Illustration : MRC des Sources
Comme on a pu le constater dans le cas du gaz de schiste, les lois qui régissent l’exploration et l’exploitation des richesses du sous-sol québécois ne laissent pas beaucoup de pouvoirs aux autorités municipales et aux simples citoyens. Dans l’état actuel de la législation, une compagnie minière qui détient un claim* sur le sous-sol d’un territoire donné, peut procéder à l’expropriation de ceux qui possèdent les terrains en surface si elle y trouve un gisement exploitable. À ce stade, ni les citoyens ni les élus municipaux ne peuvent s’y opposer.
Mais voici que les élus de la petite municipalité de Saint-Camille, avec l’appui et la participation de bon nombre des propriétaires terriens de l’endroit, nous enseignent une fort intéressante leçon de choses quant à ce qu’une communauté peut faire pour bloquer des projets qui lui semblent aller à l’encontre du bien commun de ses membres. Et ce, même dans le cadre actuel de la Loi sur les mines du Québec, totalement désuète mais dont la rénovation et la mise à jour viennent encore d’être reportées de plusieurs mois suite à la prorogation de la session parlementaire à l’assemblée nationale.
La compagnie minière Bowmore caresse l’idée d’installer une mine à ciel ouvert sur le territoire de la municipalité parce que son sous-sol renfermerait de l’or. Fidèles à leur façon de faire les choses, les Camilliens se sont réunis pour considérer ce que cela pouvait signifier pour leur communauté. Il en est rapidement ressorti que la perspective d’une mine sur le territoire de la municipalité ne cadrait pas avec le plan de développement qu’ils avaient envisagé pour leur communauté et que le conseil municipal s’emploie à mettre en place depuis 25 ans.
Ils ont donc décidé d’intervenir comme ils le pouvaient afin de protéger leur vision du développement de leur coin de pays. Et de le faire sans tarder, avant que le projet ne soit trop engagé et qu’il ne leur soit plus possible de s’opposer aux privilèges de taille qu’accorde la Loi sur les mines du Québec aux détenteurs de claims. Des citoyens ont donc formé le groupe Mine de Rien, qui informe les Camilliens des avantages et des inconvénients d’un tel projet minier sur le territoire de la municipalité.
Les propriétaires terriens sont invités à faire parvenir à la compagnie minière une lettre recommandée interdisant l’accès de leur propriété à quiconque voudrait y faire de l’exploration minière et y procéder à des prélèvements de matière minérale. Ce qu’environ 30 % d’entre eux ont fait, selon monsieur Nicolas Soumis, un des membres de Mine de Rien.
De son côté, le conseil municipal a adopté une résolution interdisant l’accès des terrains municipaux à la minière Bowmore. Au risque de heurter de front l’actuelle Loi sur les mines, les conseillers et le maire Benoît Bourassa ont décidé que serait banni de la municipalité tout projet minier « qui com promettrait l’essor du secteur agricole ou de toute autre activité économique, sociale, environnementale, à l’intérieur des limites de la localité ». Aux dernières nouvelles, aucun élu ou citoyen n’a été emprisonné ni même accusé de quelque infraction que ce soit. Au contraire, suite aux actions des élus et des citoyens, la Sûreté du Québec serait tenue d’arrêter quiconque déciderait de tenter de passer outre aux interdictions d’accès qui ont été signifiées. Dans ces conditions, la direction de Bowmore a annoncé qu’elle suspendait indéfiniment ses projets à Saint-Camille. Il semble qu’elle concentrera ses efforts sur la municipalité voisine de Wotton, où les citoyens et les élus municipaux semblent plus ouverts à l’idée d’installer une mine à ciel ouvert. Les responsables du groupe Mine de Rien demeurent cependant vigilants. « Nous ne sommes pas contre le développement, mais nous avons notre propre idée sur le genre de développement que nous voulons chez-nous », a souligné Nicolas Soumis.
* claim : titre d’exploration minière qui donne à son titulaire le droit exclusif de rechercher, sur un territoire délimité, toute substance minérale et qui garantit l’obtention d’un titre d’exploitation en cas de découverte d’un gisement exploitable.