J’ai vu, de mes yeux vu, des… dragons ! En fait, des langues de dragon. Quand je suis passé, il y en avait plein. C’était à Saint-Ignace, sur le chemin de la Grande-Ligne, à deux pas de la route 235. Qui peut imaginer qu’il existe vraiment, tout près de chez nous, un endroit où les dragons se sont installés ? Étonnant, vraiment étonnant ! Ceux que j’ai rencontrés n’ont pas d’ailes ni de griffes, et encore moins de queue de serpent qui effraie les enfants. La vérité, c’est que Geneviève Ste-Marie et Mario Dionne-Raymond donnent aux filets de porc qu’ils font fumer le nom de « dragons de Saint-Ignace », du fait de leur ressemblance étonnante avec la langue de cet animal fabuleux. Mais j’y pense, qui a déjà vu une langue de dragon et survécu pour la décrire ? Harry Potter et ses amis, sûrement.
Mario explique que les « langues » sont marinées au moins 24 heures dans une saumure dont la recette – un mélange de sel et d’épices – est tenue secrète. À la base, c’est l’élément qui fait que les viandes se conservent. Elles sont ensuite fumées à froid, à 20oC, durant sept à neuf jours. Elles prennent alors une couleur foncée qui leur donne un aspect un peu brûlé, mais il ne faut pas se fier aux apparences. L’œil et le palais sont agréablement déjoués, chose plutôt rarissime par les temps qui courent. On m’a expliqué que c’est le temps passé au fumoir et la température qui font la différence entre le fumage à froid et à chaud. Donc, à froid, on fume, par exemple, un gros morceau de saumon à une température se situant entre 10 et 20oC pendant sept à neuf jours. Bien sûr, la durée varie en fonction du produit et de sa taille. Pour le fumage à chaud, on parle d’une température supérieure à 60oC et d’une période de six heures ou moins, selon la taille du morceau de viande. Et tout y passe : saumon, crevettes, pétoncles, truite… Nommez la bête et sachez qu’il est possible de la fumer. Les dragons étant avides d’utiliser leur puissant talent, ils ne sont pas réfractaires à ce que le client apporte sa propre pièce de viande. Ils la traiteront avec autant de plaisir et de savoir-faire que s’il s’agissait d’une des leurs.
Le couple ne se bornera sûrement pas à se réapproprier les techniques traditionnelles que leur a transmises M. Asselin, l’ancien propriétaire du fumoir. Geneviève et Mario jouent d’ailleurs déjà avec les mélanges d’herbes pour les saumures et ils affinent certaines viandes, un peu comme on le ferait pour un fromage. Moi, j’appelle ça mettre de l’amour dans son travail. De plus, Mario deviendra rapidement un maître de la chose, car il participe à une formation sur l’art de la fumaison dans une école prestigieuse. Notons qu’on se sert, pour le fumage, de bois de frêne, d’érable et de hêtre provenant du moulin de Saint-Armand.
À vous, il reste à tester la délicatesse du saumon et de la truite fumés des Dragons de Saint-Ignace. Pour ma part, j’y ai trouvé de la finesse et de subtils goûts d’érable, mais aussi d’indescriptibles saveurs propres au produit. À mon avis, le détour en vaut plus que la peine, car une chose aussi unique ne devrait pas rester inconnue encore longtemps. Le saumon couché sur de gentils petits croutons accompagnés d’une pointe de fromage à pâte molle, du genre Le Sœur Angèle, fait une entrée en matière qui plaira, soyez-en assuré. Si vous préférez, jetez à la dernière minute des morceaux de truite fumée dans la sauce de vos linguines ou fettuccinis à la crème. C’est divin.
Les Dragons de Saint-Ignace, 124, chemin Saint-Ignace, Saint-Ignace-de-Stanbridge, 450 3341043