Notre-Dame de Bonsecours à Bruxelles (Photo : Flavie Gagnon)
Ça y est, je suis revenu. Six mois à errer entre deux solitudes dans le pays de Brel. Un échange étudiant m’a amené à l’Université libre de Bruxelles, une des universités avec le plus d’étudiants étrangers en Europe. Six mois donc dans une auberge espagnole en plein cœur d’Ixelles, quartier d’étudiants et d’ambassades. L’Europe a cet avantage pour nous, Nord-Américains, d’offrir un voyage enrichissant sans être vraiment dépaysés. Pourtant, nos différences n’en sont pas moins nettes et, plus qu’une simple rencontre avec l’autre, c’est surtout une rencontre avec soi-même qui nous attend peu importe où l’on pose les pieds. J’ai tout de même fait de merveilleuses rencontres, surtout mes colocs. Ils étaient neuf : deux Italiens, un Espagnol, une Équatorienne, quatre Belges et un autre Québécois. Nous résidions dans un grand immeuble, nonante-deux (92), rue du général Jacques. Tout près de l’université, de l’immense et magnifique parc du bois de la Cambre et de la place Flagey. C’est la place du marché et de beaucoup d’animation, mais surtout, du frit kot (baraque à frites) avec les meilleures frites en ville et de nombreux bistros avec une carte de bière très bien garnie.
À chaque fois que l’on regarde l’Europe, on mentionne nos cousins français ou anglais, à qui l’on s’identifie, mais jamais les Belges, qui pourtant nous ressemblent beaucoup plus. En effet, tout comme les Canadiens-Français, ils sont beaucoup plus anglo-saxons que ce qu’on veut bien croire. Mais bien sûr, je vous parle des Belges francophones, parce que la Belgique…n’est pas vraiment un pays uni. Si certains se souviennent du canular qu’a fait la télé d’État (RTBF) en 2006, annonçant la séparation de la Flandres du reste de la Belgique et surtout du tollé qui avait suivi, il est assez facile de comprendre que la Belgique est un pays divisé. C’est aussi un pays fédéral, mais bien peu comparable à ce qu’on connaît. Il y a également la présence de deux communautés culturelles et linguistiques importantes : les Flamands et les Wallons. Une de mes plus grandes découvertes a été celle du fédéralisme belge, aussi compliqué que sa bureaucratie. Ici la représentation des entités fédérales est très tangible, concrétisée par des limites physiques claires entre les dix provinces et les trois territoires. Là-bas, il y a six entités fédérales : trois régions dont la Wallonie, la Flandre et Bruxelles-capitale, auxquelles sont superposées les trois communautés linguistiques de la Belgique : soit les flamingants, les francophones et les allemands. Les communautés gèrent l’éducation, la culture et la santé, tandis que les régions s’occupent du logement et de tout ce qui touche la gestion du territoire.
J’ai par contre fait le saut en découvrant que la Belgique possède une véritable frontière linguistique, un peu comme la rivière des Outaouais, diraient certains cyniques…La Flandre est donc unilingue flamande, la Wallonie unilingue française. Bruxelles est donc la seule région bilingue. Ça n’empêche pas les Wallons de parler flamand et les Flamands de parler français, mais ça veut dire que l’affichage est unilingue partout en dehors de Bruxelles et que l’enseignement de l’autre langue n’est pas obligatoire. Anecdote sur l’absurde de la situation : dans les trains qui sillonnent le pays, les messages ne seront bilingues qu’à Bruxelles. et unilingues dans les autres régions, même si la Société nationale des chemins de fer belges (SNCB) est un organisme fédéral et que la Belgique a trois langues officielles. Autre petit détail, tout se traduit en Belgique : les noms de rue comme de ville. Lièges devient donc Luik, Malines devient Mechelen et ainsi de suite, joli casse-tête.
Cette gestion linguistique additionnée aux tensions culturelles qui s’accumulent depuis la fin des grandes guerres, et nous voilà dans la situation absurde où Flamands et Wallons communiquent entre eux en anglais. Les uns affirment que ça ne vaut pas la peine d’apprendre le flamand parce qu’il n’est pas assez parlé dans le monde, et les autres sentent que ce sont toujours eux qui doivent parler la langue de l’autre. C’est un refrain connu par ici. Alors pourquoi la Belgique est toujours un pays ? Bruxelles, personne ne peut et ne veut s’en passer, surtout pas l’Europe. Reste que cette réalité force la réflexion sur nos questions nationales. Devrait-on fédérer les communautés anglophones, francophones et autochtones ? Peut-on concevoir la séparation du Québec sans le reste des Franco-canadiens ? La Belgique n’est pas un exemple à suivre, mais c’est certainement un endroit intéressant à étudier, tout comme la Catalogne, l’Écosse et la Bavière.
La Belgique est tout de même un pays très intéressant à visiter, au cœur de l’Europe et de son réseau de trains très efficace. Les clichés : bières, chocolat, frites et gaufres, mais aussi une histoire, surtout celle de la Renaissance, qui donne des trésors d’architecture, de peinture et de vitrail.
Deux gros bémols : les @#$ % ?&** de toilettes payantes dans les cinémas, restaurants, gares… etc. et l’absence généralisée d’abreuvoirs.