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- Agriculture -

Le blé d’automne en culture intercalaire

Une formule gagnante
Julie Reinling

Le 29 janvier, la cohorte régionale sur la santé et la conservation des sols entamait sa 3e année d’activité en proposant un atelier sur l’utilisation du blé d’automne en culture de couverture. Les producteurs participants se sont réunis aux bureaux de l’Organisme de bassin versant de la baie Missisquoi (OBVBM) dans le but de s’informer et d’échanger sur cette culture en intercalaire. Celle-ci présente de nombreux avantages, notamment en améliorant la qualité des sols et de l’eau, et en contribuant aux revenus du producteur. Cette initiative s’inscrit dans le cadre des grands chantiers destinés à diminuer la charge en phosphore dans la baie Missisquoi.

Qu’est-ce que la cohorte des sols ? 

La cohorte santé et conservation des sols a été mise sur pied par l’OBVBM dans le cadre du Plan d’Agriculture Durable (PAD) de 2020-2030, qui est financé par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) par l’intermédiaire du programme Prime-Vert. Elle rassemble des experts en agroenvironnement et des propriétaires d’entreprises agricoles régionales désireux de mettre en œuvre des pratiques agroenvironnementales favorisant la santé et la conservation des sols, une diminution de l’usage des pesticides, une bonne gestion des matières fertilisantes et de l’eau, de même que la préservation de la biodiversité. Organisée en groupes de travail réunis autour de thèmes définis en fonction des besoins exprimés par les producteurs, la cohorte permet à ces derniers de se mobiliser et de profiter d’un lieu d’échange et de réflexion, encourageant ainsi le transfert des connaissances aux personnes impliquées dans la gestion de l’eau du bassin versant.

L’importance des cultures de couverture

Marie-Ève Bernard, agronome au MAPAQ et accompagnatrice de la cohorte, a rappelé les nombreux avantages liés à l’intégration des cultures de couverture dans la rotation maïs-soya. Mais de quoi s’agit-il exactement ?

La culture de couverture consiste à semer, après la récolte de la culture principale (on parle alors de culture dérobée ou intermédiaire) ou simultanément (il s’agit alors de culture intercalaire), des plantes qui ne sont pas nécessairement destinées à être récoltées, mais plutôt à nourrir le sol et à éviter que celui-ci ne soit laissé à nu. En effet, un champ dépourvu de végétation est plus sujet à l’érosion qu’un champ cultivé et il retient moins l’eau, qui va donc ruisseler, emportant avec elle des sédiments chargés de phosphore. En plus de limiter l’érosion en agrégeant le sol, les cultures de couverture sont une source de nutriments, notamment d’azote, utiles aux plantes qui suivront. Elles permettent en outre d’améliorer la structure du sol, d’y favoriser la biodiversité en le gardant plus vivant, sans compter qu’elles font compétition aux mauvaises herbes. Elles sont utiles à la santé des sols, à la productivité des cultures, à la biodiversité et à l’environnement. Au final, elles permettent de réduire la quantité de fertilisants et d’herbicides de même que le travail du sol. Bien que les semis représentent des dépenses additionnelles, l’investissement est rentable à moyen et long terme. Légumineuses, crucifères, graminées, semées seules ou en mélange, les espèces disponibles sont nombreuses, leur choix dépendant de l’objectif visé (capter l’azote, protéger le sol, favoriser la biodiversité…). Parmi celles-ci, le blé d’automne, moins connu, représente pourtant une solution fort intéressante pour les producteurs souhaitant améliorer la qualité de leurs sols et de l’eau tout en générant des revenus.

Le blé d’automne, bon pour le sol et pour les finances des agriculteurs

Au Québec, les superficies cultivées en blé d’automne ont triplé depuis 2019 et elles continuent d’augmenter. Il y a donc un véritable engouement pour cette plante utilisée comme fourrage, mais aussi pour la consommation humaine, car elle présente de nombreux avantages au champ.

Comme toute culture de couverture, celle du blé d’automne contribue à l’amélioration de la qualité des sols : elle permet d’en réduire la compaction, puisque la période à laquelle cette céréale est semée coïncide avec le moment le plus propice aux applications de lisier et de fumier, ce qui a pour effet de limiter le nombre de passages de la machinerie dans le champ. En préservant un couvert végétal durant l’hiver et en permettant l’utilisation d’un engrais vert dans la rotation, le blé d’automne contribue également à réduire l’érosion. Utilisé en culture intercalaire, il favorise aussi une plus grande diversité racinaire, ce qui permet une meilleure agrégation des particules du sol. Toutefois, ce sont les revenus que cette plante peut générer qui pourrait en accroître la popularité auprès des producteurs.

Élisabeth Vachon, agronome invitée à participer à la cohorte du 29 janvier, a présenté aux participants les résultats de plusieurs études menées sur la culture des variétés automnales de blé, tout en leur prodiguant des conseils techniques afin d’en maximiser les rendements. À noter que, dans la plaine de Montréal, ceux-ci sont de 25 à 40 % supérieurs à ceux du blé de printemps. Comme il fleurit deux à trois semaines plus tôt que ce dernier (donc, quand il fait moins chaud), le blé d’automne est moins vulnérable à la fusariose, maladie fongique courante qui fait des ravages dans les cultures des céréales à paille. Intégré dans la rotation maïs-soya, il augmente de 4 à 10 % les rendements de ces deux plantes et, une fois récolté, il peut être suivi d’un engrais vert, ce qui aura pour effet de réduire les besoins en fertilisation de la culture suivante et de permettre ainsi aux producteurs de réaliser des économies, tout en limitant la contamination de l’eau par les matières fertilisantes.

Vers une filière de production de farines 100 % québécoises ?

Au Québec, le marché du blé de consommation humaine est en plein essor et offre de nouvelles perspectives économiques qui suscitent de plus en plus l’intérêt de la part des meuneries, des producteurs agricoles et des boulangers. La porte au développement d’une filière de production de farines 100 % québécoises est donc grande ouverte. Les propriétaires des Moulins de Soulanges l’ont bien compris, eux qui achètent chaque année en moyenne 45 000 tonnes de blé produit au Québec, dont le tiers en blé d’automne. Ce dernier est particulièrement prisé en raison de sa teneur en protéines (différente de celle du blé de printemps), laquelle est idéale pour l’élaboration de farines de spécialité, notamment celle qui entre dans la composition de la pâte à pizza. Soucieux d’encourager le développement d’une agriculture durable, les propriétaires des Moulins de Soulanges ont élaboré le programme Agriculture Raisonnée™, qui offre un accompagnement agronomique (permettant notamment d’identifier les conditions propices à une infestation de la fusariose avant le semis) ainsi que des primes aux producteurs qui s’engagent à n’utiliser ni semences traitées, ni fongicide, ni glyphosate ou autre herbicide. Un bel incitatif !

Songez-y, quel plaisir et quelle satisfaction ce serait que d’acheter un pain à la boulangerie du coin ou de déguster une pizza au resto, en sachant que l’un et l’autre sont confectionnés avec du blé produit chez votre voisin et une farine élaborée à moins de 200 kilomètres ! Cela pourrait bien devenir une réalité, sans compter que cela contribuerait à la qualité des eaux du bassin versant de la baie Missisquoi.

 

Julie Reinling

 

 

 

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