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- Aînés -- Édito -

Occupation : bénévole

Pierre Lefrançois

 Richard Lefrançois

Selon l’Observatoire québécois du loisir, le travail effectué par des bénévoles équivaut à plus de 200 000 emplois à temps plein au Québec. L’Institut de la statistique du Québec estime que près de 20 % des heures de bénévolat sont le fait des personnes âgées de 65 à 74 ans. Dans mon entourage immédiat, je peux compter plusieurs bénévoles actifs qui ont 75 ans et plus. C’est dire que les aînés, du moins plusieurs d’entre eux, contribuent considérablement à la bonne marche et au développement de leur communauté.

Cette contribution a un net impact financier : lorsque le gouvernement injecte 1 $ dans un organisme communautaire, les bénévoles et leur association génèrent une moyenne de 4 $ en prestation de services au sein de la communauté. On comprend que plusieurs centaines de milliers de dollars sont ainsi économisées chaque année grâce à l’action bénévole.

Bien au-delà de ces chiffres, le bénévolat est indispensable pour la société : il contribue à améliorer la qualité de vie au sein des communautés en offrant des services qu’on ne pourrait défrayer autrement, il favorise le sentiment d’appartenance à la communauté et de responsabilité sociale, tout en permettant aux bénévoles de s’épanouir sur le plan tant personnel que professionnel.

En effet, les experts s’entendent pour dire que la clé d’un vieillissement heureux réside dans une vie active et dans une implication soutenue au sein de sa communauté. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les personnes âgées ne représentent pas uniquement un poids pour la société. Dans la plupart des cas, elles peuvent y contribuer de manière significative et à long terme. Comme le souligne le gérontologue Richard Lefrançois* : « On doit inscrire dans la colonne des actifs l’apport économique inestimable des aînés. Ces derniers allègent considérablement le fardeau du système de santé, à titre d’aidants familiaux et bénévoles. Sans cet appui, les coûts des programmes couvrant les dépenses de maintien à domicile seraient beaucoup plus élevés. Ensuite, la contribution fiscale accrue des nouveaux retraités compensera partiellement la hausse anticipée des coûts en santé. Et n’oublions pas que les aînés contribuent à la création d’emplois dans le vaste secteur sanitaire et de l’hébergement, dans la recherche médicale et pharmacologique, sans oublier le domaine des loisirs. »

Le gérontologue est convaincu que, même la grande vieillesse (80 ans et plus) présente des atouts. « Au fil des ans, explique-t-il, les aînés ont appris à envisager la vie avec réalisme et sagesse. Leur expérience et leur créativité se sont également enrichies. Des peintres, musiciens ou scientifiques célèbres se sont même fait remarquer seulement à l’âge avancé. Ayant appris à relever différents défis, ils sont aptes à utiliser les stratégies qui se sont révélées efficaces. Leur souci de développement personnel et leur soif d’apprendre sont demeurés intacts. » Comme le soulignait la célèbre neurologue Rita Levi-Montalcini** : « Même passé 80 ans, le cerveau conserve des capacités insoupçonnables qui n’attendent que d’être mobilisées. »

Comment accueillir dignement les plus âgés dans la société ? « Il s’agit en premier lieu de leur prodiguer les soins nécessaires, explique Richard Lefrançois, de cesser de les ignorer ou de les exclure, et de mettre fin à l’âgisme. Il importe ensuite de les aider à ériger des digues protectrices contre l’isolement, la solitude, la détresse psychologique, puis de les épauler lorsque surviennent les épreuves. Il est impératif de respecter et valoriser les grands vieillards qui sont un rouage essentiel à la consolidation des liens intergénérationnels. Pourquoi ne pas les convier à participer à la création d’un monde meilleur où toutes les générations auront la chance de s’affirmer et de s’épanouir ? »

* Âgé de 72 ans, Richard Lefrançois est un sociologue et gérontologue à la retraite. Toutefois, il agit toujours comme professeur associé au département de psychologie de l’Université de Sherbrooke ainsi que comme chercheur au Centre de recherche sur le vieillissement de l’Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke. Le fait qu’il porte le même patronyme que le rédacteur en chef de ce journal est un pur hasard.

** Rita Levi-Montalcini, une neurologue italienne, est décédée en 2012 alors qu’elle s’apprêtait à aborder sa 103e année. En 1986, alors qu’elle était âgée de 77 ans, elle se méritait le prix Nobel de la médecine (co-lauréate avec Stanley Cohen) pour sa découverte révolutionnaire des « facteurs de croissance de cellules nerveuses ». Elle a été nommée sénatrice à vie au sein du gouvernement italien et est restée active jusqu’à la fin de ses jours.