Qui a dit que le cheval vapeur surpassait le cheval et que l’intelligence artificielle nous dispenserait de la nécessaire lumière de l’intelligence humaine ?
Paru dans nos pages en avril 2020, cet article relatait le Rapport de la Commission parlementaire de l’agriculture sur l’usage des pesticides qui venait d’être déposé. Nous doutions alors de l’intention du gouvernement Legault et de son ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, de mettre en œuvre les recommandations du rapport. On ne peut que constater aujourd’hui qu’ils n’en n’ont effectivement rien fait.
Au 20e siècle, le recours généralisé aux pesticides et à la fertilisation chimique intensive représentait le nec plus ultra de la modernité. Aussi incroyable que cela puisse paraître, on parlait à l’époque d’une véritable « révolution verte » en agriculture. Ce « modernisme » du siècle dernier a eu pour effet d’entraîner la pollution de la baie Missisquoi. On estime qu’il faudra des décennies pour rétablir une certaine salubrité dans ses eaux.
Le rapport de la Commission parlementaire de l’agriculture, des pêcheries, de l’énergie et des ressources naturelles (CAPERN), qui vient d’être déposé, comporte finalement 32 résolutions. Rappelons que le gouvernement avait d’abord eu l’intention d’édulcorer les résultats de ces travaux parlementaires sur l’utilisation des pesticides en agriculture en présentant un rapport sans recommandations, qui ne comporterait que des observations générales. Il aura fallu les pressions de la députée libérale Marie Montpetit et de sa collègue de Québec solidaire, Émilise Lessard-Therrien, pour que Lamontagne (le ministre de l’Agriculture) n’accouche pas d’une souris.
Les résolutions de la CAPERN vont certes dans la bonne direction, mais elles vont nettement moins loin que ce qui avait été proposé lors des audiences publiques. En plus, rien ne garantit que le ministre en tiendra pleinement compte pour l’élaboration du plan quinquennal qu’il doit annoncer sous peu.
Ainsi, la première recommandation de la Commission vise la diminution de l’emploi des pesticides en agriculture. Il n’est donc pas question de les bannir, seulement d’en limiter l’usage, sans que ne soit précisée la moindre cible. Ce qui signifie qu’on se contentera probablement de diminuer les quantités de certains pesticides épandus. Il serait étonnant que le plan du ministre permette d’en faire plus à cet égard.
Le rapport recommande également que le gouvernement rehausse la qualité des données portant sur les pesticides, sans toutefois aller jusqu’à recommander l’implantation d’un registre détaillé de leur emploi, ce qui était réclamé par les scientifiques consultés lors des audiences.
Une autre recommandation vise la « révision du code de déontologie des agronomes » afin de « mieux encadrer son application, notamment en clarifiant la notion d’indépendance ». Dans les faits, cette formulation tordue équivaut à rejeter du revers de la main une demande qui a été formulée à plusieurs reprises durant la commission, à savoir mettre fin au double rôle des agronomes qui, à la fois, prescrivent et vendent des pesticides. Rappelons que Michel Duval, président de l’Ordre des agronomes du Québec, s’oppose à une telle séparation des rôles pour ses membres et estime que le code de déontologie actuel « est suffisamment contraignant ». Bref, il est à prévoir qu’il ne se passera rien de significatif sur ce plan non plus. *
À ce rythme, il nous faudra beaucoup plus que quelques décennies pour dépolluer la baie Missisquoi ! Nous devons définitivement faire mieux ! Beaucoup mieux ! Si nous souhaitons véritablement y parvenir…
Ces dernières semaines, des scientifiques font un lien entre la déforestation, l’agriculture intensive, la commercialisation des espèces sauvages et l’apparition de pandémies destructrices.
* Lire, à ce sujet, la critique de l’agronome Louis Robert au sujet de l’aveuglement pratiqué par l’Ordre des agronomes du Québec : https://journalstarmand.com/louis-robert-critique-son-ordre