheureusement, cette première « vraie job » de musicien ne durera que deux ans car, financièrement, c’est trop difficile. Pour gagner sa vie, Peter mise alors sur sa débrouillardise et ses nombreux talents. Il devient successivement – et souvent simultanément – débosseleur et peintre de voitures anciennes, éleveur de veaux et de chèvres, et se lance même dans la production d’un fromage de chèvre de sa création ! C’est également l’époque où, pour perpétuer une vieille tradition familiale, il se met à élever des ânes … pour le simple plaisir de leur compagnie.

Saint-Armand a bien failli le perdre, car, en 1986, on retient ses services pour faire partie d’un band aux États-Unis. Il travaille 18 mois avec un orchestre à l’Isle La Motte et se retrouve enfin dans un studio, un vrai, pour enregistrer un disque country. Cette expérience constitue probablement son plus beau souvenir professionnel, car il se sentait enfin considéré comme un vrai musicien, égal aux meilleurs. Cette belle aventure se terminera malheureusement en Floride, faute d’avoir pu obtenir la fameuse green card qui lui aurait permis de travailler aux É.-U.

Depuis lors, Peter sillonne les scènes des Cantons de l’Est avec son groupe. Une guitare, une basse, une batterie. Son orchestre est surtout rock. Ces bons vieux rocks classiques que nous aimons tous. Il interprète également des chansons en vogue, car son public en redemande. Ainsi doit-il sans cesse apprendre de nouvelles chansons, chercher de nouveaux airs et, bien sûr, continuer à composer. Ses sources d’inspirations ? Les Rolling Stones et les Beatles, bien sûr. Pink Floyd, le Genesis de Peter Gabriel et Deep Purple également.

En somme, la musique est la véritable passion de Peter Wade. Et ce n’est pas l’argent qu’il gagne qui le pousse à persévérer. Il ne peut tout simplement pas se priver de musique. Il a autant de plaisir à jouer et chanter devant un public qu’à se retrouver seul avec sa guitare dans la vieille maison familiale à travailler des variations sur de nouveaux accords. Cette passion lui a même permis de rencontrer son épouse Kate qui l’a vu jouer au Old Mill Bar. Comment résister à ce bel homme-orchestre aux pieds nus ? D’ailleurs, la passion de Peter est contagieuse, voire transgénérationnelle. Aujourd’hui, ses deux filles se passionnent pour la musique, l’une pour les Beatles et l’autre pour la musique populaire. Quant à son grand fils, l’aîné de la 9e génération, il joue de la batterie et s’est même produit avec son père devant public.

Les rêves qu’il poursuit ? Continuer. Tenter d’aller plus loin. Ailleurs, peut-être. En somme, pour Peter Wade, la musique c’est la Vie. Et la musique c’est Sa vie. S’il se produit un jour dans une galaxie près de chez vous, ne vous privez surtout pas du plaisir d’aller le voir et, surtout, de l’écouter.