Pour la plupart des gens qui la connaissent, Holly a été enseignante d’anglais à l’école secondaire Massey- Vanier. Ainsi, ils pourraient se demander ce qu’elle vient faire dans une chaîne d’artistes.
Lorsqu’on y pense un peu plus, on se souvient de son intérêt pour la musique, la poésie et les jeunes qui s’y adonnent. Mais la véritable raison pour laquelle elle fait l’objet de ma chronique, c’est que, d’aussi loin que je me rappelle, c’est elle qui a su, pour moi, représenter la mentalité de l’artiste. Une personne aussi fascinante que particulière. Bon, on ne l’a pas vue dans de grandes réalisations cinématographiques et on ne retrouvera pas ses installations au Museum of Modern Art de New-York, mais quand vient le temps de passer un dimanche après-midi pour parler des raisons du poète, elle sait tenir son bout.
C’est que, voyez-vous, parallèlement à son métier d’enseignante, Holly menait une seconde vie : elle écrivait de la poésie et des chansons. Elle a l’âme de l’artiste et l’ouverture d’une femme du monde. Une new-yorkaise encore bien exotique et éclatée malgré les quarante années passées à Frelighsburg. Et lorsque je lui demande de m’expliquer qui est l’artiste, elle me dit que « c’est celui qui subit sa conscience ou son inspiration ». Elle me parle du poète, l’artiste le plus seul qui, dans sa forme la plus pure, n’attend même pas l’appréciation de l’autre. Une chance que je ne m’étais pas attribué ce titre !
En ce sens, elle me parle de deux opposés : Emily Dickinson et Bob Dylan. La première qui meurt laissant derrière elle un logis rempli de poèmes jamais lus et le second, qui remit enfin la poésie à la mode. C’est sur Bob Dylan que la discussion s’anime puisqu’elle me raconte cette histoire dans laquelle elle sort en cachette dans Greenwich Village, au Cafe Wha, à l’âge de 16 ans, pour voir un jeune Dylan qui traîne encore ses harmonicas dans ses poches et qui s’apprête à étourdir tout le monde avec Highway 61 Revisited. En même temps, c’est loin et c’est proche de la poésie que son père fait résonner dans la maison depuis qu’elle est toute petite. Les classiques irlandais chantés par les Clancy Brothers seront d’ailleurs plus tard chantés par Dylan lui-même alors que les frères irlandais entonneront When the Ship Comes In lors du concert fêtant les 30 ans de carrière du poète. Toute une boucle…
La fin des années 1960 la fait beatnik avant qu’elle ne devienne hippie. D’ailleurs, elle me fait remarquer que personne ne l’a avertie lorsque la première a laissé la place à la seconde. Elle est piquée par l’écriture poétique et n’arrêtera plus. Elle rêvera de fréquenter une école secondaire à vocation artistique mais elle n’y ira qu’à travers sa meilleure amie. Elle écrit, rencontre Laurent Gosselin, et déménage au Québec. Elle écrit, enseigne, écrit encore, et donne naissance à ses trois enfants. Et puis, elle travaille étroitement avec Michel « the Indian »Deloir qui prépare des chansons pour Stéphanie Biddle. La traduction d’un de ses poèmes figure parmi les pièces présentées par la chanteuse. Au début des années 1990, elle fournit une chanson à un jeune chanteur country qui l’enregistre sur son troisième album. Elle était loin de se douter que l’album de Stef Carse se vendrait à plus de 200 000 exemplaires. Cette réussite lui fait plaisir. Mais ce n’est pas pour cela qu’elle écrit…
C’est l’artiste qui se le doit à elle-même. C’est une question de conscience.
Merci Holly.